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Mutuelle d’entreprise : un démarrage laborieux

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Pour la mise en place de la couverture frais de santé de leurs salariés, nombre de gestionnaires, peu séduits par les régimes négociés au niveau des conventions collectives, ont préféré s’adresser directement aux assureurs.

Pour la complémentaire santé collective obligatoire dans le secteur médico-social, le démarrage est laborieux… Cinq mois après le 1er janvier dernier, date d’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation pour les employeurs, les chiffres ne révèlent pas un enthousiasme débordant pour les régimes négociés au sein des branches. Dans le champ de la CC 66(1), à la mi-2016, 105 000 salariés étaient affiliés au régime mutualisé créé par l’avenant 328, soit environ un tiers des effectifs. Sur le périmètre de la CC 51(2), un quart des 4 400 structures adhérentes à la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) appliquaient à la fin mai l’avenant 2015-01, représentant à peine 10 % des effectifs.

Un rapport coût/prestations médiocre

L’explication principale est un rapport coût/ prestations considéré comme notoirement insuffisant, aussi bien par les salariés que par les employeurs, appelés à contribuer pour moitié au financement des cotisations. « Les négociations n’ont pas été satisfaisantes, reconnaît Rachel Guilbault, secrétaire fédérale de la CFDT Santé-sociaux, signataire de l’avenant à la CC 51. Dès le démarrage, la FEHAP a voulu imposer son cahier des charges, et nous n’avons pu qu’arracher des modifications à la marge. » En ce qui concerne la CC 66, les assureurs sont accusés d’avoir voulu dicter leurs conditions : « Il a fallu batailler pour obtenir des remboursements supérieurs à la base de la sécurité sociale », rapporte Charles Coulanges de l’Union fédérale de l’action sociale-CGT.

Sur le terrain, les employeurs se sont trouvés confrontés aux réticences des salariés. « Ceux qui bénéficiaient déjà d’une mutuelle intéressante à titre individuel n’avaient pas l’intention d’en changer, et d’autres refusaient tout simplement qu’on leur impose un contrat », témoigne Isabelle Boudeele, chef de service ressources humaines à l’association Arisse (Actions et ressources pour l’insertion sociale par le soin et l’éducation) implantée dans les Yvelines. A la SEA 35 (Sauvegarde de l’enfant à l’adulte en Ille-et-Vilaine), la mutuelle collective obligatoire existant depuis 2009 proposait cinq niveaux de garantie, avec une participation de l’employeur et du comité d’entreprise qui ramenait la cotisation du salarié à moins de 1 € pour le premier palier. Pour calmer la grogne, les deux associations ont donc opté pour la décision unilatérale d’entreprise(3) : « Contrairement à un régime négocié par un accord d’entreprise, la mise en place unilatérale autorise les salariés déjà présents dans la structure à refuser d’adhérer », explique Bruno Proust, le directeur des ressources humaines (DRH) de la SEA 35.

Un régime conventionnel adopté par les petites structures

Bien que la discussion avec les assureurs ait été conduite sans les représentants du personnel, ces derniers avaient tout de même fait valoir quelques exigences : « Les élus tenaient à ce que la couverture de base inclue la médecine douce, ce qui ne figure pas dans l’avenant, poursuit le DRH. Parce qu’elle ne faisait pas partie des organismes recommandés par l’avenant, la MGEN a pu répondre à cette demande, avec un coût moindre et des contraintes de gestion réduites, puisque cet organisme gérait déjà notre contrat précédent. » La SEA 35 n’est pas la seule à avoir tourné le dos à la mutualisation. L’association du Prado de Rhône-Alpes a également choisi la fidélité à son prestataire régional : « Il nous proposait une base similaire à celle du régime conventionnel et une plus grande variété d’options, pour un coût identique », justifie Catherine Bloch, la DRH.

Au bout du compte, le régime conventionnel aurait surtout été adopté par les plus petites structures, suppose Rachel Guilbault, de la CFDT : « Quels que soient ses défauts, l’avenant offre au moins un outil clés en main et les avantages de la mutualisation. » Les autres n’ont cure de « torpiller » le système, s’agace Charles Coulanges, le négociateur CGT : « Au cours des pourparlers, nous avons beaucoup insisté sur la pérennité du régime, en principe favorisée par la recommandation. En contrepartie, les assureurs se sont engagés à ne pas augmenter les cotisations jusqu’en janvier 2018. Si l’équilibre n’est pas atteint d’ici là, quelles seront nos chances de renégocier à la hausse ? »

Ironie supplémentaire : sous la pression de la concurrence, les assureurs recommandés se sont eux-mêmes mis à proposer des contrats hors mutualisation – tel celui qui a été signé par l’Arisse avec Harmonie Mutuelle, dont le seul avantage par rapport à la grille conventionnelle sont quelques séances supplémentaires d’ostéopathie. « Si nous n’avions pas été obligés de passer par une décision unilatérale, nous aurions choisi la mutualisation, tient à souligner Isabelle Boudeele. D’autant que si nous avons retenu Harmonie Mutuelle, c’est principalement pour son service d’action sociale, auquel pourront recourir nos salariés les plus fragiles. » Exactement comme le fonds social prévu par l’avenant 334. Reste à savoir combien de ces contrats, bâtis sur des tarifs d’appel, passeront la barre du premier exercice. Comme le Prado, la plupart des associations ont veillé à garantir le premier niveau du contrat : « Sur le socle de base, notre prestataire s’est engagé à suivre strictement l’évolution du régime conventionnel », indique Catherine Bloch.

D’autres incertitudes pèsent sur le régime. Combien seront les salariés à s’affilier à l’échéance de leur contrat individuel ? Quid de la protection des personnels durant les trois premiers mois de contrat ? Non couverts aujourd’hui, certains pourraient être tentés d’attaquer leur employeur en cas d’incident grave. Et, enfin, comment les gestionnaires ayant négocié une couverture plus avantageuse que le régime conventionnel justifieront-ils de telles dépenses à l’égard des financeurs ?

Cadre juridique

• CCN 66 : avenant 328 du 1er septembre 2014 (agréé le 30 décembre 2014) et avenant 334 du 29 avril 2015 (agréé le 14 octobre 2015) – signataires : Fegapei, Syneas, CFDT, CFTC, CFE-CGC et CGT.

• CCN 51 : avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 (agréé le 30 avril 2015) et additif du 22 juin 2015 (agréé le 18 août 2015) – signataires : FEHAP, CFDT, CFE-CGC et CFTC.

• CHRS : protocole n° 155 du 4 juillet 2014 (agréé le 29 décembre 2014) – signataires : Syneas, CFDT, CFE-CGC et CFTC.

Témoignage : Laura Fabing responsable ressources humaines de l’ARSEA (Bas-Rhin)

« René Bandol, le directeur général de l’ARSEA(4), avait tenu à ce que les organisations syndicales soient impliquées. La couverture frais de santé a donc fait l’objet d’un accord d’entreprise, signé en octobre 2015 à l’unanimité des syndicats. Après avoir étudié six offres concurrentes, et bien qu’il ne fasse pas partie des organismes recommandés, nous nous sommes adressés à notre assureur local, la Caisse de prévoyance mulhousienne, qui gérait auparavant la mutuelle facultative. Les délégués syndicaux de l’ARSEA ont participé activement à cette négociation, qui s’est déroulée dans un cadre paritaire, mais également interassociatif, avec l’association Adèle de Glaubitz. A elles deux, nos organisations représentent environ 2 500 salariés : cela nous a conféré un poids non négligeable dans la négociation. En prévision de leur absorption par l’ARSEA, deux associations voisines, l’ASRMS(5) et OPI(6), ont profité de la démarche. Le foyer Marie-Madeleine, une petite structure qui nous avait sollicités, a également pu bénéficier de ce contrat compétitif. L’accord offre des prestations beaucoup plus intéressantes que le régime conventionnel. Le niveau de base de notre contrat se rapproche de l’option 2 de l’avenant 334. Sans aucun surcoût, puisque la cotisation salariale s’élève à 16,73 €, soit le montant conventionnel pour les salariés relevant du régime de sécurité sociale Alsace-Moselle. Au-delà, les personnels peuvent souscrire à un niveau de garanties supérieur ou inscrire leurs ayants droit, cette fois sans participation financière de l’ARSEA, mais pour un tarif inférieur à celui de l’avenant.

Ce régime a été plutôt bien accueilli. Quelques professionnels, qui détenaient déjà une mutuelle individuelle, se sont montrés plus critiques, en raison du caractère obligatoire du nouveau contrat. Mais c’était une condition indispensable pour assurer l’équilibre du régime, et donc garantir un haut niveau de prestations. Au dernier décompte, sur 1 145 salariés, 960 étaient d’ailleurs affiliés, soit un coût annuel pour l’association d’environ 200 000 €. »

Notes

(1) Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (1966).

(2) Convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (1951).

(3) Celle-ci permet de déroger à l’accord de branche à condition d’instaurer des garanties plus favorables, ou s’applique à défaut d’accord de branche ou d’entreprise.

(4) Association régionale spécialisée d’action sociale, d’éducation et d’animation.

(5) Association solidarité du Rhin médico-sociale.

(6) Orientation, prévention, insertion.

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