Les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) doivent-ils être reconnus comme « prioritaires » au même titre que les services d’urgence et de soins ? C’est la question que soulève en creux la pénurie d’essence qui touche la France depuis la mi-mai de façon plus ou moins marquée selon les territoires et les périodes. Après avoir reçu des « messages d’alerte » émanant de son réseau, l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) a sollicité le cabinet de la secrétaire d’Etat aux personnes âgées afin qu’il relaie cette préoccupation à son homologue des transports et de l’énergie. « Nous avons insisté sur le fait que les aides à domicile, contrairement aux infirmières et aides-soignantes, ne faisaient pas partie, à tort, des professionnelles prioritaires pour l’approvisionnement en carburant », écrit l’UNA dans un message adressé le 30 mai à ses adhérents, dans lequel elle fait état de la réponse reçue la veille par le ministère des Transports et de l’Energie. Les services de ce dernier indiquaient alors que « la situation [était] à la fois sérieuse et en cours d’amélioration, grâce à la mobilisation collective ». Ainsi, « la grande majorité des arrêtés de réquisition de stations-service, réservées aux usagers dits prioritaires, [avaient à cette date] été abrogés ». Et d’ajouterque « les difficultés sur l’accès aux stations-service pour les professionnels du service à domicile, liées à la réquisition de stations, se [trouvaient] donc, pour leur très grande majorité, levées ».
Mais si le courrier ministériel détaille le nombre de stations débloquées, pas de mention sur la possibilité donnée aux SAAD de demander à la préfecture d’être reconnues comme prioritaires. Ce que, dans les faits, ils peuvent faire, comme l’a indiqué l’Union nationale ADMR à ses adhérents, se fondant sur l’expérience de la fédération du Loiret. Sa directrice, Marie-Emmanuelle Matet, explique en effet avoir déjà été confrontée, en 2010, à une crise de l’approvisionnement de carburant : « Nous avions alors pris contact avec la préfecture qui, à l’époque, avait accepté de nous référencer dans la liste des services prioritaires. » Elle a donc à nouveau sollicité les services de l’Etat qui lui ont confirmé que depuis sa précédente demande, les SAAD faisaientpartie des services prioritaires.Marie-Emmanuelle Matet souligne cependant que « cela relève de la seule décision du préfet », l’exemple du Loiret n’étant pas nécessairement représentatif de tous les autres départements.
Plus que de graves difficultés, la pénurie d’essence a surtout suscité beaucoup d’inquiétudes et entraîné des contraintes supplémentaires pour les salariés des SAAD. « Depuis 15 jours, il y a un certain nombre de stations qui ferment car elles ne sont pas réapprovisionnées, avant de réouvrir le lendemain parce qu’elles le sont à nouveau. La conséquence directe, c’est qu’il faut anticiper les difficultés de réapprovisionnement et prendre son mal en patience car les stations sont prises d’assaut », témoigneGeoffroy Verdier, directeur de l’association Aide à domicile pour tous, en Loire-Atlantique (ADT 44), interrogé le 30 mai. « C’est surtout une situation particulièrement inconfortable pour les aides à domicile : celles-ci travaillent quatre à cinq heures par jour auprès des usagers sur une amplitude horaire de 11 heures, auxquelles il faut rajouter le temps pour aller faire le plein. Ce qui constitue aussi du stress supplémentaire… » Geoffroy Verdier indique cependant ne pas avoir dû recourir à la priorisation des usagers des SAAD, dispositif qui existe depuis la pandémie grippale de 2009. Il confie par ailleurs quelques anecdotes, comme ce pompiste de Nantes qui accepte de servir les aides à domicile comme les personnels d’urgence, ou certains de ces usagers qui ont appelé l’association pour dire qu’ils comprenaient si leur auxiliaire de vie ne pouvait pas exceptionnellement venir à leur domicile. « Certaines salariées ont aussi restreint leurs propres déplacements pour assurer leur tournée », ajoute-t-il.
Pascale Rivory, déléguée régionale de l’UNA Rhône-Alpes, indique de son côté que sur 24 structures de la région (sur 82 adhérents) ayant répondu à un mini-questionnaire sur le fait de savoir si elles avaient eu des difficultés, deux ont indiqué avoir rencontré des soucis importants et ont dû modifier le planning de leurs tournées et une a annulé des interventions. Elle précise par ailleurs que quatre services sont prioritaires car ils ont également des activités de soins infirmiers à domicile et que deux autres encore ont des accords spécifiques avec des stations-service. « Globalement ça s’est bien passé », résume-t-elle.
Mais dans le cas d’une pénurie durable, la question de la reconnaissance des SAAD en tant que services prioritaires devrait être tranchée par les services de l’Etat : « Pour beaucoup de nos usagers, ne pas avoir l’intervention de leur auxiliaire n’est pas envisageable, cela relève de l’urgence », insiste Laurent Dallongeville, directeur de l’association BSA (Bourg solidarité actions) dans la Drôme. Une reconnaissance qui a, en outre, d’autres vertus, comme l’explique Marie-Emmanuelle Matet : elle est à la fois « rassurante » pour les salariés des SAAD mais également « réconfortante » : « C’est important pour l’image de nos services car cela montre qu’ils sont reconnus comme étant essentiels. »