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Prévention de la radicalisation : coup de projecteur sur les référents laïcité et citoyenneté de la PJJ

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La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) vient de dresser le bilan de la première année de fonctionnement de la mission nationale de veille et d’information (MNVI) relative à la prévention de la radicalisation. Un rapport dans lequel elle détaille l’action des référents laïcité et citoyenneté de la PJJ.

Rappel du contexte

Le rapport rappelle quelques dates clés en préambule. Et notamment celle du 21 janvier 2015, lorsque le gouvernement a, à la suite des attentats, annoncé que des moyens supplémentaires seraient accordés à différents ministères – dont celui de la Justice – pour renforcer la lutte antiterroriste(1). La PJJ s’est ainsi vu octroyer un budget supplémentaire de 31 millions d’euros sur trois ans et de nouveaux moyens humains. C’est dans ce cadre qu’a été mise en place la MNVI, le 1er avril 2015. Composée d’une dizaine de coordonnateurs (directeurs de service ou attachés d’administration centrale), elle a pour objet d’assurer la coordination et l’information des personnels concourant à la prévention des risques de radicalisation dans le cadre de leur mission éducative, mais aussi de promouvoir les valeurs de la République à travers l’organisation d’actions relatives à la laïcité et la citoyenneté à destination des professionnels, des mineurs pris en charge et de leurs familles.

Dans le même temps s’est constitué un réseau d’une soixantaine de référents laïcité et citoyenneté (RLC), chargés de décliner au niveau de chaque direction interrégionale les missions de la MNVI.

Un positionnement variable des référents

Dans la prise en charge des mineurs radicalisés ou en risque de radicalisation, les RLC n’interviennent pas en principe directement auprès des mineurs et de leur famille mais agissent plutôt en soutien des professionnels pour l’élaboration d’un projet éducatif de prise en charge au sein de la PJJ et dans le secteur associatif habilité. « Peu de structures possèdent cette expertise et se trouvent en situation de couvrir l’ensemble des besoins repérés », explique le rapport. Les RLC ont donc pour mission de combler ce déficit de compétences, en identifiant des ressources spécialisées à l’extérieur de la PJJ.

Le rapport liste les modalités d’intervention des RLC :

→ soutien aux professionnels dans le traitement des situations individuelles de mineurs (aide au repérage, à l’évaluation et à la détermination d’un projet éducatif de prise en charge des mineurs en risque de radicalisation) ;

→ aide à l’élaboration des signalements aux procureurs de la République ;

→ aide à l’orientation de mineurs auprès du réseau partenarial local ;

→ recensement des situations de radicalisation sur le territoire et remontée anonymisée au niveau national ;

→ élaboration d’une cartographie des partenaires existants et recherche de nouveaux partenaires pour étayer les prises en charge et conduire des actions de prévention et de sensibilisation ;

→ participation aux cellules préfectorales (voir ci-dessous) ;

→ participation aux réunions de synthèse (notamment dans le cadre des mesures judiciaires d’investigation éducative) et aux commissions de situations complexes ;

→ organisation d’instance de groupes de travail pluridisciplinaires sur la thématique de la radicalisation.

Le rapport note que le positionnement des RLC dans le suivi des situations est très variable selon les territoires. « Il dépend en grande partie des sollicitations émanant des services lorsqu’une situation apparaît difficile à apprécier ou à accompagner, voire déstabilisante pour les équipes. » Les attentats du 13 novembre 2015 semblent toutefois avoir marqué un changement de perception des référents au sein de la PJJ. « Ainsi, les services ou personnels qui pouvaient s’interroger sur cette nouvelle fonction ont davantage sollicité les RLC et ont communiqué des situations qui, jusque-là, n’avaient pas été transmises. » Un changement révélateur, selon le rapport, d’une meilleure compréhension de ce que peuvent apporter les référents et de la reconnaissance implicite d’un besoin d’accompagnement spécifique sur ces thématiques. Certains référents s’inquiètent même aujourd’hui du volume de saisine dont ils font l’objet et « questionnent désormais les limites de leur action ».

Recensement des situations : l’inquiétude des professionnels

Le rapport consacre quelques lignes au tableau anonymisé de recensement des situations de mineurs radicalisés pris en charge par la PJJ, « support essentiel de la mission des RLC » en matière de veille. Ce tableau recense tous les mineurs suivis au titre :

→ de mesures pénales prononcéespour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste, apologie du terrorisme mais aussi pour des infractions en lien avec le contexte des attentats (infractions à caractère raciste, atteintes à la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public…) ;

→ de mesures civiles décidées en raison d’un risque de radicalisation d’un mineur ;

→ de mesures concernant des mineurs suivis par la PJJ pour d’autres faits mais qui, au cours de la prise en charge, ont montré des signes inquiétants de radicalisation conduisant les professionnels de la PJJ à les signaler aux juges qui les suivent habituellement ;

→ de mesures de protection de l’enfance prises pour les mineurs dont les parents sont radicalisés (tentative de départ en Syrie, incarcération pour terrorisme).

« La remontée des situations reste très inégale d’un territoire à l’autre », souligne la MNVI. « Les professionnels se sont montrés réticents à faire remonter les situations aux RLC malgré la garantie posée par l’anonymisation des situations. » « Ils craignaient la stigmatisation du mineur et de sa famille », explique-t-elle. Aujourd’hui, si l’accompagnement des référents auprès des établissements et des services « a permis de répondre à certaines inquiétudes », certains professionnels « expriment encore leur malaise à participer à ce recensement qui n’est pas dans la culture professionnelle de la PJJ et dont ils ne perçoivent pas encore la plus-value (notamment une meilleure connaissance du phénomène permettant de faire évoluer les réponses) ».

L’utilisation et l’exploitation du tableau ne se font pas non plus sans difficultés. « La forme anonymisée du tableau rend difficile l’actualisation des situations d’un mois sur l’autre », indique la MNVI. Pour y remédier, il a été proposé aux directions interrégionales de la PJJ de procéder au codage de chaque situation. Autre difficulté : « le tableau ne comportant aucune possibilité de filtre ni d’archivage, son actualisation et son exploitation sont devenues complexes au fil des mois, du fait de l’inscription cumulative des situations ». En outre, « le recensement est limité à ce jour aux situations prises en charge par le service public et ne permet pas de renseigner sur les spécificités de chaque territoire et sur l’ensemble des situations ». Enfin, « il demeure une confusion entre les différents canaux de remontées d’informations ».

Un logiciel dédié est aujourd’hui à l’étude pour permettre la saisie en temps réel de toute nouvelle situation ainsi que la fiabilisation des données et la production de statistiques, indique le rapport. La MNVI souligne, par ailleurs, qu’il reste aussi à concevoir un protocole de remontées d’information communément accepté et pratiqué par tous les services et établissements, y compris ceux du secteur associatif habilité, « en direction duquel les référents ont peu travaillé en 2015 ».

Des difficultés pour participer aux cellules préfectorales

Pour la MNVI, il est primordial que les référents laïcité et citoyenneté soient associés aux cellules préfectorales dédiées au traitement des situations de radicalisation signalées « afin de leur garantir une bonne connaissance non seulement du phénomène de radicalisation sur leur territoire mais aussi des acteurs concourant à la prise en charge ». Le rapport souligne toutefois ladifficulté pour les référents de participer à ces cellules du fait de l’absence de cadre légal de ces dernières, créées par circulaires interministérielles. Une absence qui « laisse un vide juridique sur les questions relatives au partage d’informations et au respect du secret professionnel auxquels sont astreints les personnels de la PJJ ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2895 du 30-01-15, p. 11 et n° 2907 du 24-04-15, p. 45.

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