Compte tenu de la file active importante de l’association – nous avons 400 dossiers en attente pour 43 places à Paris –, nous avons voulu imaginer d’autres façons de faire pour mieux aider les résidents à préparer leur projet thérapeutique, social et personnel, alors que la désocialisation et la précarité ont rendu ce travail d’accompagnement de plus en plus complexe. Comment mieux répondre aux besoins des personnes accueillies et favoriser leur sortie ? Comment harmoniser les postures des professionnels du soin, des psychologues et des travailleurs sociaux afin d’aider les résidents à se révéler et à mobiliser leurs ressources ? En associant ces derniers comme experts de leur situation, cette recherche collaborative a permis de comprendre la façon dont ils appréhendent les interventions, la notion d’accompagnement et de projet.
Le postulat de départ était que l’accueil en ACT est pour les résidents, qui ont, pour certains, dû mobiliser des compétences de survie avant leur arrivée, l’occasion d’acquérir les apprentissages nécessaires – gérer différemment sa maladie, se projeter dans l’avenir – pour la réalisation de leur projet de soins et de réinsertion(2).
Des fonds privés ont permis de financer la recherche, dans le cadre d’un appel à projets du Comité national coordination action handicap. L’équipe de chercheures, membre du Centre de recherche sur la formation (CRF) du CNAM, a mené des entretiens auprès de 17 résidents des ACT parisiens sur 43, pour analyser la façon dont ils perçoivent l’intervention des professionnels, et auprès de dix membres de l’équipe pluridisciplinaire, qui ont exposé la manière dont ils conçoivent leur travail. Certains résidents, associés au comité de pilotage, suivaient l’avancée de l’étude et faisaient le lien entre les chercheures et les autres personnes accueillies dans l’établissement. Commencés en octobre 2014, les travaux se sont achevés en mars dernier et ont été présentés à l’occasion des 25 ans de Cordia.
La recherche a mis en lumière que les apprentissages nécessaires au projet du résident dépendent de sa relation à l’institution. Les différents modes d’engagement des personnes accueillies montrent les manières dont elles « utilisent » cette dernière, usages qui évoluent au fil du temps et en fonction du contexte. Après une période difficile souvent caractérisée par l’errance, les résidents perçoivent leur arrivée en ACT comme l’opportunité d’avoir un espace de vie temporaire. Cette période de transition est faite de tensions entre injonction et autonomie, adhésion et non-adhésion à l’accompagnement, acceptation et déni de la maladie… L’institution devient un espace de négociation où les professionnels et le résident ont, au départ, chacun leur idée du fonctionnement de l’association. Pour éviter une adhésion de façade, il s’agit de passer d’une obligation de présence, notamment, à la compréhension par le résident de l’intérêt de son investissement.
Elles vont permettre de repréciser les règles et les valeurs de l’association. Cette étude va nous amener à travailler davantage sur l’échange, la transmission d’informations, le sentiment d’appartenance collective et à modifier nos documents, comme le livret d’accueil. Nous devons, par exemple, éviter que le résident se fixe sur les règles signifiées, ce qui l’empêche de développer une adhésion aux valeurs de l’institution. La recherche va également nous aider à développer l’outil d’aide à la décision que nous expérimentons depuis plus de six mois. Il consiste à faire inscrire sur une échelle de valeur par les professionnels, d’une part, par le résident, d’autre part, les besoins évalués pour ce dernier dans les domaines du soin, psychologique et social. Les écarts constatés entre ce que chacun a inscrit servent de base de discussion pour la coconstruction du projet personnalisé du résident. Ce travail, qui invite la personne accompagnée à identifier et à hiérarchiser ses besoins, se situe en plein dans le champ de l’éducation thérapeutique.
(1)
(2) Sur les ACT, voir notre « Décryptage » dans les ASH n° 2953 du 25-03-16, p. 26.