L’Etat et les départements n’ont pas réussi à dépasser leurs divergences sur la recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA). Face au poids de cette allocation dans la crise des finances départementales (3,6 milliards d’euros de reste à charge en 2015, contre 600 millions en 2009), la piste de la reprise en main par l’Etat du financement de l’allocation avait ressurgi il y a près de un an. Après plusieurs mois de discussions, qui se tenaient depuis avril au sein d’un groupe de travail technique, l’ADF a, le 22 juin, en assemblée générale, refusé les propositions du gouvernement. Les présidents de conseils départementaux de droite et du centre s’y sont opposés, ceux de gauche n’ont pas pris part au vote.
En février dernier, une solution semblait pourtant pouvoir se dessiner, Matignon ayant consenti, à certaines conditions, au principe d’une recentralisation, et l’ADF ayant accepté d’ouvrir les négociations, tout en pointant plusieurs sujets de friction. Parmi eux : la prise en compte de l’année 2016 comme année de référence, au lieu de 2014 comme elle le réclamait. Soit un coût de 700 millions d’euros pour l’Etat dans la première option, et d’environ 1,5 milliard de plus dans la seconde. Pas question, pour l’association d’élus, dont certains membres ont entre-temps exprimé leurs réticences à la perspective même d’une recentralisation, de céder sur l’année de référence. Selon un communiqué du président de l’ADF, Dominique Bussereau (LR), diffusé le 22 juin, la contribution demandée aux départements et le sujet de la péréquation entre eux ont également constitué des points de blocage. L’ADF rejette aussi l’idée d’« un contrôle de l’Etat sur les dépenses d’insertion ». Matignon avait, à l’ouverture des discussions, souhaité que le financement du RSA soit lié à l’efficacité des politiques d’insertion des départements.
Le président de l’ADF n’entend pas pour autant en rester là : « Dans les mois à venir, nous continuerons notre combat pour poursuivre et améliorer l’efficacité des politiques d’insertion conduites par les départements et demander à l’Etat une prise en charge totale du “reste à charge” que les départements doivent payer chaque année au titre du RSA », souligne-t-il. Dans ce contexte, il estime que « le recours à un fonds de mobilisation sera vital pour une quarantaine de départements d’ici à la fin 2016 ».
Quelques jours après le vote de l’ADF, Michel Dagbert et Jean-René Lecerf, respectivement président PS du Pas-de-Calais et Divers droite du Nord, ont, le 28 juin, rendu publique une contre-proposition de « nouveau pacte financier entre l’Etat et les départements ». Estimant que « la recentralisation du RSA n’est pas la bonne question », les deux élus suggèrent que l’Etat prenne en charge une partie du surcoût des allocations individuelles de solidarité (RSA, allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap). Selon ce mécanisme, une dotation de l’Etat interviendrait à partir du seuil où le reste à charge par habitant devient supérieur à la moyenne nationale. Ce qui permettrait aux départements de limiter leur financement de chacune des allocations à un coût moyen, le dépassement étant assumé par la solidarité nationale. Et conduirait automatiquement, d’après les présidents des deux départements, à une péréquation nationale plus importante entre les territoires les plus riches et les plus pauvres.
De son côté, le groupe de gauche de l’ADF condamne le vote de l’association d’élus, regrettant « que la majorité de droite de l’ADF ait empêché d’aboutir à un compromis acceptable avec le gouvernement ». Il estime que « les enjeux financiers ont pris le pas sur l’enjeu politique d’assurer la solidarité des droits à égalité pour tous les citoyens ». Il plaide pour un « fonds de compensation pérenne conséquent, non plus d’urgence, corrigeant les iniquités existantes » et en appelle plus globalement à « la réinvention du modèle social ». Evoquant la proposition phare du rapport du député Christophe Sirugue (PS), les départements de gauche demandent la création d’une allocation de solidarité unique fusionnant les différents minima sociaux.
Dans un communiqué diffusé le 21 juin, après une dernière rencontre avec le comité exécutif de l’ADF, le Premier ministre a rappelé sa volonté de créer une « couverture socle unique » par la refonte des minima sociaux. Et indiqué que « le gouvernement serait attentif à la situation des départements les plus en difficulté, grâce à la mise en place d’un fonds d’urgence dès 2016 », dont il n’a pas précisé le montant. Matignon a dit prendre acte du « refus d’une majorité du comité exécutif de l’ADF de s’engager » dans la voie que le gouvernement avait proposée en février et regretter « cette position de principe ». Evoquant certaines initiatives des départements pour limiter leurs dépenses, Manuel Valls a rappelé « son attachement au caractère national du RSA, dont le montant, les critères et le dispositif de droits et devoirs doivent être identiques pour tous ».
Le collectif Alerte a, le 24 juin, déploré « l’incapacité de l’Etat et des départements » à trouver un accord sur le financement de cette allocation qui constitue, « pour les plus fragiles, le dernier filet de protection sociale ». Les 39 membres du collectif demandent, « face à la gravité de la situation », au gouvernement et à l’Assemblée des départements de France (ADF) « d’assumer leur responsabilité en trouvant rapidement un compromis permettant de garantir le caractère pérenne de cette prestation dont le financement relève de la solidarité nationale ». La question de la charge que représente le RSA pour les départements « menace la pérennité du financement et du versement de l’allocation, notamment sur les territoires les plus touchés par la crise économique », soulignent-ils. Par ailleurs, la situation « incite les départements à durcir les conditions de versement de l’allocation, parfois à travers des mesures illégales qui stigmatisent les bénéficiaires » et les contraint « à se désengager des politiques d’insertion et d’accompagnement des allocataires ». Les associations demandent également à l’Etat et aux départements de « définir une feuille de route et un calendrier de réforme du RSA, en concertation avec les associations, pour simplifier l’accès à l’allocation, réduire le taux de non-recours scandaleusement élevé (30 %), l’ouvrir aux moins de 25 ans et unifier les minima sociaux sur la base des préconisations du rapport de Christophe Sirugue ».