Recevoir la newsletter

Adoption d’une nouvelle loi pour améliorer l’efficacité et les garanties de la procédure pénale

Article réservé aux abonnés

Le 25 mai, les parlementaires ont définitivement adopté la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Une loi fourre-tout qui, au-delà de mesures liées à la lutte contre la radicalisation (voir ce numéro, page 48), comprend des dispositions très diverses relatives notamment à la protection des témoins, à la garde à vue des mineurs ou encore au financement de l’aide aux victimes. Présentation de quelques-unes de ces dispositions qui entreront en vigueur, pour la plupart, dès la publication de la loi au Journal officiel.

Protection des témoins

La loi renforce la protection des témoins de certaines infractions. Ainsi, pour le jugement notamment des crimes aggravés de traite des êtres humains et de proxénétisme, des crimes de tortures ou d’actes de barbarie ainsi que des délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en bande organisée, la cour d’assises ou le tribunal correctionnel peut ordonner le huis clos pour le temps de l’audition d’un témoin si sa déposition est de nature à mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celle de ses proches. Lorsqu’une procédure portant sur ces crimes ou délits est ouverte, les témoins ou leurs proches exposés à des risques graves de représailles en raison de leur collaboration avec la justice peuvent aussi faire l’objet d’une protection spécifique. Dans ce cadre, ils peuvent, entre autres, bénéficier d’une identité d’emprunt. Le fait de révéler cette identité ou de faciliter l’identification ou la localisation de ces personnes est puni de cinq ans de prison et de 75 000 € d’amende. Ces peines sont portées à :

→ sept ans et 100 000 € en cas de violences commises sur le témoin, son conjoint, ses enfants ou ses ascendants directs ;

→ dix ans et 150 000 € en cas de décès de ces personnes.

En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque la révélation de l’identité d’un témoin est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches, le juge d’instruction peut ordonner soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou des parties, que cette identité ne soit pas mentionnée au cours des audiences publiques et ne figure pas dans les ordonnances, jugements ou arrêts de la juridiction d’instruction ou de jugement qui sont susceptibles d’être rendus publics(1). La décision ordonnant la confidentialité de l’identité du témoin n’est pas susceptible de recours. La révélation de l’identité d’un témoin ou la diffusion des informations permettant son identification ou sa localisation est, dans ce cas, punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

Aide aux victimes

Jusqu’à présent, lorsqu’une juridiction condamnait l’auteur d’une infraction pénale à verser des dommages-intérêts à la partie civile, elle devait informer cette dernière de la possibilité de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI). Désormais, la juridiction doit aussi lui indiquer qu’elle peut saisir le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions d’une demande d’aide au recouvrementdes sommes dues et volontairement non versées par l’auteur de l’infraction(2).

Afin de financer l’aide aux victimes, la loi prévoit que les amendes prononcées notamment en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle peuvent dorénavant être majorées dans la limite de 10 % de leur montant. Il appartient au juge de fixer le montant de cette majoration en fonction des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il s’agit là d’une reprise de l’article 9 de la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne censuré par le Conseil constitutionnel(3).

Précisions sur les sanctions pénales

Aux termes de l’article 713-47 du code de procédure pénale, en cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures de contrôle et d’assistance, des obligations ou des interdictions qui lui sont imposées dans le cadre d’une contrainte pénale(4), le juge de l’application des peines (JAP) peut modifier ou compléter ses obligations ou interdictions ou procéder à un rappel de ces mesures. Si cela est insuffisant pour assurer l’effectivité de la peine, la juridiction ayant prononcé cette peine peut mettre à exécution tout ou partie de l’emprisonnement encouru par le condamné. Une mesure qui s’impose aussi lorsque ce dernier commet, durant l’exécution de la contrainte pénale, un crime ou un délit de droit commun suivi d’une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis. La loi rend désormais la décision du JAP mettant à exécution tout ou partie de l’emprisonnement immédiatement exécutoire, y compris dans le cas où la personne interjetterait appel. Si tel est le cas, le juge devra examiner son recours dans un délai de deux mois, à défaut de quoi le condamné sera remis en liberté s’il n’est pas détenu pour un autre motif.

En outre, les juridictions ne pouvaient, jusqu’alors, prononcer contre le prévenu, à la place d’un emprisonnement, un stage de citoyenneté et un travail d’intérêt général ou l’assortir d’un sursis que si l’intéressé y avait consenti et était présent à l’audience. La loi prévoit qu’il est désormais possible de prescrire ces peines lorsque le prévenu est absent à l’audience, à condition qu’il ait fait connaître son accord par écrit et soit représenté par un avocat. Là encore, les parlementaires ont repris des dispositions de la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne censurées par le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, la loi précise que la durée du stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, du stage de responsabilité parentale de sensibilisation, du stage à la sécurité routière ou du stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants, prescrit à titre de peine complémentaire, ne peut excéder un mois. Des stages qui, sans changement, doivent être effectués dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation qui les prescrit est définitive. Si le coût du stage est à la charge du condamné, il ne peut être supérieur à 450 € (montant de l’amende encourue pour les contraventions de la troisième classe), prévoit encore le texte. Les parlementaires ont une nouvelle fois repris une disposition censurée de la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne.

Organisation de la détention

Dans une décision du 10 février dernier, le Conseil d’Etat a annulé le refus du garde des Sceaux d’abroger l’article D. 332 du code de procédure pénale, aux termes duquel le chef d’un établissement pénitentiaire pouvait procéder à des retenues sur la part disponible du compte nominatif des détenus, en réparation des dommages matériels qu’ils ont causés ou en cas de découverte sur eux de sommes possédées irrégulièrement. La Haute Juridiction a jugé que le pouvoir réglementaire n’était pas compétent pour autoriser, par ces dispositions, une privation du droit de propriété des détenus(5). La loi répare donc cette erreur et modifie l’article 728-1 du même code afin d’autoriser l’administration pénitentiaire à procéder à de telles retenues, dont les modalités seront précisées par décret.

Par ailleurs, au regard du cadre posé par l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, les décisions ordonnant des fouilles des détenus ou de leurs cellules doivent être individualisées et réalisées selon des modalités précises. En outre, les fouilles intégrales aléatoires sont interdites(6). Mais « cet impératif jurisprudentiel est […] inadapté à une gestion collective de la population pénale, notamment dans les maisons d’arrêt confrontées à la surpopulation pénale. Celles-ci ne sont, en effet, pas en mesure de mettre en œuvre cette individualisation pour les fouilles de cellules, ni même pour les fouilles par palpation, qui sont plus fréquentes en pratique », a reconnu le gouvernement lors des débats au Sénat. Sur son initiative, les parlementaires ont donc amendé l’article 57 de la loi pénitentiaire afin de permettre au chef de l’établissement pénitentiaire d’ordonner, dans des lieux et pour une période de temps déterminés, des fouilles en cas de suspicion sérieuse d’introduction d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens. Et ce, indépendamment de la personnalité des détenus. Les fouilles doivent être « strictement nécessaires et proportionnées », rappelle la loi.

Garde à vue des mineurs

Conformément à l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, lorsqu’un mineur est placé en garde à vue, l’officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge d’instruction a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur. Il est possible de déroger à cette obligation pour une durée que le magistrat détermine et qui ne peut excéder 24 heures ou, lorsque la garde à vue ne peut faire l’objet d’une prolongation, 12 heures. La loi précise que cette dérogation ne pourra à l’avenir s’appliquer que pour permettre le recueil ou la conservation de preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne, sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction prise au regard des circonstances de l’espèce. Ces dispositions entreront en vigueur à compter du 15 novembre prochain.

Notes

(1) Le témoin sera alors désigné au cours des audiences ou dans les ordonnances, jugements ou arrêts par un numéro.

(2) En pratique, c’est le service d’aide au recouvrement des victimes, géré par le fonds de garantie, qui se charge du recouvrement des sommes dues aux victimes qui ont subi de faibles préjudices corporels ou des préjudices matériels et qui ne peuvent pas être indemnisées par la CIVI.

(3) Voir ASH n° 2921 du 21-08-15, p. 50.

(4) Voir ASH n° 2911 du 22-05-15, p. 47.

(5) Voir ASH n° 2959 du 6-05-16, p. 42.

(6) Sur la question des fouilles des détenus, voir en dernier lieu ASH n° 2843 du 17-01-14, p. 49.

[Loi à paraître]

Veille juridique

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur