Après deux ans et demi de débats houleux, les parlementaires ont enfin adopté, le 6 avril dernier, la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, qui tend, selon le gouvernement, à affirmer la position abolitionniste de la France. Ce texte interdit l’achat d’actes sexuels en rendant les clients passibles d’une contravention, voire d’une peine de prison, et supprime le délit de racolage, reconnaissant ainsi les personnes prostituées comme des victimes et non plus des délinquants. Il s’agit là d’« une avancée historique pour les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes », s’est félicitée la ministre des Droits des femmes dans un communiqué du même jour. Mais tout le monde ne partage pas l’enthousiasme de Laurence Rossignol, en particulier en ce qui concerne la pénalisation des clients de la prostitution, mesure phare du texte. Députés et sénateurs se sont divisés sur cette question, y compris au sein même des groupes politiques. Elle suscite également le scepticisme de certaines associations, des forces de l’ordre et des magistrats – qui craignent notamment que les personnes prostituées ne soient obligées d’exercer dans des conditions plus dangereuses (clandestinité, violence, éloignement de l’accès aux droits et aux soins…)(1) – et l’opposition pure et simple de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) et du défenseur des droits(2).
Selon l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, le nombre de prostitué(e)s en France se situe entre 30 000 et 40 000(3), dont 80 % sont d’origine étrangère et la majorité est victime de réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains. Pour lutter contre ce phénomène, la loi du 13 avril 2016 s’appuie sur quatre piliers : le renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme au travers, notamment, de l’aggravation des sanctions pénales en cas de violences commises à l’encontre des personnes prostituées ou d’une surveillance accrue des réseaux agissant sur Internet ; l’accompagnement des personnes prostituées, avec la création d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ; la sensibilisation de la société dans le cadre, par exemple, des programmes d’éducation à la sexualité prodigués dans les établissements scolaires ; la responsabilisation des clients de la prostitution, désormais sanctionnés.
Rappelons par ailleurs que, sans attendre le vote de la loi, pour que les actions de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains puissent porter leurs fruits, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé, lors de l’université d’été de l’Assemblée des femmes du 27 août 2015, que les moyens qui y seraient alloués doubleraient en 2016 : ils sont ainsi passés de 2,4 millions d’euros à 5 millions.
Enfin, lors de l’assemblée plénière du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes du 13 juin dernier, Laurence Rossignol a indiqué que « la prostitution étant désormais reconnue comme une violence, la question de sa prise en charge a désormais toute sa place dans [le] 5e plan [de lutte contre les violences faites aux femmes] », qui sera présenté le 25 novembre prochain.
La nouvelle loi sanctionne les clients de la prostitution et supprime parallèlement le délit de racolage. Elle aggrave aussi les peines en cas de violences commises à l’égard des personnes prostituées, considérées comme de véritables victimes.
Le recours à la prostitution est désormais réprimé par le code pénal (CP), une façon, selon le gouvernement, de responsabiliser les clients afin de faire régresser la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle, et de lutter contre les inégalités et les violences dont sont victimes les femmes. Le nouvel article 611-1, alinéa 1 du code pénal dispose ainsi que « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe ». Les clients s’exposent donc :
→ à une amende de 1 500 € et à une ou plusieurs des peines complémentaires prévues à l’article 131-16 du code pénal (obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté, interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de 3 ans au plus, une arme soumise à autorisation…) – dont la liste s’est, au passage, enrichie d’un nouveau stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels (voir encadré ci-contre) – et à l’article 131-17, alinéa 2 du code pénal (travail d’intérêt général) (CP, art. 611-1 nouveau) ;
→ à une amende de 3 750 € lorsque l’intéressé commet de nouveau cette infraction dans un délai de 3 ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine (CP, art. 225-12-1, al. 1 modifié).
Ces faits sont donc désormais sanctionnés quel que soit l’âge ou la situation de la personne prostituée et non plus uniquement, comme précédemment, lorsque cette personne est mineure ou particulièrement vulnérable, indique la chancellerie dans une circulaire du 18 avril dernier. En pratique, précise-t-elle, cette infraction n’étant pas punie d’une peine d’emprisonnement, elle ne permet pas le placement en garde à vue de leur auteur. En revanche, il est possible de « procéder à des contrôles et des vérifications, et des contrôles d’identité ».
Pour la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Maud Olivier, « la pénalisation du client, qui participe du processus abolitionniste dans lequel la France s’est engagée, constitue, à terme, la meilleure solution pour voir diminuer la prostitution en France, là où tous les pays qui ont réglementé cette activité l’ont vu augmenter, comme en Allemagne notamment. Les données disponibles sur la Suède montrent avec certitude que la prostitution de rue a été divisée par deux en 10 ans, passant de 800 à 400 personnes environ, et ne laissent pas augurer que la prostitution de rue se soit reportée ailleurs » (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, page 114). Une opinion, rappelons-le, que ne partagent pas tous les acteurs de terrain, ni même la CNCDH et le défenseur des droits.
Est désormais puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage, des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse (CP, art. 225-12-1, al. 2 modifié). Ces peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les circonstances aggravantes suivantes sont établies (CP, art. 225-12-2, al. 1 à 5) :
→ l’infraction est commise de façon habituelle ou à l’égard de plusieurs personnes vulnérables ou de plusieurs mineurs ;
→ la personne vulnérable ou le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication ;
→ les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
→ l’auteur des faits a délibérément ou par imprudence mis la vie des intéressés en danger ou a commis contre eux des violences.
Si l’infraction est commise à l’égard d’un mineur de 15 ans, la peine est alourdie, pour s’établir à 7 ans de prison et à 100 000 € d’amende (CP, art. 225-12-2, al. 6).
Par ailleurs, lorsque ces faits, simples ou aggravés, sont commis à l’étranger par un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français, c’est la loi française qui s’applique. Des poursuites pénales peuvent alors être engagées sans que la victime ou ses ayants droit aient porté plainte ou que l’autorité du pays dans lequel les faits sont survenus ne les ait dénoncés (CP, art. 225-12-3 modifié).
(A noter) Pour pouvoir exercer en tant que tel, l’assistant(e) maternel(le) ou l’assistant(e) familial(e) doit solliciter un agrément auprès du président du conseil départemental de son lieu de résidence. Sa demande peut désormais être rejetée si l’une des personnes majeures vivant à son domicile a été condamnée pour avoir eu recours à la prostitution d’un mineur ou d’une personne vulnérable (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 421-3, al. 6 modifié).
En corollaire de la pénalisation des clients de la prostitution, les parlementaires ont supprimé l’article 225-10-1 du code pénal qui réprimait jusqu’alors le délit de racolage, défini comme « le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération ». Une suppression d’autant plus justifiée, selon la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, que le recours à ce délit était de moins en moins fréquent, les parquets ayant plutôt tendance à privilégier les alternatives aux poursuites, notamment le rappel à la loi(4). Pour autant, a-t-elle assuré, « l’abrogation de ce délit ne privera pas […] les services de police et de gendarmerie de tout moyen pour assurer l’ordre et la tranquillité publics », car ils disposent d’autres outils législatifs et réglementaires pour sanctionner d’éventuels troubles à l’ordre public : l’incrimination de l’exhibition sexuelle et les interdictions de stationner ou de circuler édictées par les autorités détentrices de la police administrative (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, pages 94 et 98).
Le délit de racolage n’est donc plus une infraction pénale depuis le 15 avril 2016(5). C’est pourquoi, explique la chancellerie, les procédures en cours à cette date « doivent être classées sans suite ou, si les poursuites avaient été engagées, donner lieu à des relaxes motivées par l’extinction de l’action publique ». De la même manière, poursuit-elle, les peines déjà prononcées au titre de cette infraction « ne doivent pas ou plus être exécutées et ne doivent pas notamment être adressées au casier judiciaire ». Les personnes écrouées à ce titre doivent aussi être libérées. Enfin, les personnes condamnées pour racolage et inscrites sur le fichier des personnes recherchées ne doivent plus y apparaître (circulaire du 18 avril 2016).
Selon le ministère des Droits des femmes, 51 % des personnes prostituées ont subi des violences physiques dans le cadre de leur activité et 64 % des insultes et/ou des actes d’humiliation ou de stigmatisation. C’est pourquoi la loi du 13 avril 2016 aggrave les sanctions en cas de violences commises sur les personnes qui se livrent à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, dans l’exercice de cette activité. Tel est le cas lorsque :
→ des actes de tortures et de barbarie sont perpétrés. Peine encourue : 20 ans de réclusion criminelle (CP, art. 222-3, 5° quater nouveau) ;
→ des violences ont entraîné la mort sans intention de la donner. Peine encourue : 20 ans de réclusion criminelle (CP, art. 222-8, 5° quater nouveau) ;
→ des violences ont occasionné des mutilations ou une infirmité permanente. Peine encourue : 15 ans d’emprisonnement (CP, art. 222-10, 5° quater nouveau) ;
→ des violences ont entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de 8 jours. Peine encourue : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (CP, art. 222-12, 5° quater nouveau) ;
→ des violences ont entraîné une ITT inférieure ou égale à 8 jours. Peine encourue : 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (CP, art. 222-13, 5° quater nouveau) ;
→ un viol a été commis. Peine encourue : 20 ans de réclusion criminelle (CP, art. 222-24, 13° nouveau) ;
→ une agression sexuelle autre que le viol a été commise. Peine encourue : 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende (CP, art. 222-28, 9° nouveau).
« Ces dispositions, plus sévères, sont applicables aux faits commis à compter du 15 avril 2016 »(6), indique le ministère de la Justice. Précisant qu’« il appartiendra aux magistrats du ministère public de retenir cette circonstance aggravante à chaque fois qu’elle sera constituée » (circulaire du 18 avril 2016).
Au regard des auditions des responsables de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication et de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, il apparaît que « le réseau Internet constitue aujourd’hui l’un des principaux vecteurs de la prostitution organisée par les réseaux de traite et de proxénétisme », souligne Michelle Meunier, rapporteure (PS) de la loi au Sénat (Rap. Sén. n° 697, tome I, Meunier, 2014, page 48). Pour lutter contre ce phénomène, la loi « prostitution » a donc modifié la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique pour y prévoir, dans son article 6, que les fournisseurs d’accès Internet et les hébergeurs de sites Internet doivent désormais concourir à la lutte contre la diffusion des infractions de traite des êtres humains, de proxénétisme et des infractions assimilées. A ce titre, ils doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance des données qui participeraient à la diffusion de ces infractions. Ils doivent également, d’une part, informer les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites en ces domaines qui leur seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de leurs services, et, d’autre part, rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre ces activités illicites. Ces obligations « s’appliqueront donc désormais s’agissant des sites Internet proposant des offres de services sexuels tarifés en lien avec l’activité des réseaux de traite des êtres humains ou de proxénétisme », a précisé Maud Olivier, rapporteure à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, page 49).
La loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution comprend un certain nombre de dispositions destinées à assurer, dans le cadre de la procédure pénale, la sécurité des victimes de la traite des êtres humains, de la prostitution et du proxénétisme, ainsi que celle de leurs proches. Un arsenal juridique récemment complété par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
L’article 3 de la loi du 13 avril 2016 permet aux victimes de la traite des êtres humains, de la prostitution ou du proxénétisme de bénéficier du dispositif de sécurité prévu pour les « repentis ». Une disposition qui a été complétée par l’article 22 de la loi du 3 juin dernier renforçant la lutte contre le crime organisé.
Ainsi, les victimes de la traite des êtres humains, de la prostitution ou du proxénétisme ayant contribué, par leur témoignage, à la manifestation de la vérité et dont la vie ou l’intégrité physique est gravement mise en danger sur le territoire national, pourront bénéficier du dispositif de protection prévu pour les « repentis » à l’article 706-63-1 du code de procédure pénale. Les mesures de protection dont elles pourront bénéficier dans ce cadre (mesures de protection physique, dispositif de domiciliation, identité d’emprunt et aides diverses) seront définies, sur réquisition du procureur de la République, par une commission nationale de protection et de réinsertion. Elles pourront, si nécessaire, être étendues aux membres de leurs familles et à leurs proches (code de procédure pénal [CPP], art. 706-40-1, al. 1 et 2).
« Ces dispositions ne sont pour l’instant pas encore applicables dans la mesure où elles nécessitent de modifier le décret d’application de l’article 706-63-1 concernant les “repentis” » (circulaire du 18 avril 2016).
(A noter) La protection ainsi accordée aux victimes de la traite, de la prostitution ou du proxénétisme n’interdit nullement de leur appliquer l’article 62 du code de procédure pénale permettant la comparution forcée des témoins (CPP, art. 706-40-1, al. 4 nouveau).
Plus généralement, l’article 22 de la loi du 3 juin dernier renforçant la lutte contre le crime organisé permet aux témoins, dans le cadre de mesures de protection, d’user d’une identité d’emprunt lors de procédures ouvertes pour des crimes ou des délits aggravés de traite des êtres humains et de proxénétisme, des crimes de tortures ou d’actes de barbarie. Un dispositif qui peut, en cas de nécessité, être étendu aux membres de leurs familles et à leurs proches (CPP, art. 706-62-2, al. 2 et 7 nouveaux). Le fait de révéler qu’une personne fait usage d’une identité d’emprunt ou de révéler tout élément permettant son identification ou sa localisation est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (CPP, art. 706-62-2, al. 4 nouveau). Ces peines sont portées à :
→ 7 ans de prison et 100 000 € d’amende lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, des violences à l’encontre de cette personne ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs (CPP, art. 706-62-2, al. 4 nouveau) ;
→ 10 ans de prison et 150 000 € d’amende en cas de décès de ces personnes (CPP, art. 706-62-2, al. 5 nouveau).
L’article 14 de la loi du 13 avril 2016 offre aux victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme aggravé la possibilité de demander le huis clos lors du jugement de ces infractions, comme c’était déjà le cas pour les victimes de viol, de tortures et d’actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles. Une disposition complétée par l’article 21 de la loi du 3 juin dernier renforçant la lutte contre le crime organisé.
Ainsi, devant une cour d’assises, lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol, de tortures et actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles et de traite des êtres humains ou de proxénétisme aggravé, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande. Dans les autres cas, il ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles ne s’y oppose pas (CPP, art. 306, al. 3 modifié). Une disposition qui, selon la rapporteure de la loi au Sénat, « contribuera à garantir la sécurité des victimes de la traite et du proxénétisme lors de l’audience pénale et, par conséquent, les incitera à porter plainte plus fréquemment » (Rap. Sén. n° 697, tome I, Meunier, 2014, page 86).
La cour d’assises ou le tribunal correctionnel peuvent également ordonner le huis clos de leur propre chef, pour le temps de l’audition d’un témoin, si sa déposition est de nature à mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celle de ses proches (CPP, art. 400-1 et art. 306-1 nouveaux).
Conformément à l’article 706-57 du code de procédure pénale, les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d’apporter des éléments de preuve intéressant la procédure peuvent, pour des raisons de sécurité, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie. Elles peuvent dorénavant aussi le faire auprès de leur avocat ou d’une association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la lutte contre la traite des êtres humains et l’esclavage (CPP, art. 706-40-1, al. 3 nouveau).
La loi prévoit un certain nombre de mesures d’accompagnement global des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains en matière notamment de logement, de revenu de substitution et de réparation.
Un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle pourra bientôt être proposé aux victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. En pratique, la personne qui souhaite en bénéficier devra s’adresser à une association qui aide et accompagne les personnes en difficulté, en particulier les personnes prostituées, sous réserve que cette association remplisse des conditions d’agrément qui doivent être fixées par décret. C’est cette association qui élaborera le parcours au regard de l’évaluation des besoins sanitaires, professionnels et sociaux de l’intéressée afin de lui permettre d’accéder à des alternatives à la prostitution (CASF, art. L. 129-1, II, al. 1 et 7 nouveaux). Le projet devra ensuite être soumis, pour autorisation, au préfet du département et, pour avis, à l’instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains, également créée par la loi (voir ci-dessous) (CASF, art. L. 129-1, I, al. 2 et II, al. 2 nouveaux). Le parcours pourra être renouvelé dans les mêmes conditions, en tenant compte du respect par la personne accompagnée de ses engagements ainsi que des difficultés rencontrées (CASF, art. L. 121-9, II, al. 6 nouveau).
Les conditions d’application de ces dispositions doivent être précisées par un décret qui sera préparé au sein du comité de suivi de la mise en œuvre de la loi du 13 avril 2016 (voir encadré, page 53), a précisé la ministre des Droits des femmes, lors de l’assemblée plénière du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes du 13 juin dernier. Un décret que Laurence Rossignol souhaite concerté afin « que le parcours de sortie de la prostitution puisse être le plus opérationnel et le plus efficace possible ». Il « paraîtra à la fin de l’été, a-t-elle assuré, pour permettre l’agrément des associations à l’automne et que les personnes prostituées intègrent les premiers parcours dans la foulée ».
(A noter) Afin d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains, et en particulier le parcours de sortie, une instance sera créée dans chaque département au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes. Présidée par le représentant de l’Etat dans le département, elle regroupera des représentants de l’Etat, notamment des services de police et de gendarmerie, des représentants des collectivités territoriales, un magistrat, des professionnels de santé et des représentants d’associations. Plus précisément, cette instance assurera le suivi du parcours de sortie de la prostitution, veillera à la sécurité des personnes accompagnées et à leur accès aux droits (CASF, art. L. 121-9, I, al. 2 et II, al. 5 nouveaux).
La personne étrangère qui a cessé la prostitution et souhaite s’engager dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle pourra se voir attribuer une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée minimale de 6 mois – renouvelable jusqu’à la fin du parcours –, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public. Ce titre de séjour ouvrira droit à l’exercice d’une activité professionnelle (CASF, art. L. 121-9 modifié et code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [Ceseda], art. L. 316-1-1 nouveau).
Un décret précisera les conditions de délivrance, de renouvellement et de retrait de l’APS ainsi que les modalités de protection, d’accueil et d’hébergement de son titulaire (Ceseda, art. L. 316-2 modifié).
La personne accompagnée dans le cadre du parcours de sortie de la prostitution est présumée satisfaire aux conditions de gêne ou d’indigence prévues à l’article L. 247 du livre des procédures fiscales, conditions qui permettent d’obtenir des remises totales ou partielles d’impôts. Lorsqu ’elle ne pourra prétendre au revenu de solidarité active (RSA), à l’allocation temporaire d’attente et à l’allocation pour demandeur d’asile (7), le représentant de l’Etat dans le département lui allouera une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (CASF, art. L. 121-9, II, al. 3 et 4 nouveaux). En pratique, explique la rapporteure de la loi au Sénat, cette aide concernera les jeunes de moins de 25 ans qui ne peuvent pas bénéficier du RSA « jeunes » et les personnes étrangères qui n’ont pas porté plainte contre leur réseau ou leur proxénète et qui ne sont pas non plus demandeuses d’asile (Rap. Sén. n° 697, tome I, Meunier, 2014, page 63).
Le montant de l’aide financière et l’organisme qui la versera seront précisés par décret. Les droits de l’intéressé seront réexaminés en cas de changement dans sa situation. Incessible et insaisissable, cette aide sera financée par le fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, également créé par loi (voir encadré ci-dessous) (CASF, art. L. 121-9, II, al. 3 et 4 nouveaux).
Les personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ainsi que les personnes victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme bénéficieront d’un accès prioritaire à un logement social (code de la construction et de l’habitation [CCH], art. L. 441-1, al. 9 et 10 nouveaux).
L’article 9 de la loi prévoit que les associations agréées qui suivent les personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle pourront bénéficier de l’aide au logement temporaire (ALT) lorsqu’elles les hébergeront à titre transitoire (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 851-1, al. 1 modifié). « Par définition, explique la rapporteure de la loi au Sénat, seules les associations disposant de capacités d’hébergement ou de logement temporaire seront concernées. Le champ de l’ALT étant déjà relativement large dans la mesure où il s’étend aux associations à but non lucratif dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées », il est à craindre, selon Michelle Meunier, « que cet article, malgré son utilité, ne concerne en pratique qu’un nombre limité de structures ». Utilité qui ne pourra par ailleurs être vérifiée qu’à la condition d’adapter le niveau de l’enveloppe allouée au financement de l’ALT aux modifications introduites par cet article, poursuit-elle (Rap. Sén. n° 697, tome I, Meunier, 2014, page 80).
Lorsque les associations bénéficiant de l’ALT auront conclu une convention en ce sens avec le service intégré d’accueil et d’orientation, qui centralise les demandes d’hébergement et/ou de logement accompagné, elles devront mettre à sa disposition leurs places d’hébergement et l’informer de toutes les places vacantes ou susceptibles de l’être (CSS, art. L. 345-2-6, 3° et L. 345-2-7, al. 1 modifiés).
(A noter) En principe, l’allocation de logement est due à compter du premier jour du mois civil qui suit celui au cours duquel l’allocataire remplit les conditions pour en bénéficier. Toutefois, la loi du 13 avril 2016 prévoit que cette disposition ne s’applique pas aux personnes qui, hébergées par une association agréée pour mettre en œuvre le parcours de sortie de la prostitution et bénéficiant de l’ALT, accèdent à un logement ouvrant droit à l’allocation de logement familiale ou sociale (CSS, art. L. 542-2, VII, al. 2 et L. 831-4-1, al. 2 modifiés) ou à l’allocation personnalisée au logement (CCH, art. L. 351-1-3, III, al. 2 modifié).
Avant la loi « prostitution », en vertu de l’article 706-3 du code de procédure pénale, les victimes de proxénétisme pouvaient obtenir, auprès de la commission d’indemnisation des victimes d’infraction du tribunal de grande instance de leur lieu de résidence, une réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction uniquement si elles justifiaient d’une incapacité permanente ou d’une ITT égale ou supérieure à 1 mois. Une condition qui n’était pas requise des victimes de la traite des êtres humains. Ce traitement différencié entre les victimes de la traite et du proxénétisme occasionnait pour ces dernières « de grandes difficultés » pour obtenir réparation, explique la rapporteure de loi à l’Assemblée nationale, Maud Olivier. Ajoutant que « cette différence de traitement [paraissait] peu justifiée compte tenu de la gravité des dommages tant physiques que psychologiques subis par les personnes prostituées, victimes de proxénètes, et qui sont, hélas, très comparables à ceux subis par les victimes de la traite » (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, page 88). Cette disposition a donc été modifiée afin d’ouvrir un droit à réparation intégrale aux victimes de proxénétisme sans qu’elles aient besoin de rapporter la preuve d’une incapacité permanente ou d’une ITT égale ou supérieure à 1 mois.
Les parlementaires ont souhaité fixer le cadre dans lequel doit s’inscrire la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées. Selon le nouvel article L. 118-1 du code de la santé publique, celle-ci consiste ainsi à prévenir les infections sexuellement transmissibles ainsi que les autres risques sanitaires, les risques sociaux et psychologiques liés à la prostitution. Les actions menées en la matière seront conduites selon des orientations définies par un document national de référence approuvé par décret.
Députés et sénateurs ont également entendu améliorer la prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution. Ainsi, une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps doit désormais être dispensée dans les établissements scolaires secondaires, par groupes d’âge homogène. A cette fin, les établissements scolaires peuvent s’associer avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes et des personnels concourant à la prévention et à la répression de ces violences (code de l’éducation [C. éduc], art. L. 312-17-1-1 nouveau). Pour la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, ces « mesures de sensibilisation et d’éducation apparaissent [en effet] indispensables pour déconstruire les représentations erronées de nombreux jeunes sur le système prostitutionnel, prévenir les pratiques prostitutionnelles occasionnelles ou régulières et rompre avec cette dangereuse banalisation du recours à l’achat de services sexuels, plus ou moins marqué en fonction des régions » (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, page 110).
Parallèlement à l’information sur les dangers de la prostitution, les élèves des écoles, des collèges et des lycées doivent, sans changement, bénéficier d’une information et d’une éducation à la sexualité à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène – un dispositif qui souffre de nombreuses failles, parfois inacceptables, selon un récent rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes (voir encadré ci-dessous). Désormais, ces séances doivent présenter une « vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes » et contribuer à l’« apprentissage du respect dû au corps humain ». Comme auparavant, ces séances peuvent associer les personnels des services de santé scolaire et des personnels des établissements d’information, de consultation ou de conseil familial, des centres de planification ou d’éducation familiale, de services sociaux ou d’autres organismes agréés ainsi que d’autres intervenants extérieurs. Des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la Santé peuvent également dorénavant y être associés (C. éduc., art. L. 312-16, al. 1 modifié). Pour Maud Olivier, « cette modification répond à la nécessité de transformer les représentations liées à la sexualité, trop souvent considérée comme l’expression d’une domination masculine » (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, page 111).
Délit de racolage. Le délit de racolage est supprimé. Les procédures en cours doivent donc être abandonnées et les peines déjà prononcées ne pas être exécutées. Les personnes précédemment condamnées à ce titre et incarcérées doivent être libérées.
Pénalisation du client. Le recours à la prostitution est désormais sanctionné d’une amende de 1 500 € (3 750 € en cas de récidive dans les 3 ans) et d’une ou plusieurs peines complémentaires, telles qu’un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. Lorsqu’il recourt à un mineur ou à une personne vulnérable prostitués, le client s’expose à 3 ans de prison et à 45 000 € d’amende. Des peines qui sont alourdies en cas de circonstances aggravantes (abus d’autorité, mise en danger de la vie par imprudence…).
Parcours de sortie. Pour trouver une alternative à la prostitution, les personnes prostituées pourront s’engager dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle. En contrepartie, elles pourront bénéficier de certains avantages : attribution d’un titre de séjour, attribution prioritaire d’un logement social ou d’une place d’hébergement, aide financière pour les personnes indigentes.
Sécurité des victimes. Pour les inciter à témoigner et/ou à porter plainte dans les affaires de proxénétisme ou de traite des êtres humains, les victimes de ces infractions pourront demander le huis clos lors des audiences, être autorisées à faire usage d’une identité d’emprunt ou se faire domicilier chez leur avocat ou une association.
En cas de condamnation pour avoir recouru à une personne prostituée, l’intéressé pourra à l’avenir être tenu d’effectuer, le cas échéant, à ses frais, à titre de peine complémentaire, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, dont les modalités de mise en œuvre doivent être précisées par décret (CP, art. 131-16, 9° bis nouveau). « Ce stage, qui pourrait être organisé par des associations agréées, aurait pour objectif d’apporter aux clients une information sur les conditions de vie et d’exercice des personnes prostituées ainsi que sur la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et sur le proxénétisme. Il aurait également pour vocation d’expliciter les liens existant entre prostitution et inégalité de genre ainsi que la responsabilité des clients dans la perpétuation du système prostitutionnel », a expliqué la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, Maud Olivier (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, page 131).
L’obligation d’effectuer un tel stage peut également être prononcé à titre d’alternatives aux poursuites pénales ou dans le cadre d’une composition pénale (code de procédure pénale [CPP], art. 41-1, 2° modifié et art. 41-2, 17° bis nouveau).
Le stage, dont la durée ne pourra excéder 1 mois, devra être exécuté dans les 6 mois qui suivent la condamnation définitive le prescrivant. De plus, lorsque son coût sera à la charge du condamné, il ne pourra être supérieur à 450 € – montant de l’amende encourue pour les contraventions de 3e classe (CP, art. 131-35-1, al. 1 modifié et art. 131-35-2 nouveau) (8).
Désormais, toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits, et dont l’objet statutaire comporte la lutte contre le proxénétisme ou l’action sociale en faveur des personnes prostituées, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions de proxénétisme et celles qui en résultent prévues aux articles 225-5 à 225-12 du code pénal, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. L’accord des intéressés ou, s’il s’agit de mineurs ou de majeurs protégés, de leurs représentants légaux est toutefois nécessaire si l’association est reconnue d’utilité publique (CPP, art. 2-22 modifié).
Le gouvernement doit, d’ici au 14 avril 2018(9), remettre au Parlement un rapport sur l’application de la loi. Celui-ci devra dresser le bilan :
• de la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme et des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France dans ce domaine ;
• de la création de l’infraction de recours à l’achat d’actes sexuels ;
• de la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ;
• du dispositif d’information sur les réalités de la prostitution et de la marchandisation du corps à destination des élèves du secondaire ;
• du dispositif de protection mis en œuvre en faveur des victimes de la traite des êtres humains, de la prostitution et du proxénétisme qui, ayant témoigné contre leur bourreau, sont en danger.
Le rapport devra aussi présenter l’évolution :
• de la prostitution, notamment sur Internet et dans les zones transfrontalières ;
• de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées ;
• de la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes et des étudiants se livrant à la prostitution ;
• du nombre de condamnations pour proxénétisme et pour traite des êtres humains.
Le 14 juin dernier, la ministre des Droits des femmes a installé le comité de suivi de la mise en œuvre de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Il s’agit d’« un groupe de travail informel et technique » pour « élaborer les dispositifs, les textes et s’échanger de l’information » et qui « se réunit en tant que de besoin », ont précisé ses services aux ASH. Selon eux, l’objectif de Laurence Rossignol est de « créer du consensus, [de] garantir une mise en œuvre adaptée [de la loi] en s’appuyant sur l’expertise spécifique des actrices et acteurs de terrain ». A cette occasion, le comité de suivi a donc réuni :
• les associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes prostituées (Mouvement du Nid, Amicale du Nid, Fondation Scelles) ou dans la lutte contre la traite des êtres humains (Association ALC, Comité contre l’esclavage moderne, Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains »), ainsi que certaines associations de lutte contre les violences faites aux femmes (Fédération nationale solidarité femmes, Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles) ;
• les parlementaires rapporteures de la loi, à savoir la députée (PS) de l’Essonne, Maud Olivier, et la sénatrice (PS) de la Loire-Atlantique, Michelle Meunier ;
• les ministères de l’Intérieur, de la Justice, du Travail, de l’Education nationale et des Droits des femmes.
D’après le ministère de Laurence Rossignol, les décrets d’application de la loi « seront en tout état de cause achevés d’ici à septembre ».
La loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées entend aussi faciliter le logement ou l’hébergement des victimes de la traite des êtres humains, de la prostitution et du proxénétisme qui ne se sont pas engagées dans le parcours de sortie de la prostitution.
Attribution prioritaire de logement (art. 6)
Le plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées élaboré par le département doit s’appuyer sur une évaluation des besoins des personnes et des familles éprouvant, au sens de l’article 2 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence, quelle que soit la forme de leur habitat. Ces dispositions concernent aussi désormais les personnes victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme, auxquelles priorité doit être donnée pour l’attribution de logements (loi du 31 mai 1990, art. 4, II, al. 1 modifié).
Réservation de places en CHRS (art. 5 et 10)
Jusqu’à présent, des places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) étaient ouvertes pour l’accueil, dans des conditions sécurisantes, des seules victimes de la traite des êtres humains. Ces structures doivent dorénavant aussi en prévoir pour les victimes du proxénétisme et de la prostitution (CASF, art. L. 121-9, I, al. 1 nouveau et L. 345-1, al. 4 modifié). Toutefois, a souligné la rapporteure de la loi au Sénat, « une telle mesure ne [pourra] trouver toute sa portée qu’à la condition d’un renforcement des capacités d’hébergement en CHRS » (Rap. Sén. n° 697, tome I, Meunier, 2014, page 82).
Un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées sera constitué et chargé de :
• financer le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle (voir page 55) ;
• soutenir les départements chargés d’assurer la protection des victimes de la prostitution ;
• contribuer à toute initiative de sensibilisation des populations aux effets de la prostitution sur la santé et à la réduction des risques sanitaires, à la prévention de l’entrée dans la prostitution et à l’insertion des personnes prostituées.
Ce fonds sera lui-même financé par des crédits de l’Etat, fixés en loi de finances, ainsi que par les recettes provenant de la confiscation des biens et produits issus du proxénétisme et de la traite des êtres humains.
« Nombre d’études montrent que les personnes prostituées ont souvent été victimes de violences sexuelles durant leur enfance ou leur adolescence », souligne Maud Olivier, rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1558, 2013, Olivier, page 53). Afin d’améliorer la prise en charge des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains, la loi renforce la formation des travailleurs sociaux, en prévoyant que, désormais, les formations sociales doivent contribuer à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagés dans la prévention de la prostitution et l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains (CASF, art. L. 451-1, al. 1).
Dans un rapport rendu public le 15 juin, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) dresse un état des lieux inquiétant de la mise en œuvre de la politique gouvernementale d’éducation à la sexualité des jeunes et formule des recommandations pour pallier les dysfonctionnements(10). Malgré l’obligation annuelle d’organiser trois séances d’information en direction des jeunes scolarisés, l’éducation à la sexualité « reste parcellaire et inégale selon les territoires » et « encore trop souvent restreinte à des questions d’ordre anatomique et biologique », déplore le Haut Conseil, car elle ne contribue ainsi en rien à lutter contre les stéréotypes pesant sur les filles et les garçons favorisant les violences sexistes (prostitution, agressions sexuelles…) et homophobes, tant physiques et sexuelles que psychologiques. Et le constat ne s’arrête pas là :
• le corps enseignant est « faiblement formé » et doit voir sa formation initiale complétée en ce sens, estime le HCEFH ;
• les personnels sociaux et de santé, « au rôle déterminant, [sont] encore trop peu formés à l’éducation à la sexualité et en nombre insuffisant ». L’instance recommande donc, par exemple, de « poursuivre le recrutement des médecins et infirmier(ère)s scolaires notamment en territoires ruraux » ;
• le financement de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire est « dispersé, complexe et faible ». Aussi le Haut Conseil préconise-t-il d’« identifier, [d’]organiser et [de] revaloriser les moyens humains et financiers [qui y sont] affectés » ;
• les outils qui sont obsolètes et contribuent, entre autres, à véhiculer des stéréotypes (guide de formation des formateurs de l’Education nationale et guides d’intervention des éducateurs intervenant en milieu scolaire) doivent être actualisés de toute urgence.
Pour capter les jeunes en dehors du milieu scolaire, le HCEFH suggère, entre autres, d’« intégrer une sensibilisation à l’éducation à la sexualité dans le cadre de l’accompagnement collectif renforcé par le dispositif “garantie jeunes” »(11) et d’« introduire un module sur l’éducation à la sexualité dans le cadre des formations dispensées aux personnels non qualifiés encadrant des dispositifs d’accueil des jeunes mineur(e)s et de loisirs (BAFA, BAFD…) ainsi qu’aux personnels suivant une formation professionnelle d’animation (BJEPS, DEJEPS, DUT animation sociale et socioculturelle…) ».
S’agissant des jeunes pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) – qui se caractérisent par une « sexualité plus précoce », « un recours à la contraception moins fréquent » et pour lesquels « la violence sexuelle fait souvent partie de leurs parcours, comme auteurs ou victimes » –, ils ont un « rapport complexe avec le corps médical », relève le HCEFH. Et, selon la PJJ, l’appropriation, par une institution non sanitaire comme la sienne, des questions de santé comme faisant partie intégrante de l’action éducative est freinée par « la sur-sollicitation du terrain, l’absence de reconnaisance de l’enjeu que représente la santé en son sein, une représentation de la santé très sanitaire qui la réserve aux professionnel(le)s de santé et une absence d’évaluation des actions ou des besoins ». Dans ce contexte, le HCEFH invite fortement la PJJ à « amplifier la dynamique relative à l’éducation à la sexualité, via notamment la systématisation des séances offertes aux jeunes, en abordant les questions plus larges des rapports filles-garçons et des stéréotypes, et la promotion d’une approche globale de la promotion de la santé intégrant une dimension affective et sexuelle ».
(2) Voir respectivement ASH n° 2862 du 30-05-14, p. 5 et n° 2941 du 8-01-16, p. 7.
(3) Plus précisément, d’après l’étude Prostcost menée en 2015 par le Mouvement du Nid, sur 37 000 prostitué(e)s en France, 62 % officieraient sur Internet, 30 % dans la rue et 8 % dans des bars à hôtesses et des salons de massage.
(4) Le nombre de condamnations pour racolage est ainsi passé de 1 028 en 2005 à 194 en 2011 (– 81 %). 92,8 % des affaires qui pouvaient être poursuivies faisaient l’objet d’une alternative aux poursuites, le rappel à la loi étant massivement utilisé (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, pages 96-97).
(5) C’est-à-dire depuis le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.
(6) C’est-à-dire le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.
(7) Sur cette nouvelle allocation, voir ASH n° 2965 du 17-06-16, p. 51.
(8) L’article 131-35-2 du code pénal a été adopté dans le cadre de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
(9) A savoir 2 ans après la promulgation de la loi.
(10) Rapport relatif à l’éducation à la sexualité – Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d’égalité femmes-hommes – 2016 – Disponible sur