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Politique pénale : Jean-Jacques Urvoas veut « renforcer la confiance publique dans la justice »

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« Cohérence, lisibilité et individualisation des peines. » Tels sont les mots d’ordre de la circulaire de politique pénale que vient d’adresser le ministre de la Justice aux parquets. Au menu de ce texte qui doit permettre de « renforcer la confiance publique dans la justice » : la lutte contre les atteintes aux personnes, la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation ou encore la lutte contre les fraudes sociales.

Avant tout, le garde des Sceaux insiste sur la « nécessité d’une remontée d’informations du terrain, fiables et en temps utile » afin d’adapter au mieux la politique pénale qui doit être conduite et de la rendre plus efficace. Aussi souhaite-t-il « être informé des procédures susceptibles de mettre en cause l’institution judiciaire, présentant une problématique d’ordre sociétal, un enjeu d’ordre public ou une dimension internationale, ayant un retentissement médiatique important ou bien encore révélant une difficulté juridique ou d’application de la loi pénale ».

Une priorité : la protection des personnes

« La lutte contre les atteintes aux personnes doit constituer une préoccupation constante de la politique pénale des parquets, tout particulièrement lorsque ces atteintes sont commises aux dépens des personnes vulnérables, lorsqu’elles émanent du conjoint, du concubin ou du partenaire de la victime, ou lorsqu’elles sont exercées à l’encontre des représentants de l’autorité, notamment les forces de l’ordre », souligne Jean-Jacques Urvoas. Pour lui, ces infractions « doivent être traitées avec la plus grande diligence » et leurs auteurs bénéficier d’une prise en charge « adaptée et effective, permettant aussi d’éviter la réitération ». En tout cas, martèle-t-il, « aucun agissement avéré ne doit rester sans réponse ».

En ce qui concerne les violences intrafamiliales, la réponse pénale devra « être rapide, empreinte de fermeté et adaptée à la personnalité de l’auteur comme à la situation de la victime », insiste le ministre, conformément à la circulaire du 4 novembre 2014 portant orientation de politique pénale en matière de violences conjugales(1).

Pour la chancellerie, la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discrimination constitue aussi un autre sujet de vigilance sur lequel elle demande aux parquets « une très grande réactivité ». « Pour être efficace, précise-t-elle, la réponse pénale doit également revêtir un aspect pédagogique, adapté à la personnalité de l’auteur. » C’est pourquoi, elle suggère de généraliser les stages de citoyenneté comportant une thématique consacrée au racisme et aux discriminations.

Plus globalement, le garde des Sceaux indique que « chaque infraction violente, portant une atteinte à la vie, à l’intégrité ou à l’image des personnes, volontaire ou involontaire, doit donner lieu à une attention spécifique aux victimes ou à leurs ayants droit ». Dans ce cadre, les associations locales d’aide aux victimes doivent être associées, en particulier pour la mise en œuvre d’un accompagnement psychologique et d’une information sur le processus pénal.

Autres sujets sensibles, pour Jean-Jacques Urvoas : la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation. A cet effet, les parlementaires ont récemment adopté une loi dédiée(2). S’agissant des mineurs, le ministre de la Justice précise que, « en l’absence d’infraction caractérisée, il appartient [aux parquets] de s’interroger sur la pertinence d’une évaluation dans le cadre de la protection de l’enfance ». Figure aussi au rang de ses priorités la lutte contre les fraudes fiscale et sociale.

Mobilisation autour de la contrainte pénale

Le garde des Sceaux en convient : la contrainte pénale, outil créé pour lutter contre la récidive(3), est aujourd’hui peu utilisée par les juridictions, « sans que les motifs de cette désaffection soient clairement identifiés à ce stade »(4). Pourtant, selon lui, « la contrainte pénale […] semble pouvoir être utilement requise à la place de courtes peines d’emprisonnement ». Aussi invite-t-il les parquets à « en faciliter le prononcé en veillant à recueillir en amont des audiences correctionnelles l’ensemble des éléments permettant de mieux appréhender la personnalité des personnes poursuivies et en vérifiant l’existence d’un suivi judiciaire présent ou passé auprès du service de l’application des peines ». Jean-Jacques Urvoas demande aussi de « réserver le sursis avec mise à l’épreuve aux personnes nécessitant un suivi plus formel et davantage axé sur le contrôle du respect des obligations et interdictions ». Comme prévu par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, le ministère de la Justice doit, « prochainement »(5), présenter au Parlement un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de la contrainte pénale.

Réaffirmation de la spécialisation de la justice des mineurs

Le ministre de la Justice réaffirme par ailleurs la spécialisation des acteurs de la justice des mineurs, qu’ils soient délinquants ou en danger. « A tous les stades de la procédure, insiste-t-il, l’individualisation et la célérité des réponses judiciaires doivent être mises en œuvre, en veillant au respect des droits des victimes et des mineurs mis en cause, et au primat de l’éducatif sur le répressif, y compris lorsque la réponse répressive est choisie, afin que soit constamment conservée une dimension éducative. » C’est pourquoi il rappelle avoir initié la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, « qui n’ont aucunement fait la preuve de leur efficacité et qui désorganisent le travail des juridictions ». Suppression récemment votée par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle(6).

Au-delà, Jean-Jacques Urvoas indique avoir demandé la rédaction d’une circulaire générale de politique pénale et de politique éducative fixant les grands principes et les modalités d’une justice pénale des mineurs efficace, dont l’accent sera mis sur la continuité des parcours et la cohérence des prises en charge.

Notes

(1) Voir ASH n° 2885 du 28-11-14, p. 46.

(2) Voir ASH n° 2963 du 3-06-16, p. 48.

(3) Voir ASH n° 2911 du 22-05-15, p. 47.

(4) Voir ASH n° 2928 du 9-10-15, p. 20.

(5) D’après la loi, ce rapport doit être présenté d’ici au 18 août prochain.

(6) Voir en dernier lieu ASH n° 2962 du 27-05-16, p. 24.

[Circulaire CRIM-2016-06/E1/02.06.2016 du 2 juin 2016, NOR : JUSD1614914C, disponible sur www.justice.gouv.fr]

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