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« Que n’y avait-on pensé plus tôt ? »

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Le 2 juin, l’ancien président de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, associé à Marjorie Jouen et à Clara Boudehen, a rendu au Premier ministre un rapport intitulé « Une nouvelle ambition territoriale pour la France en Europe ». Se dégageant d’une approche étroite de la question de l’aménagement des espaces, ce travail reprend la problématique globale de l’action publique dans les territoires. Le document, foisonnant d’idées, est surtout particulièrement critique à l’égard des instances publiques : commissariat général à l’égalité des territoires, comités ministériels, Sénat et autres acteurs qui se sont illustrés dans le domaine, notamment depuis 2012. L’ex-président du conseil général des Côtes-d’Armor tire même un bilan très sévère de ce qui a été entrepris durant le quinquennat qui se termine.

Le chapitre premier du rapport dresse un constat inquiétant de la situation générale. Injustice et déclin en sont les maîtres mots : fragilité des services publics, réponses nationales insuffisantes et inadaptées, modèle d’aménagement des Trente Glorieuses épuisé, réponses de l’Etat inadéquates… Dans un tel contexte, les collectivités territoriales ainsi que l’administration déconcentrée, qui font l’objet du second chapitre, sont considérées comme « fortement chahutées », ébranlées même par la réforme territoriale qui vient d’être adoptée. Cette dernière fait l’objet « d’opinions très partagées » quant à ses conséquences, notamment quant à un « retour rapide sur investissement » qui paraît douteux. Plus largement, ce sont les aspirations démocratiques qui ne trouvent pas de réponses pertinentes, accroissant l’incompréhension entre les citoyens et leurs représentants.

De ce réquisitoire sans concessions sortent neuf propositions, la première faisant office de finalité globale : coconstruire une ambition territoriale pour la France en Europe. Pour le reste, de nouvelles structures sont proposées : un Conseil des collectivités de France, un vice-Premier ministre en charge des territoires et de la démocratie. Et de nouvelles méthodes sont envisagées : « mettre en capacité d’agir » nos 500 000 élus, dynamiser les instances de démocratie locale, définir un « contrat territorial » entre les entreprises privées et les acteurs publics, faire de la réforme territoriale un exercice d’apprentissage collectif, ouvrir des espaces de créativité en desserrant la contrainte administrative.

On ne discutera pas ici le bien-fondé des propositions, en constatant néanmoins qu’il s’agit une nouvelle fois d’ajouter de nouvelles instances à l’existant, maladie bien française. Sur le fond, on note cependant, pour une fois, une préférence pour un « discours de la méthode » visant à soutenir les acteurs pour qu’ils expérimentent et inventent, en lieu et place des habituelles solutions qui, d’un côté, découpent éternellement les compétences pour en permettre un exercice enfin « clarifié » et, de l’autre, imaginent de complexes mécaniques pour les coordonner et les intégrer. Et puis, au cœur de l’ensemble, cette notion de « territoire » qui, pour n’être pas forcément bien cernée, a le mérite d’amener la réflexion sur un terrain plus stimulant.

Mais ce qui étonne surtout, c’est que le rapport s’attaque à une question que le simple bon sens aurait dû amener à poser. Car à quoi peut donc servir le système politico-administratif local, si ce n’est à « aménager les territoires », à y organiser les services publics, à favoriser le développement économique et social, tout en stabilisant un cadre démocratique légitime et efficace ? Tout cela revient finalement à se poser deux questions d’évidence : qu’est-ce qu’une collectivité territoriale, et que peut-on en attendre ? A quoi sert l’Etat, au travers de ses services déconcentrés, et que peut-il faire ?

Si les réponses avaient pu paraître à peu près assurées du fait de l’histoire même de la construction du modèle républicain, on doit constater que depuis les années 1980-1990, rien n’est moins clair. Trois « actes » de la décentralisation plus loin, on ne les connaît toujours pas. Les réformes, pourries par les croisements et les tensions d’intérêts de toutes natures, se font à l’aveugle avec des argumentaires de sophistes qui tirent à hue et à dia… Alors qu’ils entendent « simplifier », « clarifier », « démocratiser », etc., les réformateurs ne font que complexifier et emboliser un système qui risque dorénavant l’entropie, cela dans le découragement total des citoyens qui n’y comprennent goutte…

Beau symptôme de ces dérèglements que ce rapport « Lebreton », qui aurait sans doute pu contribuer à un débat mieux fondé, mais qui arrive, hélas, un peu tard… Ce sera peut-être pour le prochain quinquennat.

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