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L’habilitation judiciaire familiale

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Depuis le 26 février dernier, l’habilitation judiciaire familiale – dispositif alternatif aux mesures traditionnelles de protection juridique des majeurs et au formalisme moins lourd – permet à un ou des proches d’une personne hors d’état de manifester sa volonté d’effectuer certains actes en son nom.

Une ordonnance du 15 octobre 2015, prise en application de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, a instauré l’habilitation judiciaire familiale qui complète l’arsenal des mesures de protection juridique des majeurs existantes que sont la tutelle, la curatelle et la sauvegarde de justice. Ce nouveau dispositif est entré en vigueur le 26 février 2016, après la publication au Journal officiel d’un décret d’application qui en a précisé les modalités de mise en œuvre. Il autorise les ascendants, les descendants, les frères et sœurs, le partenaire d’un pacte civil de solidarité (PACS) ou le concubin d’un majeur hors d’état de manifester sa volonté à le représenter ou à passer des actes patrimoniaux ou à caractère personnel en son nom, sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire. Il tend ainsi à permettre « aux familles qui sont en mesure de pourvoir seules aux intérêts de leur proche vulnérable d’assurer cette protection, sans se soumettre au formalisme des mesures de protection judiciaire », comme l’élaboration chaque année d’un compte de gestion ou l’obtention d’une autorisation du juge des tutelles pour l’accomplissement de certains actes. « Il s’agit de donner effet aux accords intervenus au sein de la famille pour assurer la préservation des intérêts de l’un de ses membres », explique le rapport accompagnant l’ordonnance. Ainsi, même si le prononcé de cette mesure suppose une décision du juge des tutelles, sa mise en œuvre ne requiert ensuite plus son intervention (sauf difficultés particulières), contrairement aux autres mesures de protection juridique des majeurs.

I. Les conditions de mise en œuvre

A. Les conditions tenant à la personne à protéger

L’habilitation familiale peut être délivrée afin d’assurer la sauvegarde des intérêts d’une personne hors d’état de manifester sa volonté pour l’une des causes prévues à l’article 425 du code civil (C. civ.), c’est-à-dire une personne qui se trouve dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée (C. civ., art. 494-1) :

→ soit de ses facultés mentales ;

→ soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

L’habilitation peut concerner un majeur ou un mineur émancipé. Dans le cas d’un mineur non émancipé, une demande peut être introduite et jugée dans la dernière année de sa minorité, mais l’habilitation familiale ne prendra toutefois effet que du jour de sa majorité (C. civ., art. 494-3 et 429).

B. Les proches pouvant être habilités

Peuvent être habilitées une ou plusieurs personnes choisies parmi certains proches de la personne à protéger, à savoir (C. civ., art. 494-1 ; loi du 16 février 2015, art. 1, I 2°) :

→ ses ascendants (parents, grands-parents…) ;

→ ses descendants (enfants, petits-enfants…) ;

→ ses frères et sœurs ;

→ son partenaire de pacte civil de solidarité ;

→ son concubin, la notion de concubinage étant entendue comme une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité de deux personnes, quel que soit leur sexe, vivant en couple.

En revanche, le conjoint marié de la personne à protégée ne peut être habilité. Le législateur a en effet considéré que les mécanismes relevant du régime matrimonial suffisaient à répondre aux besoins de la personne hors d’état de manifester sa volonté. Cette règle devrait toutefois prochainement évoluer et l’habilitation familiale devrait ainsi être bientôt étendue au conjoint (voir encadré ci-dessous)

La personne habilitée doit, par ailleurs, remplir les conditions pour exercer les charges tutélaires (C. civ., art. 494-1). Celles-ci sont définies notamment aux articles 395 et 445 du code civil. Ainsi, cette personne ne doit pas :

→ bénéficier elle-même d’une mesure de protection juridique ;

→ avoir subi une interdiction de ses droits civiques, civils et de famille ;

→ être un mineur non émancipé ;

→ s’être vu retirer l’autorité parentale ;

→ être membre des professions médicales et de la pharmacie, ou un auxiliaire médical, si la personne à protéger est un patient ;

→ être désigné fiduciaire dans un contrat de fiducie où la personne à protéger est le constituant(1).

La personne habilitée exerce sa mission à titre gratuit (C. civ., art. 494-1). Par ailleurs, elle engage sa responsabilité à l’égard de la personne représentée pour l’exercice de l’habilitation qui lui est conférée, dans le cadre des règles applicables au mandat. Ainsi, elle répond non seulement du dol(2), mais aussi des fautes qu’elle commet dans sa gestion. Néanmoins, puisqu’elle exerce sa mission à titre gratuit, le code civil prévoit que sa responsabilité pour faute est « appliquée moins rigoureusement » que si elle percevait un salaire (C. civ., art. 424 et 1992).

C. Une mesure nécessaire et subsidiaire

La mise en œuvre de l’habilitation familiale suppose qu’elle soit nécessaire et qu’il ne puisse être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation ou par les stipulations d’un mandat de protection future conclu par l’intéressé(3) (C. civ., art. 494-2).

Cette règle explique la raison pour laquelle le conjoint marié a été exclu de la liste des personnes pouvant bénéficier d’une habilitation familiale (voir ci-dessus) ou de celle des personnes pouvant saisir le juge pour demander une habilitation familiale (voir page 55). En effet, pour les conjoints mariés, l’article 219 du code civil prévoit déjà un dispositif d’habilitation spécifique qui s’inscrit dans le cadre du régime matrimonial des époux. Il dispose ainsi que, « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. A défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l’autre ont effet, à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires. » Rappelons toutefois que la législation devrait évoluer prochainement sur ce point afin d’inclure le conjoint dans la liste des personnes pouvant être habilitées (voir encadré, page 54).

II. La procédure

A. Les personnes pouvant saisir le juge

Selon l’article 494-3 du code civil, peuvent saisir le juge des tutelles afin qu’il désigne une personne habilitée :

→ les ascendants ou descendants de la personne à protéger ;

→ ses frères et sœurs ;

→ son partenaire pacsé ;

→ son concubin ;

→ le procureur de la République à la demande de l’une de ces personnes.

Cette liste est limitative. Elle exclut donc, par exemple, le conjoint marié et n’autorise pas le juge des tutelles à se saisir d’office.

B. La demande

La demande d’habilitation familiale doit être adressée au juge des tutelles territorialement compétent, c’est-à-dire celui de la résidence habituelle de la personne à l’égard de qui l’habilitation est sollicitée. Elle est effectuée par requête remise ou adressée au greffe du tribunal d’instance (code de procédure civile [CPC], art. 1260-1 et 1260-2).

La requête doit, sous peine de nullité, comporter les nom, prénom et adresse de la personne à l’égard de qui l’habilitation est demandée et ceux de la personne demandant à être habilitée (CPC, art. 1260-2). Elle doit également être accompagnée, à peine d’irrecevabilité :

→ d’un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République et qui peut solliciter l’avis du médecin traitant de la personne à protéger (CPC, art. 1260-3 et C. civ., art. 431) ;

→ l’énoncé des faits qui appellent la mise en œuvre d’une habilitation familiale et montrant la nécessité de cette mesure pour la préservation des intérêts de la personne, ces derniers ne pouvant l’être par le recours aux dispositifs de droit commun (CPC, art. 1260-3 et C. civ., art. 494-2).

La demande d’habilitation doit également faire mention de « tout élément utile » concernant la situation familiale de la personne à l’égard de qui l’habilitation est sollicitée, et notamment l’identité des proches (ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire pacsé ou concubin), sa situation financière et patrimoniale et le nom de son médecin traitant si celui-ci est connu du requérant (CPC, art. 1260-3).

C. Le déroulement de l’instruction

1. Les règles générales

La demande d’habilitation familiale est instruite et jugée par le juge des tutelles en chambre du conseil(4), conformément aux règles du code de procédure civile (C. civ., art. 494-1 et 494-3 ; CPC, art. 1260-10 et 1226, al. 2 et 3). Ainsi, notamment, le magistrat peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’instruction. Dans ce cadre, il peut notamment faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix (CPC, art. 1260-8 et 1221).

Le juge des tutelles et le procureur de la République ont également la faculté de faire examiner par un médecin la personne à protéger (CPC, art. 1260-5 et 1212).

2. Les auditions

La personne à protéger doit, sauf exception, être auditionnée par le juge des tutelles. Le magistrat doit aussi entendre la personne qui demande à être habilitée et, s’il le juge utile, les proches de l’intéressé.

Dans ce but, une convocation leur est adressée par le greffe du tribunal par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à laquelle est jointe une copie de la requête. Si le greffe ne connaît pas l’adresse de la personne à protéger ou de celle souhaitant être habilitée, il invite le requérant à procéder à la convocation par voie de signification, c’est-à-dire par l’intermédiaire d’un huissier de justice. Quant au requérant, il est informé par le greffe « par tous moyens » des lieux, jour et heure de l’audience. Lorsqu’il est requérant, le ministère public en est également avisé (CPC, art. 1260-9). L’avocat de la personne à protéger doit aussi, le cas échéant, être informé de la date et du lieu de l’audition (CPC, art. 1220-1).

A L’audition de la personne à protéger

1) Le principe

La personne à l’égard de qui l’habilitation est demandée doit être entendue ou, à tout le moins « appelée », c’est-à-dire convoquée par le juge des tutelles. Elle peut être accompagnée par un avocat ou, sous réserve de l’accord du juge, par toute autre personne de son choix (C. civ., art. 494-4 et 432 ; CPC, art. 1260-6). Pour qu’elle puisse exercer son droit d’être accompagnée par un avocat, sa convocation doit mentionner qu’elle peut choisir un avocat ou demander à la juridiction saisie que le bâtonnier lui en désigne un d’office, la désignation devant intervenir dans les 8 jours de la demande (CPC, art. 1260-5 et 1214). Si un avocat a été choisi, il doit pouvoir faire part de ses observations au cours de l’audition (CPC, art. 1226, al. 2).

Pour effectuer cette audition, le juge des tutelles peut se déplacer dans toute l’étendue du ressort de la cour d’appel dont il dépend ainsi que dans les départements limitrophes de celui où il exerce ses fonctions. L’audition de la personne peut avoir lieu au siège du tribunal, au lieu où elle réside habituellement, dans l’établissement de traitement ou d’hébergement où elle est accueillie ou en tout autre lieu approprié. Elle n’est pas publique. Le cas échéant, la présence du médecin traitant ou de toute autre personne est possible si le juge l’estime opportun (CPC, art. 1220 et 1220-1).

2) Les exceptions

Par exception, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis du médecin ayant rédigé le certificat médical joint à la demande d’habilitation, décider qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’audition de la personne à protéger dans deux cas (C. civ., art. 494-4 et 432 ; CPC, art. 1260-6 et 1220-3) :

→ si l’audition est de nature à porter atteinte à sa santé ;

→ si l’intéressé est hors d’état de s’exprimer.

Cette décision doit être notifiée au requérant et, le cas échéant, à l’avocat du majeur à protéger. Par la même décision, le juge « ordonne qu’il soit donné connaissance de la procédure engagée à la personne à protéger selon des modalités appropriées à son état » (CPC, art. 1220-2).

B L’audition des autres personnes

De la même façon, le juge des tutelles doit procéder à l’audition de la personne demandant à être habilitée (CPC, art. 1260-6).

Le magistrat peut aussi décider, s’il l’estime opportun, d’entendre les autres proches de la personne hors d’état de manifester sa volonté parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs, partenaire pacsé ou concubin (CPC, art. 1260-6).

Enfin, il peut entendre le ministère public, qui peut également faire connaître son avis par écrit (CPC, art. 1260-10).

D. La décision du juge des tutelles

1. Les critères de décision

Après avoir entendu les différentes parties et pris connaissance de leurs éventuels écrits, le juge des tutelles ordonne une habilitation familiale s’il l’estime nécessaire et uniquement s’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation ou par les stipulations du mandat de protection future qu’elle a conclu (C. civ., art. 494-2).

En outre, le magistrat doit s’assurer de l’adhésion ou, à défaut, de l’absence d’opposition légitime à la mesure d’habilitation et au choix de la personne habilitée des proches « qui entretiennent des liens étroits et stables avec la personne ou qui manifestent de l’intérêt à son égard et dont il connaît l’existence au moment où il statue » (C. civ., art. 494-4). L’adhésion ou l’opposition peut avoir été formulée au cours de l’audience ou par écrit (CPC, art. 1260-7).

Le juge choisit la personne habilitée et l’étendue de l’habilitation (voir ci-contre) en s’assurant que le dispositif projeté est conforme aux intérêts patrimoniaux et, le cas échéant, personnels de l’intéressé (C. civ., art. 494-5).

2. La notification de la décision

La décision statuant sur une demande de délivrance d’une habilitation familiale est notifiée (CPC, art. 1260-11) :

→ à la personne à l’égard de qui l’habilitation est sollicitée ;

→ à ses proches ;

→ à la personne demandant à être habilitée.

Avis en est également donné au procureur de la République.

La notification est effectuée par le greffe, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le juge peut, toutefois, décider qu’elle sera faite par acte d’huissier de justice. La délivrance d’une copie certifiée conforme d’une décision du juge par le greffe contre récépissé daté et signé vaut notification dès lors que les voies de recours et les sanctions encourues pour recours abusif sont portées à la connaissance de l’intéressé (CPC, art. 1260-11 et 1231).

3. La caducité de la demande

La demande de prononcé d’une mesure d’habilitation familiale devient caduque si le juge des tutelles ne s’est pas prononcé sur celle-ci dans l’année où il en a été saisi (CPC, art. 1260-10 et 1227).

E. Le renouvellement de l’habilitation

Comme pour la demande initiale d’habilitation familiale (voir page 55), la demande de renouvellement doit comporter un certificat médical circonstancié, l’énoncé des faits qui appelle cette mesure de protection ainsi que tout élément utile concernant la situation familiale de la personne à l’égard de qui le renouvellement de l’habilitation est sollicitée et, notamment, l’identité des proches (ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire pacsé ou concubin), la situation financière et patrimoniale de l’intéressé, ainsi que le nom de son médecin traitant si celui-ci est connu du requérant (CPC, art. 1260-3). Doit être également jointe la copie de la décision par laquelle le juge avait initialement délivré l’habilitation familiale (CPC, art. 1260-4).

Le juge des tutelles doit en outre procéder à l’audition de la personne faisant l’objet de l’habilitation familiale, dans les mêmes conditions que pour une demande initiale (voir page 56), et de la personne habilitée. Il peut aussi, s’il l’estime opportun, auditionner les autres proches de la personne protégée (CPC, art. 1260-6).

La décision de renouvellement de l’habilitation familiale doit être notifiée à la personne à l’égard de qui l’habilitation est sollicitée, à ses proches et à la personne demandant à être habilitée. Avis en est également donné au procureur de la République (CPC, art. 1260-11).

III. Le contenu et la vie de l’habilitation

La personne habilitée est désignée par le juge des tutelles pour représenter la personne à protéger ou pour passer un ou des actes en son nom, afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts (C. civ., art. 494-1).

A. L’étendue de l’habilitation

L’habilitation peut porter sur (C. civ., art. 494-6) :

→ un ou plusieurs des actes qu’un tuteur a le pouvoir d’accomplir, seul ou avec une autorisation du juge des tutelles, sur les biens de l’intéressé (conclure un bail, vendre un bien, payer une dette…)(5). Toutefois, la personne habilitée ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit, telle qu’une donation, qu’avec l’autorisation du juge des tutelles (C. civ., art. 494-6). Elle peut, en revanche, sauf décision contraire du juge, procéder sans autorisation à la modification ou à l’ouverture d’un compte ou livret bancaire (C. civ., art. 494-7 et 427, al. 1) ;

→ un ou plusieurs actes relatifs à la personne à protéger (autoriser son mariage, son PACS ou son divorce, représenter la personne en justice, prendre une décision médicale…).

Si l’intérêt de la personne à protéger l’implique, le juge peut délivrer une habilitation générale portant (C. civ., art. 494-6) :

→ soit sur l’ensemble des actes relatifs aux biens et à la personne ;

→ soit sur l’ensemble des actes relatifs aux biens ;

→ soit sur l’ensemble des actes relatifs à la personne.

En cas d’habilitation générale, la personne habilitée ne peut accomplir un acte pour lequel elle serait en opposition d’intérêts avec la personne protégée. Toutefois, à titre exceptionnel et lorsque l’intérêt de celle-ci l’impose, le juge peut l’autoriser à accomplir cet acte (C. civ., art. 494-6).

Sauf exceptions, une fois l’habilitation accordée, le juge des tutelles n’a plus vocation à intervenir, sauf si des difficultés surviennent (voir page 59).

B. La durée de l’habilitation

La durée de l’habilitation générale, fixée par le juge, ne peut excéder 10 ans. Elle est renouvelable, à la demande des proches ou du procureur de la République saisi par l’un d’eux, au vu d’un certificat médical circonstancié attestant de l’altération des facultés de l’intéressé et si le dispositif projeté est toujours conforme à ses intérêts patrimoniaux et, le cas échéant, personnels. Le renouvellement peut être prononcé (C. civ., art. 494-6) :

→ pour la même durée ;

→ pour une durée plus longue « lorsque l’altération des facultés personnelles de la personne à l’égard de qui l’habilitation a été délivrée n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ». La décision du juge doit, dans ce cas, être « spécialement motivée » et prise sur avis conforme d’un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Cette durée ne peut toutefois pas excéder 20 ans.

Dans le cas d’une habilitation circonscrite à l’exécution de certains actes, l’habilitation vaut jusqu’à l’accomplissement de ces actes (C. civ., art. 494-11).

C. Les droits de la personne protégée

De manière générale, la personne à l’égard de qui l’habilitation a été délivrée conserve l’exercice de ses droits non couverts par l’habilitation. Toutefois, dans le cas d’une habilitation générale, elle ne peut conclure un mandat de protection future pendant la durée de l’habilitation (C. civ., art. 494-8).

Lorsque l’habilitation porte sur des actes relatifs à la personne du majeur à protéger, il doit être tenu compte de sa volonté, comme c’est le cas dans le cadre des autres mesures de protection juridique (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, mandat de protection future) (C. civ., art. 494-6). Ainsi, la personne protégée doit recevoir de la personne habilitée, selon des modalités adaptées à son état, toutes les informations sur sa situation personnelle et sur l’utilité, le degré d’urgence et les effets des actes envisagés ainsi que sur les conséquences d’un refus de sa part (C. civ., art. 457-1).

Par ailleurs, l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel – déclaration de naissance et reconnaissance d’un enfant, actes d’autorité parentale, déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant – ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée (C. civ., art. 458).

Pour les autres décisions personnelles courantes, la personne protégée doit pouvoir prendre seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Si ce n’est pas possible, la personne habilitée doit lui apporter son assistance et, exceptionnellement, la représenter. Toutefois, sauf urgence, la personne habilitée ne peut, sans l’autorisation du juge, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou à l’intimité de sa vie privée (C. civ., art. 459).

La personne habilitée peut prendre à l’égard de la personne protégée les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement lui ferait courir. Elle doit cependant en informer sans délai le juge des tutelles (C. civ., art. 459).

La personne protégée conserve, en outre, le libre choix de sa résidence et celui d’entretenir des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non (C. civ., art. 459-2).

D. La gestion des difficultés

En cas de difficultés survenant dans la mise en œuvre de l’habilitation familiale, les proches (ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire pacsé ou concubin) ainsi que le procureur de la République peuvent saisir le juge des tutelles, selon les mêmes modalités qu’une requête initiale (voir page 55), afin qu’il statue sur le problème. Le magistrat peut alors décider, à tout moment, de modifier l’étendue de l’habilitation ou d’y mettre fin. Il doit, au préalable, entendre ou convoquer la personne à l’égard de qui l’habilitation a été délivrée ainsi que la personne habilitée (C. civ., art. 494-10). Le juge peut aussi, s’il l’estime opportun, procéder à l’audition des proches de la personne protégée (CPC, art. 1260-6).

Les décisions du juge doivent être notifiées au requérant, à la personne faisant l’objet de l’habilitation, à la personne habilitée et, s’il l’estime utile, aux proches qu’il désigne parmi les ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire pacsé ou concubin. Avis en est en outre donné au procureur de la République (CPC, art. 1260-11).

E. La fin de l’habilitation

L’habilitation familiale prend fin (C. civ., art. 494-11) :

→ au décès de la personne protégée ;

→ en cas de placement de l’intéressé sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle ;

→ en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée prononcé par le juge à la demande des proches ou du procureur de la République, lorsqu’il s’avère que les conditions de prononcé de l’habilitation familiale ne sont plus réunies ou lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne protégée ;

→ de plein droit en l’absence de renouvellement à l’expiration du délai fixé par le juge ;

→ après l’accomplissement des actes pour lesquels l’habilitation a été délivrée.

Par ailleurs, l’habilitation peut être retirée à la personne habilitée en raison de son inaptitude, de sa négligence, de son inconduite ou d’une fraude, ou en cas de litige ou contradiction d’intérêts avec la personne protégée (C. civ., art. 396).

Ce qu’il faut retenir

Objet. L’habilitation familiale permet à certains proches d’une personne devenue hors d’état de manifester sa volonté de la représenter ou de passer en son nom un ou des actes à caractère patrimonial ou affectant la sphère personnelle.

Procédure. La mesure est prononcée par le juge des tutelles. Les proches doivent, pour ce faire, déposer une requête à laquelle sont joints un certificat médical circonstancié, un énoncé des faits et toutes informations utiles. Le prononcé de l’habilitation n’est possible que si aucun dispositif de droit commun ne peut répondre aux besoins de la personne à protéger. Le juge doit en outre s’assurer de l’adhésion de l’ensemble des proches de la personne concernée (ou de l’absence d’opposition légitime) à la mesure et de la capacité de la personne habilitée à agir dans l’intérêt de la personne à protéger.

Etendue et durée. L’habilitation peut être spéciale à certains actes ou de portée générale. Dans ce dernier cas, sa durée est limitée à 10 ans, renouvelable une fois pour une durée pouvant aller jusqu’à 20 ans lorsqu’aucune évolution prévisible de la santé de l’intéressé n’est envisageable. Elle peut concerner des actes relatifs aux biens (vendre un bien, conclure un bail…) ou des actes relatifs à la personne (mariage, divorce, décisions médicales…). L’habilitation prend fin en diverses circonstances : par le décès de la personne habilitée, à l’issue de sa durée fixée par le juge s’il s’agit d’une habilitation générale, en l’absence de renouvellement, après l’accomplissement des actes pour lesquels l’habilitation a été délivrée…

L’habilitation familiale bientôt ouverte au conjoint

Le gouvernement a présenté le 20 janvier dernier, en conseil des ministres, un projet de loi ratifiant l’ordonnance du 15 octobre 2015 qui a mis en place l’habilitation familiale judiciaire(6). Mais, contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser entendre, ce texte ne se borne pas à prévoir la ratification de l’ordonnance – ce qui lui donnera une valeur législative – mais entend aussi ouvrir le dispositif d’habilitation familiale au conjoint marié. Actuellement, seuls les ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire pacsé et concubin de la personne vulnérable peuvent en bénéficier. Le conjoint, lui, n’a pas été mentionné au motif qu’il dispose, en vertu des articles 217 et 219 du code civil, de mécanismes traditionnels de représentation fondés sur les régimes matrimoniaux. Toutefois, explique le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi, « le nouveau dispositif d’habilitation familiale a une portée plus large, visant notamment les actes personnels ». Certes, la jurisprudence a élargi l’application de l’article 219 du code civil à des actes de nature extrapatrimoniale (par exemple, le transfert du domicile dans un nouveau logement à acquérir, le logement familial étant devenu trop onéreux). Mais « ces extensions sont en général liées à un acte de nature patrimoniale. Telle n’est pas la philosophie en matière de protection des majeurs, où les dispositions de l’article 425 du code civil pose le principe que la mesure […] doit assurer tant la protection de la personne que celle de ses intérêts patrimoniaux », indique l’étude d’impact du projet de loi. C’est pourquoi il est apparu opportun au gouvernement que le conjoint puisse bénéficier de l’habilitation familiale dès lors que la communauté de vie n’a pas cessé.

Textes applicables

• Loi n° 2015-177 du 16 février 2015, art. 1, I 2°, J.O. du 17-02-15.

Code civil :

• Articles 494-1 à 494-12, 414-2, 424, 477 et 1304, tels qu’issus de l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, J.O. du 16-10-15

• Articles 425, 427, 429, 431, 432 et 457-1 à 459-2.

Code de procédure civile :

• Articles 1260-1 à 1260-12, tels qu’issus du décret n° 2016-185 du 23 février 2016, J.O. du 25-02-16

• Articles 1212 à 1214, 1220 à 1220-3, 1221, 1226 al. 2 et 3, 1227, 1231, 1233, 1242, 1243 à 1247, et 1256.

Les voies de recours

Toutes les décisions du juge des tutelles relatives à l’habilitation familiale (acceptation, rejet, renouvellement, modification..) sont susceptibles d’appel dans un délai de 15 jours à compter de leur notification ou, pour le procureur de la République, de l’avis l’informant de ces décisions (voir pages 57 et 59) (CPC, art. 1260-12).

En appel, les requérants n’ont pas obligation de recourir à un avocat (CPC, art. 1260-12).

L’appel est formé par déclaration faite ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe du tribunal de première instance. Le greffier enregistre ensuite l’appel à sa date et délivre ou adresse, par lettre simple, un récépissé de la déclaration (CPC, art. 1260-12 et 1242).

La procédure d’appel suit les mêmes règles que pour un appel en matière de mesures de tutelle ou de curatelle, telles qu’elles sont fixées aux articles 1242 et 1243 à 1247 du code de procédure civile (CPC, art. 1260-12). Toutefois, s’agissant des auditions, la cour d’appel doit entendre la personne à l’égard de qui une habilitation est sollicitée ou faisant l’objet d’une habilitation dans les mêmes conditions que lors de la requête initiale (voir ci-dessus) (C. civ. 494-4 ; CPC, art. 1260-12).

Quid des actes irréguliers ?

Action en nullité pour insanité d’esprit

Selon l’article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. Et c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte. L’ordonnance du 15 octobre 2015 qui a instauré l’habilitation familiale a modifié l’article 414-2 du code civil afin que l’action en nullité pour insanité d’esprit prenne en compte ce nouveau dispositif de protection. Ainsi, après la mort d’une personne, les actes qu’elle a effectués, autres qu’une donation de son vivant et un testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers pour insanité d’esprit si une action a été introduite avant son décès afin de mettre en place une habilitation familiale. Les autres cas dans lesquels une action en nullité pour insanité d’esprit peut être engagée sont inchangés (l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental, l’acte a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice, une action a été introduite avant son décès afin de le placer sous curatelle ou sous tutelle, ou bien un mandat de protection future a été mis en œuvre avant son décès). Sans changement également, l’action en nullité pour insanité d’esprit s’éteint au bout de 5 ans.

Action en nullité ou en réduction

Les actes accomplis pendant la période d’habilitation familiale sont nuls de plein droit, sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice, s’ils l’ont été (C. civ., art. 494-9) :

• par la personne habilitée seule, en cette qualité, alors qu’ils n’entraient pas dans le champ de l’habilitation ou qu’ils ne pouvaient être accomplis qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ;

• par la personne protégée alors qu’ils entraient dans le champ de l’habilitation.

L’action doit être engagée dans les 5 ans. S’il s’agit d’un acte irrégulier accompli par la personne protégée, la personne habilitée peut, avec l’autorisation du juge des tutelles, engager seule l’action en nullité (C. civ., art. 494-9).

Par ailleurs, les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de 2 ans avant le jugement délivrant l’habilitation familiale peuvent être réduits ou annulés sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, à la suite de l’altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l’époque où les actes ont été passés. L’action doit être introduite dans les 5 ans après la date du jugement d’ouverture de la mesure d’habilitation familiale. Là aussi, la personne habilitée peut, avec l’autorisation du juge des tutelles, engager seule l’action en nullité ou en réduction (C. civ., art. 494-9 et 464).

Dans tous les cas, et tant que la mesure d’habilitation est en cours, l’acte contesté peut être confirmé avec l’autorisation du juge des tutelles (C. civ., art. 494-9).

Publicité des décisions relatives à l’habilitation familiale

Les jugements accordant, modifiant ou renouvelant une habilitation familiale générale doivent faire l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance de la personne pour laquelle cette habilitation est mise en œuvre. Il en est de même lorsqu’il est mis fin à l’habilitation en raison du décès de l’intéressé, de son placement sous sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle, du prononcé par le juge des tutelles d’un jugement de mainlevée de l’habilitation passé en force de chose jugée(7), de l’absence de renouvellement de la mesure ou de l’accomplissement des actes pour lesquels l’habilitation avait été délivrée (C. civ., art. 494-6). Pour ce faire, un extrait de toutes ces catégories de décisions est transmis par tout moyen au greffe du tribunal de grande instance (TGI) dans le ressort duquel est née la personne faisant l’objet de l’habilitation afin de les conserver dans le répertoire civil et de les mentionner en marge de l’acte de naissance de l’intéressé. Cette transmission doit se faire dans les 15 jours (CPC, art. 1260-12 et 1233).

Lorsque l’habilitation a pris fin pour un autre motif que ceux qui sont mentionnés ci-dessus, avis en est donné par tous moyens et aux mêmes fins par le greffe du tribunal d’instance, saisi par tout intéressé, au greffe du TGI dans le ressort duquel est née la personne faisant l’objet de l’habilitation (CPC, art. 1260-11).

Notes

(1) Définie à l’article 2011 du code civil, la fiducie est un contrat par lequel une personne (le constituant) transfère tout ou partie des biens qu’elle possède à une autre personne (le fiduciaire), dans l’intérêt d’un bénéficiaire.

(2) Le dol consiste en une manœuvre frauduleuse ayant pour objet de tromper l’une des parties à un acte juridique en vue d’obtenir son consentement.

(3) Le mandat de protection future est une mesure conventionnelle permettant à tout à chacun d’organiser pour l’avenir la protection de sa personne et/ou de ses biens, pour le cas où il ne serait plus en mesure de le faire lui-même en raison de son état de santé physique ou mental, et d’éviter ainsi l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice).

(4) C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’une audience publique.

(5) Pour une présentation des actes qu’un tuteur peut effectuer, avec ou sans autorisation du juge des tutelles, voir le numéro juridique des ASH intitulé La protection des majeurs vulnérables – 3e édition – Mars 2013.

(6) Ce texte n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour du Parlement.

(7) Cette mainlevée peut être prononcée, par exemple, lorsqu’il s’avère que l’exécution de l’habilitation familiale est de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne protégée.

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