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Passage à haut niveau

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Que ce soit par respect des obligations légales, par envie de réinterroger leurs pratiques ou afin d’évoluer dans la hiérarchie, les directeurs sont de plus en plus nombreux à suivre une formation pour être en adéquation avec leur poste. Certains d’entre eux témoignent de la pertinence d’un parcours diplômant.

Ils disent apprécier la complémentarité des intervenants, enseignants et professionnels, ainsi que les apports « riches et variés, tant sur l’évolution des politiques publiques que sur le management, l’accompagnement des usagers ou la construction de partenariats ». Quelle que soit la formation qu’ils ont entreprise, tous ont obtenu un diplôme de niveau 1 reconnu au répertoire national des certifications professionnelles et occupent aujourd’hui des postes à responsabilité : Jean-Baptiste Guiot, formé à l’Espace Sentein, dirige un ITEP et un Sessad (voir lexique page 32) dans le Nord (association Afeji), Pierre-Emmanuel Nicolau, directeur adjoint d’un ACT à Nantes (association Aurore), et Roselyne Fortun, directrice de deux IME en Vendée (Adapei-ARIA), ont suivi la formation Cafdes couplée au master MOISM de l’université de Nantes, au sein de l’Arifts des Pays de la Loire. Là même où Oksana Abdurahman, chef de service dans le service social en milieu ouvert d’Areams, à La-Roche-sur-Yon, a obtenu son DEIS.

Pascal Boivent, quant à lui, dirige cinq SSIAD dans le Pays d’Arles (Grand conseil de la mutualité) et a suivi une formation à Kedge Business School, tandis que Ibnou Diop, directeur de territoire adjoint à Emmaüs Solidarité, à Paris, a obtenu son master 2 à l’issue d’une formation qualifiante à l’Andesi. Khaled Touri, directeur d’EHPAD dans le secteur privé commercial, a suivi le master MOSS de l’université Paris-13, où il est désormais enseignant-intervenant.

Des objectifs et des cursus très divers

D’autres managers, recrutés par un concours national, ont pu prendre le chemin de l’EHESP pour suivre un cursus de D3S qui les mènera à la direction d’un établissement public hospitalier. Ils ont aussi parfois pris la voie de la validation des acquis de l’expérience et/ou rejoint l’un des 25 établissements de formation en travail social qui dispensent le Cafdes (délivré par l’EHESP). Pour être en conformité avec les exigences d’un poste de directeur d’un ESMS de plus de 50 salariés (ou ayant un budget annuel supérieur à 3,1 millions d’euros), des professionnels ont même choisi d’obtenir un diplôme de niveau 1 – en formation initiale ou continue – sans lien avec le médico-social, puisque, comme le regrette Reynald Brizais, président du RUFS, « le décret du 21 février 2007 sur la qualification des directeurs a statué que ce ne sont pas les diplômes qui sont retenus, mais le niveau. »

Reste que, parmi les 36 000 directeurs en poste, beaucoup n’ont pas encore atteint ce niveau requis, pointe Luc Gruson, membre de l’ADC, qui a lui-même obtenu le Cafdes en formation initiale il y a de nombreuses années. « La formation des directeurs est en plein essor, et c’est tant mieux. A l’ADC, on estime qu’on n’est pas apte à diriger un établissement si l’on n’est pas diplômé. On n’accepterait pas une infirmière non diplômée, alors pourquoi un directeur ? Et le mieux, selon nous, pour diriger un ESMS, c’est de suivre une formation en lien avec le secteur ! »

Les futurs directeurs d’ESMS qui entreprennent des formations diplômantes le font avec des objectifs et à des moments de leur parcours très différents. Certains d’entre eux occupaient déjà des postes de direction au moment où ils ont repris une formation et, pour nombre d’entre eux, l’obtention d’une qualification ne relevait pas d’une obligation. « Il s’agissait d’un besoin de me professionnaliser, de me renforcer, de mieux asseoir ma posture », indique ainsi Roselyne Fortun, qui avait déjà cinq ans d’expérience dans des postes de direction dans le secteur du handicap. Intéressée par le double parcours Cafdes et master IGISM-MOISM, la directrice d’IME a suivi pendant trente mois la formation de l’Arifts Pays de la Loire pour « son approche complémentaire, riche, qui entraîne une gymnastique de l’esprit ». Elle a trouvé la formation longue bénéfique, car celle-ci lui a « donné le temps de déconstruire pour mieux reconstruire ».

L’échange avec les jeunes en formation initiale

Si Pierre-Emmanuel Nicolau a, lui aussi, choisi l’Arifts, c’est « notamment parce que l’association prône des valeurs que nous partageons à Aurore ». Le directeur d’ACT estime qu’en suivant ce parcours, lui et ses collègues n’étaient « pas simplement là pour obtenir un diplôme, mais pour réfléchir sur [leur] positionnement et [leur] façon de travailler, tout en assimilant de nouvelles connaissances ». Dans cette formation couplée avec un diplôme universitaire, un autre point intéressant est de se retrouver dans la même promotion que des étudiants en formation initiale. « On a beaucoup échangé avec ces jeunes qui avaient un regard extérieur sur notre manière de faire. Et quand on jargonnait entre professionnels du travail social, cela nous obligeait à éclaircir notre pensée. » Selon Reynald Brizais, qui est aussi responsable pédagogique du master IGISM, ce mélange est bénéfique tant pour les professionnels implantés dans le champ social et médico-social que pour les étudiants sortant des filières sociologie, psychologie ou sciences de l’éducation : « Quand les premiers peuvent apprendre des jeunes ayant des compétences plus “actuelles”, les seconds se constituent un réseau qui les aidera lors de leur arrivée dans le monde du travail. »

« Le mélange est en effet intéressant, car on n’a pas les mêmes angles de vue, mais je trouve que ce n’est pas forcément évident pour les jeunes en formation initiale de percevoir les enjeux auxquels nous devons faire face sur le terrain, observe néanmoinsOksana Abdurahman, qui a obtenu son DEIS/master IGISM en octobre dernier. Au Cafdes, elle a préféré ce diplôme de niveau 1, qui prépare davantage à une fonction d’expertise, de montage de projets, de développement social. « Le Cafdes, selon moi, est trop connoté management, tandis que le DEIS permet de développer une palette plus riche et d’avoir une vision plus globale. Aujourd’hui chef de service, je me sens bien outillée sur le terrain grâce à ce cursus de 840 heures. Et je me sens prête à assumer un poste de conseiller technique ou de direction. Mais selon moi, prendre ce type de responsabilités sans passer par une étape de cadre intermédiaire, c’est manquer un chaînon. »

Prendre du recul sur ses pratiques

Fort déjà d’une solide expérience dans le secteur de la santé, Pascal Boivent a eu envie de reprendre des études en s’inscrivant, à 50 ans et déjà titulaire d’un niveau 1, à l’Executive Master spécialisé « management des établissements d’action sociale et de santé » de Kedge Business School. Mis au point en partenariat avec les IRTS PACA-Corse et Aquitaine, ce programme de 53 jours (sur un an) lui a permis d’améliorer ses connaissances « sur les orientations politiques, les ressources humaines, les systèmes d’information… et de savoir mettre en place les bonnes stratégies en fonction des besoins de la structure ». Grâce à cette formation orientée vers les nouveaux modes de gouvernance, il a pris du recul sur ses pratiques « pour revenir à l’essentiel ». Le directeur de SSIAD (mais aussi d’une structure d’HAD, d’une maison régionale de santé et d’un centre dentaire) estime que les différents intervenants de cette école lui ont « ouvert le champ des possibles » : « On s’extrait du travail quotidien pour s’enrichir, puis revenir sur le terrain avec des connaissances nouvelles. » Directrice scientifique de l’Executive Master, Corinne Grenier précise : « Nous mettons nos stagiaires en posture de ne pas être simplement de bons gestionnaires mais en plus – et surtout – des innovateurs, des entrepreneurs, des acteurs de la fabrication de la politique publique, en expérimentant et en participant à la démocratie sanitaire. »

Ibnou Diop était chef de service à Emmaüs Solidarité et avait envie « d’évoluer dans la hiérarchie ». Parmi ses collègues, certains viennent d’entamer un Cafdes. Lui a privilégié le centre de formation de l’Andesi, d’abord en débutant par le master Resdos de niveau 2 (destiné aux personnes ayant pour objectif la direction d’entités de taille moyenne) avant d’entreprendre le master DMS niveau 1, qu’il a obtenu en avril 2014 après deux ans et demi de cursus achevés par la remise d’un mémoire. « Les apprentissages de cette formation me servent chaque jour dans mon poste, que je doive élaborer des projets d’établissements ou accompagner les services dans le travail d’évaluation interne », explique Ibnou Diop. Le professionnel, qui affirme que ce cursus lui a donné « une confiance dans [ses] compétences et des méthodes de travail formalisées », a apprécié d’avoir pu la partager avec une vingtaine d’autres stagiaires venus d’horizons différents. « Je ne connaissais que le champ de l’insertion, et j’ai pu travailler sur des études de cas avec des directeurs du secteur du handicap ou de celui de la prise en charge des mineurs isolés », détaille-t-il. Réalisé en partenariat avec l’université de Paris-Est Créteil, ce programme place « les sciences sociales au cœur de la formation, avec une moitié d’intervenants enseignants universitaires, l’autre composée d’experts du secteur social et médico-social », précise Carole Amistani responsable de formation à l’Andesi. Un aller-retour entre réflexion théorique et pratique qui peut surprendre les stagiaires les premiers temps, « mais une fois qu’ils commencent à s’approprier ces apports universitaires, ils en tirent une grande richesse et fonde une posture plus décalée et réflexive ».

Comme ses confrères en poste qui ont repris une formation, Ibnou Diop a dû jongler pendant de longs mois entre obligations professionnelles et études. « La posture de cadre commence aussi par là : savoir s’organiser pour faire face aux enjeux et aux objectifs que l’on se fixe, analyse-t-il. Les temps de présence au centre de formation étaient de quatre jours par mois en Resdos, puis trois jours en master 2. Ces jours-là, comme mes collègues stagiaires, je répondais aux e-mails et aux appels de mon équipe pendant les pauses ! »

Une vision plus globale du travail

« En master MOSS, les cours, c’est huit heures par jour du lundi au samedi, renchérit Khaled Touri, directeur d’EHPAD en région parisienne. On nous prépare ainsi à avoir un rythme de travail soutenu dès la formation, pour prendre des habitudes de travail. » Dans sa promotion à la faculté de Paris-13, une trentaine de professionnels se sont retrouvés une semaine par mois pendant un an pour obtenir ce diplôme. Le reste du temps, ils effectuaient des stages « pour apprendre tous les rouages du métier ». « Les enseignements sont particulièrement adaptés à la pratique, souligne Khaled Touri. A l’issue du cursus, j’ai intégré un grand groupe où la majorité des directeurs sont issus de grandes écoles – et il me semble que ce master m’a apporté une vision nettement plus globale de ce travail. On aborde ainsi tant l’actualité du champ social et médico-social que des questions de santé publique ou d’épidémiologie, en plus de la stratégie et de la gestion comptable et commerciale. »

Infirmier de formation initiale ayant évolué vers des postes à responsabilité dans le secteur sanitaire, avant de basculer vers le médico-social, Jean-Baptiste Guiot a choisi la formation de l’Espace Sentein, après avoir assisté gratuitement à une session de deux jours. « C’est une démarche intelligente, qui m’a permis de confronter le programme papier et ce qui était mis en œuvre. » Le directeur d’établissements dans le champ de l’enfance a trouvé le programme de l’organisme privé « atypique », car « particulièrement ouvert vers l’extérieur ». Le Master DEMS offre en effet l’opportunité, au cours de cette formation itinérante (deux jours par mois pendant deux ans), de rencontrer non seulement des responsables d’agences régionales de santé et de conseils départementaux, mais aussi des dirigeants d’entreprises telles que Casino ou Airbus. « J’ai apprécié de ne pas être enfermé dans une expertise un peu obtuse du secteur qui enseigne au secteur rien que pour le secteur et où l’on croise toujours les mêmes intervenants. Il y a là une ouverture d’esprit sur des initiatives qui nous donnent des pistes à transposer dans notre secteur qui se complexifie », pointe Jean-Baptiste Guiot.

La nécessité de mises à niveau régulières

« La reprise d’études n’est pas quelque chose de simple pour des professionnels en poste, qui doivent se remettre en question et revoir leurs pratiques, pointe Emmanuelle Robert, responsable pédagogique Cafdes à l’université de Nantes. Quant à ceux qui visent une progression de carrière, ils peinent parfois à basculer sur une fonction de direction. Dans tous les cas, la formation bouscule. » C’est pourquoi il faut choisir celle qui convient le mieux à chacun et qui permettra de construire une posture de direction tout en saisissant la complexité de ce poste. « Car la finalité d’un directeur n’est pas juste de gérer son établissement et ses ressources humaines, mais bien de faire en sorte d’articuler toutes ces dimensions au service des personnes accueillies », précise Emmanuelle Robert.

Enfin, conclut Luc Gruson, membre de l’ADC, il ne faut pas que les managers se contentent de l’obtention d’un diplôme : « Ils doivent continuer à faire des mises à niveau en cours de parcours. Le métier de directeur étant évolutif, la formation doit l’être aussi. »

Lexique

• ACT. Appartement de coordination thérapeutique.

• Adapei-ARIA. Association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés – Association pour la réadaptation et l’intégration par l’accompagnement.

• ADC. Association de directeurs, cadres de direction et certifiés de l’EHESP.

• Andesi. Association nationale des cadres du social.

• Areams. Association ressources pour l’accompagnement médico-social et social.

• Arifts. Association régionale des instituts de formation en travail social.

• Cafdes. Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale.

• D3S. Directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social.

• DEIS. Diplôme d’Etat d’ingénierie sociale.

• DEMS. Dirigeant de l’économie médico-sociale.

• DMS. Directeur/trice et manager stratégique.

• EHESP. Ecole des hautes études en santé publique.

• EHPAD. Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

• ESMS. Etablissement et service social et médico-social.

• HAD. Hospitalisation à domicile.

• IGISM. Ingénierie et gestion des interventions sociales et médico-sociales.

• IME. Institut médico-éducatif.

• IRTS. Institut régional du travail social.

• ITEP. Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique.

• MOISM. Management des organisations d’intervention sociale et médico-sociale.

• MOSS. Management des organisations sanitaires et sociales.

• Resdos. Responsable et directeur/trice des organisations sociales.

• RUFS. Réseau universitaire des formations du social.

• Sessad. Service d’éducation spéciale et de soins à domicile.

• SSIAD. Service de soins infirmiers à domicile.

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