L’indicible relationnel

Proposé par une experte des professions sociales, qui en a exercé plusieurs avant de devenir enseignante et chercheuse, cet ouvrage de synthèse intéressera sans doute moins le lecteur français pour la richesse de ses informations sur le contexte suisse d’organisation de l’action sociale et de la formation de ses professionnels que pour son ample réflexion autour du travail social. Une réflexion « critique », comme l’annonce le titre, parce que Véréna Keller « interroge le travail social et cherche à le démystifier », notamment quant à la culture de l’indicible dont il a fait sa marque de fabrique et à la célébration du relationnel qu’il affiche comme son cœur de métier. Critique, l’auteure l’est également, dans ses analyses du système capitaliste et de l’ordre patriarcal. Ainsi pointe-t-elle le caractère idéologique du principe d’activation au fondement de la plupart des dispositifs actuels. Ce principe « implique que les prestations (les droits) sont accordés pour autant que la personne destinataire (ou le groupe) […] “y mette du sien” ». Il a pour corollaire une focalisation sur l’autonomie personnelle, qui contribue à individualiser les problèmes sociaux par le renvoi sur la responsabilité de l’usager. « Que deviendront ceux et celles pour qui l’autonomie est hors de portée ? », demande Véréna Keller. Quant à la question du genre dans les métiers du social, et en particulier des différences de carrière entre femmes et hommes – avec une surreprésentation de ces derniers dans les postes à responsabilité –, c’est un autre point sur lequel la chercheuse attire opportunément l’attention.