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Stéphane Duval

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Alain Juppé, Manuel Valls… Jamais Stéphane Duval, longtemps éducateur spécialisé dans la protection de l’enfance, n’aurait imaginé rencontrer autant d’hommes politiques de premier plan. C’est désormais une habitude : la visite du centre Jules-Ferry, géré par l’association La Vie active, qui accueille chaque jour à Calais jusqu’à 2 500 migrants pour les repas et les douches et en héberge 1 800, est une étape incontournable des visites ministérielles et des campagnes électorales(1). Le directeur du centre n’en tire aucune gloriole, ce n’est pas son genre. Il préfère rappeler le début de ce pari fou, atypique par le nombre de personnes aidées et par sa montée en puissance accélérée : « On a ouvert l’accueil de jour le 15 janvier 2015, avec une distribution de repas sur le parking et 16 salariés. » Une structure promise le 24 décembre 2014 par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, et montée en quinze jours, en pleines vacances de Noël. « Mon directeur général m’a dit : “J’ai un truc pour toi, ce n’est pas vraiment un poste de directeur, c’est comme être maire d’une petite ville.” ». Le souvenir le fait encore sourire, dans l’Algeco qui lui sert de bureau, à l’entrée du petit village de conteneurs transformés en dortoirs. Autour s’étend la « jungle », ce bidonville où s’entassent plus de 2 000 réfugiés qui tentent le passage clandestin vers l’Angleterre.

Le sens du recrutement

Un an et demi plus tard, le centre Jules-Ferry compte 155 salariés, dont 22 travailleurs sociaux. « Recruter a été le gros du travail, constate Stéphane Duval. Tous nos éducateurs spécialisés sont diplômés, c’était une volonté d’avoir des personnes formées. Même s’il faut renoncer à certains principes : face au nombre, on ne peut pas commencer ici à faire du projet personnalisé, ni à multiplier les écrits. » Le principal de ses troupes est constitué des agents de service, chargés de gérer les files d’attente et l’accès aux services proposés. « L’un des premiers critères de recrutement est une bonne capacité de prise de distance, note le directeur. On ne peut pas rester indifférent à la situation des réfugiés, et je ne supporterais pas des agents qui ne font que la surveillance, sans jamais parler avec eux. Mais il ne faut pas non plus être trop proche. »

Dès le départ, il a imposé à ses équipes un cadre réglementaire strict, avec des horaires qu’il faut tenir à la minute près. Trois minutes de délai face à des gens qui attendent depuis plus de une heure, c’est prendre le risque de l’énervement et des conflits. La structure a vécu deux événements traumatiques, des bagarres générales, dont la seconde date du 26 mai dernier. Une quarantaine de personnes ont été blessées, parmi lesquelles cinq agents de La Vie active. Le directeur, visiblement ému, précise : « Le personnel a été exemplaire. Maintenant, je leur dis : “Faites attention à la conscience professionnelle, quand celle-ci vous pousse à aller au-delà de vos missions.” » Une salariée a été gravement blessée alors qu’elle tentait de séparer des belligérants. Une cellule psychologique a tout de suite été mise en place, et les procédures de gestion des tensions vont être réévaluées et modifiées. « Stéphane est très attentif au bien-être de ses collaborateurs », précise Richard Angevin, directeur de la MECS (maison d’enfants à caractère social) de l’Artois, à Sailly-Labourse (Pas-de-Calais), qui a été son supérieur pendant huit ans.

Faire le deuil du terrain

L’évolution de la structure a obligé Stéphane Duval à faire le deuil d’une proximité avec son équipe et avec les migrants. « La moitié de mon temps est désormais consacrée à la dimension politique de mon poste : visites de parlementaires, réunions en préfecture, contacts médiatiques… », constate-t-il. Son parcours – éducateur spécialisé, puis directeur adjoint en MECS, avant de passer le Cafdes en 2012 – ne l’avait pas préparé à un tel rôle. « C’est un homme de défis et de caractère, sourit Richard Angevin. Il fallait quelqu’un comme lui, humain mais avec une méthodologie de travail. Il a su bien s’entourer et déléguer. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2955 du 8-04-16, p. 20.

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