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Assistants familiaux : des intervenants polytechniques

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Chargés désormais d’apporter un soutien à l’enfant mais aussi aux parents dans le cadre de la protection de l’enfance, les assistants familiaux sont amenés à développer, avec leurs techniques propres, une pluralité de modalités d’accompagnement. Cette nouvelle façon d’intervenir réinterroge la place de ces professionnels au sein des équipes, soutiennent Catherine Chevalier, éducatrice spécialisée, et Fanny Rachet-Charnoz, psychologue clinicienne, à partir d’une recherche menée à l’association Pluriels, dans la Drôme.

« Le métier d’assistant familial a beaucoup évolué et s’est professionnalisé au cours de ces quarante dernières années. Longtemps restés cantonnés à leur domicile, ces professionnels, titulaires du diplôme d’Etat d’assistant familial, sont désormais des “membres à part entière” des équipes de protection de l’enfance(1). Et alors qu’ils avaient jusqu’ici peu de contact avec les parents, c’est aujourd’hui en collaboration avec eux qu’ils doivent apporter un soutien aux enfants. Cette nouvelle façon d’intervenir amène les établissements et services à envisager autrement le rôle de ces professionnels. C’est ce que met en évidence la recherche que nous avons menée sur la place et les spécificités du travail des assistants familiaux de l’association Pluriels, qui exerce des mesures d’assistance éducative judiciaires et administratives.

Cette association a la spécificité d’avoir mis en place des accueils d’enfants chez les assistants familiaux. Ce service de soutien au domicile des parents – appelés selon les départements SAPMN, SAPMF, Sapsad…(2) – représente une alternative au placement. L’enfant est hébergé au quotidien dans sa famille à qui l’équipe pluridisciplinaire “apporte un soutien”(3), lequel peut passer par un séjour temporaire chez l’assistant familial. Défrayé mensuellement, qu’il accueille ou non un mineur à domicile, ce professionnel est pleinement intégré à l’équipe pluridisciplinaire : il participe aux réunions hebdomadaires avec le chef de service, les éducateurs spécialisés et les psychologues, à la signature du document individuel de prise en charge (DIPEC), à l’élaboration des projets personnalisés des enfants ainsi qu’à toute démarche utile au soutien de la famille.

Pour chacun des accueils au domicile de l’assistant familial, la collaboration avec la famille s’impose. L’objectif est de soutenir l’enfant mais aussi ses parents afin de prévenir les situations où “l’équilibre serait plus gravement compromis”(4). L’assistant familial va ainsi tenter d’atténuer la complexité des “accueils d’urgence” en ayant, par exemple, toujours une chambre prête afin que l’enfant se sente attendu. L’équipe de Pluriels s’attache d’ailleurs en permanence à recueillir l’avis et l’adhésion de la famille. Au-delà de l’hébergement d’urgence, qui reste marginal, l’assistant familial est associé à l’équipe lors de la préparation, de l’anticipation et de la “mise en mots” des “accueils préventifs” en collaboration avec les familles. Lesquels peuvent durer, selon les besoins, de quelques heures à quelques jours, être ponctuels ou réguliers, partiels ou séquentiels.

Un autre souci est ne pas laisser les assistants familiaux isolés. Ceux-ci peuvent interpeller un cadre d’astreinte et obtenir du soutien 24 heures sur 24 et chaque jour de l’année. Enfin, outre qu’ils se réunissent régulièrement entre eux pour échanger sur leur travail, ils participent chaque mois à une séance d’analyse de la pratique professionnelle avec un psychologue extérieur à l’institution.

Cette réflexion continue sur leur pratique a permis aux assistants familiaux de mettre en place, avec le soutien de l’équipe, différents outils au service de l’enfant et de ses parents.

Des développeurs d’outils

C’est ainsi qu’au début de la mesure, les parents se présentent systématiquement avec leur enfant au domicile de l’accueillant. Cette visite leur permet de dédramatiser la séparation, de mieux comprendre le travail de l’assistant familial et la façon dont il s’insère dans le soutien global apporté par l’équipe pluridisciplinaire. C’est aussi un moment où les parents et le mineur remplissent une “fiche santé” afin de recueillir des informations sur les éventuels problèmes médicaux, d’hygiène, d’alimentation, les habitudes de l’enfant dans le respect de ce qui a été mis en place au sein de la famille.

Les assistants familiaux ont aussi réfléchi à la façon d’éviter d’être envahis par des phénomènes d’attachement à l’enfant et de garder leur “juste place”. Dès son arrivée, ils évoquent avec l’enfant la durée et la raison de son accueil, afin qu’il puisse comprendre le sens de sa venue et le caractère temporaire de la séparation d’avec sa famille. Ce qui suppose de s’adapter à l’âge des enfants : par exemple, pour les plus jeunes, les professionnels comptent, dessinent le nombre de nuits en “dodos” qui séparent l’enfant du retour dans sa famille, voire utilisent un “rouleau de temps”. Et lors du départ de l’enfant, ils reviennent sur le sens de l’accueil à travers un échange avec lui et sa famille.

Face à la détresse d’un accueilli ou à ses éventuels passages à l’acte, les assistants familiaux mettent en place des outils “de médiation” : ils prévoient des temps d’écoute, proposent des sorties, du dessin, téléphonent aux parents en tenant compte, là aussi, de ce qui se joue pour l’enfant en fonction de son âge. Dans tous les cas, ils informent l’équipe et les parents des propos et des actes de l’enfant.

Il peut arriver aussi, en cas de danger pour des nourrissons, que des accueils parents-enfants soient organisés. L’assistant familial va alors s’efforcer de soutenir les liens familiaux, mais aussi de transmettre des connaissances de puériculture aux parents.

Un réel échange avec les familles

Mais la collaboration avec les parents ne s’arrête pas là. En dehors des rencontres institutionnalisées, l’assistant familial continue d’échanger avec eux par téléphone ou lorsqu’il va chercher ou raccompagner l’enfant à leur domicile. Un dialogue très utile pour l’évolution de la situation de la famille. L’assistant familial, qui intervient au quotidien auprès de l’enfant, est en effet bien placé pour aborder concrètement avec les parents leurs difficultés. Il peut leur permettre de s’approprier les trouvailles et solutions qu’il a mises en place chez lui. Et les familles ont témoigné, au cours de notre recherche, combien elles appréciaient de pouvoir s’approprier la manière dont le professionnel était intervenu auprès de leur enfant. Ces échanges entre les parents et les assistants familiaux donnent du sens à la mesure, alors que certains enfants ont le sentiment d’être des “paquets ballottés” d’un lieu à l’autre. Il s’agit d’envisager l’accueil de l’enfant comme une “mise à l’abri et non à l’écart”, selon la formule de Jean-Pierre Thomasset(5). Soit un soutien dans un “ailleurs” qui ne remet pas en question la “place” symbolique de l’enfant(6), sa filiation, ses ancrages.

Le témoignage des parents a toutefois mis aussi en évidence le fait que ceux-ci avaient parfois encore du mal à comprendre le sens d’une intervention, qui peut comporter la séparation pour un temps de leur enfant. Aussi des professionnels de Pluriels ont-ils conçu une bande dessinée pour les plus jeunes(7) : celle-ci explique le travail de chaque intervenant et la façon dont chacun collabore avec les parents.

On voit donc se dessiner aujourd’hui une nouvelle conception du métier de l’assistant familial. Ce professionnel est amené à intervenir non plus à la périphérie, mais au cœur même du dispositif de protection de l’enfance. Il participe à l’ensemble des missions de l’aide sociale à l’enfance et apporte, avec ses techniques propres, son soutien à l’enfant, mais aussi aux parents. Ce travail avec les familles lui permet de sortir de l’ambiguïté de son rôle : a-t-il pour mission de soutenir ou de protéger ? Il s’agit de soutenir en protégeant et de protéger en soutenant. C’est donc vers une pluralité d’actes de soutien et une pratique polytechnique qu’évolue le travail de l’assistant familial. »

Notes

(1) Article 4 de la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux.

(2) Respectivement service d’accompagnement progressif en milieu naturel, service d’accompagnement progressif en milieu familial ou service d’accueil, de protection, de soutien et d’accompagnement à domicile.

(3) Article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF), qui détaille les missions du service.

(4) Article L. 221-1 du CASF.

(5) Psychologue et psychanalyste, il a notamment écrit « Alternatives au placement familial traditionnel. L’expérience du SAPMN de Nîmes » – Revue de l’enfance et de l’adolescence n° 90 (2014/2) et « La lettre de la loi comme point d’exception » – Le Bulletin Freudien nº 52 (août 2008).

(6) Jean-Pierre Thomasset a notamment développé la « clinique de la place ».

(7) Disponible sur demande à associationetics@gmail.com.

Contacts: catherine.chevalier@gmail.com  fannyrachetcharnoz@gmail.com.

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