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Signaler une « radicalisation en cours » ? Une proposition de loi inquiète Secretpro.fr

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Une nouvelle dérogation au secret professionnel au nom de la lutte contre la radicalisation ? Le sujet est délicat, puisqu’il met en jeu les notions de prévention, de risque, la menace du terrorisme, face aux principes éthiques et au cadre d’intervention du travail social. Dans une analyse rendue publique le 30 juin, le site Secretpro.fr critique une proposition de loi « portant adaptation du secret professionnel aux évolutions de la radicalisation pour les professions médicales, sociales et éducatives », déposée à l’Assemblée nationale le 18 mai par une quarantaine de députés LR.

Dans leur exposé des motifs, les parlementaires expliquent que les professions visées « sont bien souvent en première ligne avec des individus radicalisés ou en passe de radicalisation » et que « l’état du droit actuel ne permet souvent pas de réellement appréhender la radicalisation en amont, ces professionnels se trouvant démunis concernant sa signalisation et l’imprécision des dérogations au secret professionnel ». Ils indiquent que la radicalisation « se détecte via un faisceau d’indices » dont les caractéristiques sont complétées dans « le référentiel interministériel des indicateurs de basculement dans la radicalisation »(1). L’article unique de la proposition de loi modifie l’article 226-14 du code pénal qui précise les cas dans lesquels les sanctions encourues en cas de non-respect du secret professionnel ne sont pas applicables. Outre les dispositions déjà prévues, les sanctions ne concerneraient pas les « médecins, [les] professionnels de santé ou de l’action sociale, [les] enseignants ou [le] personnel éducatif qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent, ou de l’appréciation, selon la méthode du faisceau d’indices, d’une radicalisation en cours chez un de leur patient, ou dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une ».

Au-delà d’interrogations sur la rédaction de l’article, Secretpro.fr juge que le texte « ouvre la porte, sous le sceau de la lutte contre le terrorisme, au signalement de comportements jugés comme déviants aux autorités sur la base d’une norme d’attitudes, de modes de vie et de pratiques religieuses ». Auteur de l’analyse, Antoine Guillet, assistant social et formateur, y voit la poursuite d’un glissement dans la logique du signalement : « Qu’est-ce qui le motive ? », interroge-t-il. Dans la proposition de loi, « il est question de personnes représentant un danger potentiel pour la collectivité, suspectées d’être en cours de radicalisation sur le fondement de comportements, il s’agit ni plus ni moins de contrôle social ! » Le travailleur social, « comme tout citoyen, dispose de moyens légaux d’alerte pour empêcher un acte criminel », ajoute-t-il, et les situations de mineurs en danger du fait d’un embrigadement sectaire relèvent des dispositifs existants dans le cadre de la protection de l’enfance. Les dispositions sur l’information du préfet par un professionnel de santé ou de l’action sociale en cas de détention d’une arme par une personne qui le consulte figurent déjà dans l’article 226-14 du code pénal.

Rappelant d’autres modifications législatives récentes sur le secret professionnel, Secretpro.fr estime qu’une telle mesure « affaiblirait considérablement le secret professionnel » et par conséquent réduirait les possibilités d’accompagner les publics fragiles. « C’est occulter tout ce que peut permettre un travail de qualité de tous les professionnels », notamment ceux qui interviennent auprès des jeunes, argue-t-il encore. Le signalement, résume le site, « est un outil qui peut être mobilisé lorsqu’un danger est évalué pour un mineur ou un majeur vulnérable et que le professionnel a atteint les limites de son intervention dans le cadre qui est le sien, mais en aucun cas pour signaler une personne considérée comme déviante ». Dans un document publié en décembre dernier, intitulé « Après les attentats terroristes, faut-il modifier les règles du secret professionnel ? »(2), le site dénonçait déjà le danger du « tout signalement ». Le cadre actuel du secret professionnel offre les outils « pour agir au mieux : travailler dans un espace protégé quand c’est possible, signaler en cas de péril », défendait-il.

Notes

(1) Voir ASH n° 2962 du 27-05-16, p. 13.

(2) Voir ASH n° 2937 du 11-12-15, p. 20.

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