Quelles sont les plus-values des ateliers santé ville (ASV) pour les habitants, les professionnels et les politiques publiques ? Quinze ans après le lancement de ce dispositif qui vise à réduire les inégalités sociales de santé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, la Plateforme nationale de ressources des ateliers santé ville s’est attelée, en 2015, à un travail de « capitalisation » des démarches locales, qui vient de déboucher sur la publication d’un rapport d’analyse et de récits d’expériences(1).
Créés par le Comité interministériel des villes en décembre 1999, les ASV ont une fonction de coordination et de mobilisation des acteurs locaux dont l’intervention sur un territoire, dans le domaine de l’action sociale, de la prévention, de l’éducation ou de l’urbanisme, a des incidences sur les questions de santé. A partir de l’identification des besoins, ils visent à développer, dans une dynamique partenariale, des programmes locaux de santé publique, tout en favorisant la participation de la population. Cofinancés par l’Etat et les collectivités locales, les ASV sont des outils de mise en œuvre opérationnelle du volet « santé » des contrats urbains de cohésion sociale et s’inscrivent dans les priorités des programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins.
A partir d’un questionnaire en ligne adressé aux quelque 270 coordonnateurs existant sur le territoire (en métropole et outre-mer), puis d’entretiens, 51 ASV ont participé au recueil d’expériences entrepris par la Plateforme nationale de ressources. L’analyse des matériaux ainsi réunis a permis de mettre en lumière les effets produits par les projets ainsi que les « bonnes pratiques » du terrain.
« Plus que la participation des habitants aux processus décisionnels, l’appropriation de la notion de santé communautaire par les ASV réside dans le fait que l’individu est considéré en tant que sujet, et non comme l’objet de l’action », explique le rapport. Ainsi, « le projet est défini en commun avec des habitants qui participent au diagnostic et peuvent coconstruire des interventions qui sont alors ajustées en fonction de leurs retours et besoins ». Leur implication dans des actions de promotion de la santé peut « les aider à devenir collectivement autonomes et à prendre eux-mêmes en charge » cette action, note encore le document. Tout en précisant néanmoins que la participation des habitants à toutes les étapes du projet est difficile à engager dans un certain nombre de territoires, faute de volonté politique et d’outils adaptés. Alors que les actions sont axées sur la promotion de la santé et le bien-être, et pas seulement sur le dépistage, la prévention et le traitement des troubles ou pathologies, la sensibilisation, la formation et une meilleure coordination des acteurs de proximité contribuent directement à améliorer le service proposé aux populations. C’est ce que montre, entre autres expériences, le développement d’un réseau d’acteurs sur la périnatalité à Matoury (Guyane), qui associe plusieurs types de professionnels (sage-femme, diététicien, ostéopathe…) Il en est de même pour le principe de l’« aller vers », qui a conduit, par exemple, l’ASV de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) à organiser, en partenariat avec la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie), la Carsat (caisse d’assurance retraite et de la santé au travail), le centre d’examen de santé de Loire-Atlantique et les maisons de quartier, des « forums santé bien-être itinérants » sur des sites non institutionnels, comme un lieu de distribution alimentaire, dans l’objectif de « capter » le public « invisible » pour les institutions.
En promouvant une approche globale, les ASV sollicitent non seulement des acteurs du soin, mais aussi des travailleurs sociaux, des personnels éducatifs, des bailleurs sociaux, voire des commerçants, souligne le rapport. Cette mise en réseau leur permet de « mieux connaître les missions des uns et des autres, les possibilités et les contraintes de chacun ». Ainsi, à Eragny-sur-Oise (Val-d’Oise), la connaissance préalable des acteurs entre eux, « grâce au lien fait par l’ASV depuis une dizaine d’années, a permis l’organisation rapide d’animations autour de la nutrition », à destination des jeunes d’une maison de quartier. Les ASV permettent aussi de diffuser une culture commune et de structurer les échanges au sein de groupes de professionnels, notamment par le biais de formations : à Cherbourg (Manche), l’ASV a initié une formation de différents publics (travailleurs sociaux, animateurs, infirmiers, accompagnateurs d’un groupe d’entraide mutuelle…) à un outil de repérage de la précarité par l’observation de l’hygiène.
Outre une plus-value pour les habitants et les professionnels, les ASV ont un effet positif sur les politiques publiques et les institutions : « En menant un diagnostic local partagé et en s’inscrivant dans le territoire de proximité, l’ASV a une capacité d’observation et de veille des problématiques santé des quartiers prioritaires. Il peut alors assurer une mission d’alerte, grâce à son positionnement à l’intersection entre les professionnels de terrain et les institutions locales », précise le rapport. Il a également une fonction de « mobilisation, voire d’interpellation des professionnels et de leurs institutions ». La démarche encourage également une mise en synergie des politiques locales de santé : « ainsi, de nombreux ASV ont été préfigurateurs de contrats locaux de santé [CLS] ou de conseils locaux en santé mentale ». Par l’action de l’ASV, « des CLS se sont orientés vers l’objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, comme à Narbonne, Montreuil, Saint-Nazaire… Cela assure une complémentarité entre le travail au long cours de l’ASV et la programmation du CLS qui engage, a minima, la collectivité signataire et l’agence régionale de santé. » Ils s’inscrivent également dans une « dynamique de programmation » en partant « d’un microproblème local pour mobiliser des acteurs et développer un projet plus large et global ». Si l’ASV « apporte des éléments de réponses à un diagnostic de santé partagé, son impact va bien au-delà, relève le rapport dans sa conclusion. La coordination permet de réunir une pluralité d’acteurs et de décloisonner des champs professionnels. L’intersectorialité devient alors une réalité ».
(1) Capitalisation des démarches ateliers santé ville – Des savoirs issus des pratiques professionnelles pour la promotion de la santé – Réalisé avec le soutien financier de l’INPES - Disponible sur