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L’entrée irrégulière sur le territoire ne peut à elle seule justifier un emprisonnement, décide la CJUE

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Un ressortissant d’un pays tiers ne peut pas être mis en prison au seul motif qu’il a franchi illégalement une frontière intérieure de l’espace Schengen, estime la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt rendu le 7 juin. Ce jugement s’oppose donc au droit français, qui prévoit qu’un migrant puisse être puni d’une peine d’emprisonnement de un an s’il est entré irrégulièrement dans le pays.

Les faits sont les suivants : une femme de nationalité ghanéenne a été interceptée, en mars 2013, par la police française, sans document d’identité valable, au point d’entrée du tunnel sous la Manche, alors qu’elle était à bord d’un autobus en provenance de Belgique. La France a donc décidé de la placer en garde à vue pour entrée irrégulière sur le territoire avant de demander à la Belgique de la réadmettre sur son territoire. L’intéressée a contesté devant la justice son placement en garde à vue, estimant que son arrivée irrégulière sur le territoire français ne constituait pas un délit puni d’une peine d’emprisonnement et ne pouvait donc pas donner lieu à une garde à vue. Le litige est arrivé jusque devant la Cour de cassation, qui s’est alors tournée vers la CJUE pour lui demander si, au regard de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 – dite directive « retour » –, l’entrée irrégulière d’un ressortissant d’un pays n’appartenant pas à l’UE sur le territoire national pouvait être réprimée d’une peine d’emprisonnement comme l’autorise l’article L. 621-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La décision de la CJUE s’inscrit dans la lignée d’un arrêt rendu le 6 décembre 2011 selon lequel la directive « retour » s’oppose à toute réglementation d’un Etat membre qui réprime le séjour irrégulier par l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers à l’UE, pour lequel la procédure de retour prévue par cette directive n’a pas encore été menée à son terme, un tel emprisonnement étant susceptible de retarder le retour et, ainsi, de porter atteinte à l’effet utile de la directive(1). Cet arrêt, sur lequel la requérante s’appuyait, avait, pour mémoire, entraîné la modification de la législation française. Une loi du 31 décembre 2012 avait ainsi abrogé le délit de séjour irrégulier et mis fin aux gardes à vue pour ce seul motif. Mais elle avait, en revanche, maintenu le délit d’entrée irrégulière sur le territoire(2).

Dans son nouvel arrêt du 7 juin, la Cour étend la notion de « séjour irrégulier » au cas de « franchissement irrégulier » d’une frontière intérieure de l’espace Schengen, considérant que « l’entrée irrégulière constitue l’une des circonstances de fait qui peut conduire au séjour irrégulier au sens de la directive « retour » ». Par conséquent, un ressortissant d’un pays tiers qui est entré irrégulièrement sur le territoire d’un Etat membre est, de fait, considéré comme y séjournant de manière irrégulière et « doit donc être soumis à la procédure de retour prévue par la directive [de 2008] en vue de son éloignement, et ce, tant que le séjour n’a pas été, le cas échéant, régularisé ». Les magistrats précisent toutefois que cela n’exclut pas la faculté pour les Etats membres de réprimer d’une peine d’emprisonnement la commission d’autres délits que ceux qui tiennent à la seule circonstance d’une entrée irrégulière, y compris dans des situations où la procédure de retour n’a pas encore été menée à son terme.

Notes

(1) Voir ASH n° 2737 du 16-12-11, p. 16.

(2) Voir ASH n° 2808 du 3-05-13, p. 39.

[CJUE, 7 juin 2016, aff. C-47/15, disp. sur www.curia.europa.eu]

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