Le ministère de l’Intérieur explicite, dans une information du 6 mai dernier adressée aux préfets, le mode d’opératoire de la nouvelle procédure, prévue par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile(1), permettant de demander en justice l’expulsion de déboutés du droit d’asile séjournant indûment dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et les structures d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA). Objectif affiché : inciter les représentants de l’Etat à se saisir d’un dispositif censé « renforcer la fluidité du parc ». « La lutte contre l’occupation indue des hébergements réservés par la loi aux demandeurs d’asile constitue, particulièrement en cette période de crise migratoire, une priorité de votre action », insiste le ministère.
La procédure peut s’enclencher à l’encontre de trois types de personnes :
→ le demandeur d’asile définitivement débouté du droit d’asile après rejet de sa demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d’asile, ne disposant pas d’un titre de séjour à un autre titre et n’ayant pas sollicité d’aide au retour volontaire ou ayant refusé l’offre d’aide au retour volontaire qui lui a été présentée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ;
→ l’étranger admis au séjour à un autre titre que l’asile et ayant refusé une ou plusieurs offres d’hébergement ou de logement en vue de libérer le lieu d’hébergement occupé. « Il s’agit ici de l’étranger titulaire d’un titre de séjour, et non de l’étranger ayant sollicité l’examen de sa situation administrative et sur lequel il n’a pas encore été statué », indique le ministère ;
→ la personne ayant manifesté un comportement violent ou ayant commis des manquements graves au règlement du lieu d’hébergement. « S’agissant du comportement violent, il peut s’agir d’un comportement agressif envers les personnels chargés de la gestion du lieu d’hébergement ou envers les personnes hébergées, de tous types de harcèlement, de la profération de menaces, de coups et blessures aux personnes, de la possession et a fortiori de l’utilisation d’armes de toutes catégories », indique encore le ministère. Quant aux manquements graves au règlement, ils peuvent être notamment caractérisés « par des manquements répétés au règlement, des incivilités » ou bien encore des « actes portant atteintes aux biens ».
Le ministère insiste sur le fait que deux autres cas, que les préfets peuvent être amenés à connaître, ne sont pas visés par la procédure :
→ les réfugiés ou protégés subsidiaires qui refusent toute orientation à l’issue du délai que la loi leur accorde pour trouver une solution d’hébergement ou de logement ;
→ les demandeurs d’asile sous procédure Dublin(2). « Ces étrangers, précise le ministère, doivent en revanche faire l’objet dès le début de la procédure de mesures de surveillance adaptées dans le cadre prévu à l’article L. 742-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile » (assignation à résidence).
Le ministère demande aux préfets de veiller à bien appliquer les prescriptions législatives et réglementaires « afin de ne pas entacher la mise en œuvre d’une expulsion d’un vice de procédure ». La procédure se décompose ainsi en trois étapes :
→ dès qu’une décision définitive est intervenue sur la demande d’asile d’un étranger hébergé dans un CADA ou une structure HUDA, l’OFII informe le gestionnaire de cette décision et lui transmet une décision de sortie. Celle-ci est notifiée à l’hébergé par le gestionnaire, en même temps qu’il l’informe de sa fin de prise en charge et de la possibilité de solliciter une aide au retour ;
→ si l’étranger définitivement débouté de sa demande d’asile n’a pas quitté les lieux au terme du délai prévu par la décision de sortie, le préfet, saisi par l’OFII ou le gestionnaire du lieu d’hébergement, met en demeure l’intéressé de quitter la structure dans un délai qu’il prescrit. « De manière indicative, un délai supplémentaire de 15 jours paraît pouvoir être retenu dans la plupart des cas, même s’il pourra être tenu compte de situations particulières en accord avec le gestionnaire du centre et l’OFII », indique le ministère ;
→ si, au terme de ce nouveau délai, l’intéressé ne s’est toujours pas exécuté, il revient alors au préfet, dans le cadre de la nouvelle procédure, d’obtenir du juge administratif qu’il enjoigne à l’étranger d’évacuer le lieu d’hébergement. « Sur simple requête, indique le ministère, il appartient au préfet de démontrer au juge que l’occupant, par sa situation ou son comportement, n’a plus le droit de rester dans les lieux, qu’il a fait l’objet d’une décision de sortie dûment notifiée et que son expulsion est destinée à assurer le fonctionnement normal du service public dont il a la charge. » Un mémoire type de référé est joint en annexe de l’instruction.
A noter : dans le cas de personnes ayant manifesté un comportement violent ou ayant commis des manquements graves au règlement du lieu d’hébergement, il n’y a pas lieu d’attendre la décision de sortie mentionnée ci-dessus. La décision d’exclusion prise par le gestionnaire du lieu d’hébergement est suffisante pour permettre au préfet de mettre en demeure la personne de quitter la structure. « Le délai prévu par la mise en demeure pourra être très bref, notamment si le comportement de l’intéressé est de nature à perturber le fonctionnement normal de la structure », précise encore le ministère. L’OFII prendra, par ailleurs, une décision de retrait des conditions matérielles d’accueil sur le fondement du signalement effectué par le gestionnaire.
Une fois que le juge a prononcé l’expulsion de l’étranger visé, il appartient au préfet d’exécuter cette décision de justice « en ayant recours à la force publique si nécessaire ». Dans ce cas de figure, l’intéressé peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Le cas échéant, il pourra, consécutivement à l’expulsion de son lieu d’hébergement, être placé en rétention ou assigné à résidence.
Des dispositifs dédiés à la préparation au retour pourront en outre être mobilisés, indique le ministère, ajoutant que, « dans le cas où la situation de détresse médicale, psychique ou sociale de la personne déboutée le justifierait », son accueil pourra être assuré dans le dispositif d’hébergement d’urgence, « pour le temps strictement nécessaire à la préparation de son départ ».
Enfin, le ministère rappelle que les dispositions du code des procédures civiles d’exécution applicables en matière d’expulsions locatives ne sont pas applicables ici. Les étrangers expulsés dans le cadre de la nouvelle procédure prévue par la loi « asile » ne peuvent donc pas se prévaloir des garanties accordées aux occupants faisant l’objet d’une procédure d’expulsion régie par ce code, telles que la notification d’un commandement de quitter les lieux, la possibilité de solliciter l’octroi d’un délai de grâce ou le bénéfice de la « trêve hivernale ». « Toutefois, en raison des conditions climatiques parfois rigoureuses », les préfets sont invités à « être particulièrement attentifs à ce qu’une solution transitoire d’hébergement puisse être proposée, concomitamment à l’expulsion, éventuellement assortie de mesures de surveillance adaptées (assignation à résidence notamment) ».
(2) Autrement dit les demandeurs d’asile dont l’examen de la demande relève de la compétence d’un autre Etat membre.