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Pour la Cour des comptes, l’organisation et le fonctionnement des SPIP sont à revoir

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« Les lois pénales adoptées ces dernières années ont toutes eu pour objectif de favoriser la réinsertion des condamnés et de prévenir la récidive au moyen d’une individualisation des peines. Pourtant, le dispositif en vigueur comporte encore de nombreuses failles ou faiblesses, et le suivi et la prise en charge des personnes condamnées manquent parfois de cohérence et de continuité. » Telle est l’opinion de la Cour des comptes qui, dans un référé adressé le 22 mars dernier au garde des Sceaux, lui soumet ses propositions pour mieux soutenir les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), aux premières loges de la prise en charge des condamnés. Des propositions auxquelles Jean-Jacques Urvoas a répondu dans un courrier du 20 mai(1).

Renforcer le pilotage des SPIP

Pour la Haute Juridiction financière, les SPIP ne sont « pas suffisamment pilotés ni aidés par leur hiérarchie interrégionale ». En effet, explique-t-elle, la charge de travail des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) « s’est alourdie, nuisant souvent à la qualité de la prise en charge des personnes condamnées et aux relations avec les magistrats ». Et la cour regrette que cette charge de travail n’ait jamais été évaluée. Aussi recommande-t-elle de « définir des outils de mesure de la charge de travail des SPIP à partir de référentiels précis et [de] procéder, sur cette base, à une meilleure allocation des moyens, tant en personnels de probation qu’en personnels administratifs ». Une recommandation anticipée par le ministère de la Justice, qui précise qu’un outil de pilotage automatisé – le rapport « Chiffres-clés du SPIP » –, accessible depuis janvier dernier, retrace les données représentatives de l’activité des services, le nombre de personnes et de mesures suivies ou la durée moyenne de prise en charge. Toutefois, prévient-il, « il constitue la première version d’un tableau de bord commun à tous les SPIP, son contenu ayant vocation à être enrichi par la suite ».

« Si le caractère départemental des SPIP est cohérent avec les conditions d’exercice de leurs missions, la pertinence de leurs implantations territoriales (antennes et permanences délocalisées) mérite d’être réexaminée au regard des contextes locaux, des avantages procurés par la proximité des personnes placées sous main de justice, des exigences de pluridisciplinarité des équipes et du coût de chaque type de configuration », souligne encore la Cour des comptes, constatant que 11 implantations administratives de SPIP ne comptent que cinq agents et 18 autres entre un et quatre agents. « Certains des 169 sites pourraient [donc] sans nul doute être fusionnés. » A cela s’ajoute la « diversité des organisations internes, qui, selon elle, n’est pas toujours justifiée par des spécificités locales, ne facilite ni l’homogénéité des pratiques professionnelles ni la lisibilité de l’action de ces services sur le territoire. Il en va ainsi de la priorité parfois excessive donnée à une répartition du suivi des personnes condamnées par type de mesure, qui aboutit à morceler la prise en charge. » C’est pourquoi la cour suggère d’élaborer des schémas-types d’organisation qui permettraient de « réduire cette disparité au strict nécessaire », les directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) veillant à la cohérence de leur mise en œuvre. Là encore,la chancellerie avait pris les devants en lançant desréflexions sur un référentiel des pratiques opérationnelles sur l’organisation et l’évaluation de l’activité des SPIP, qui devraient aboutir « d’ici à fin mars 2017 ». Ce document s’attardera notamment sur la répartition des emplois, qui se fonde jusqu’à présent sur des ratios théoriques de charge d’activité(2). Ces derniers y seront affinés, en prenant en compte d’autres critères liés à la spécificité de chaque territoire (organisation judiciaire, maillage institutionnel local, profil des personnes suivies, accessibilité des services…).

Le référé souligne par ailleurs que « de nouveaux efforts doivent être déployés […] afin de rendre plus opérationnelles les formations dispensées à des élèves dont le cursus antérieur et les aspirations profondes ne s’accordent pas toujours avec la tâche qui les attend ».

Développer les partenariats

Par ailleurs, les SPIP ont encore des relations « tendues ou trop distanciées » avec leurs partenaires judiciaires et pénitentiaires, ce qui peut conduire à une rupture dans le suivi d’un condamné lors de sa sortie de prison ou à l’occasion d’un aménagement de peine. Leurs partenariats avec les administrations et les associations sont en outre « fragmentés ». Sur le terrain, « les SPIP peinent à dégager des compétences et des moyens pour relayer cette politique ministérielle [de développement des partenariats] ». D’après la Cour des comptes, les SPIP attendent du niveau national ou des DISP une mutualisation des bonnes pratiques, mais aussi un soutien plus fort sur des points essentiels comme la déclinaison territoriale des politiques (accès au logement, aux droits sociaux, à la formation professionnelle et à l’emploi, à la culture), l’appréciation des besoins du service, la détection des ressources locales mobilisables ou encore le financement des partenaires. La faible visibilité des SPIP dans le tissu institutionnel local et la faiblesse de certaines structures associatives sont également des facteurs qui invitent à « clarifier les rôles respectifs et les priorités des SPIP, des établissements pénitentiaires et des associations partenaires ».

Mieux adapter les pratiques et les outils

« Si le savoir-faire et l’engagement des acteurs sont souvent remarquables, note la Haute Juridiction, la complexité des procédures, l’absence de référentiels, l’hétérogénéité des pratiques et l’inadaptation de certains outils sont porteurs tant d’interrogations que de risques sur l’effectivité de la prise en charge et le sens de la peine. » Par exemple, illustre-t-elle, le parcours d’exécution des peines, animé par les CPIP, « n’est pas encore déployé dans l’ensemble des établissements pour peine ». En outre, précise-t-elle, l’efficacité de cette prise en charge est « tributaire de l’adhésion du détenu à son contenu et surtout des possibilités d’activités diverses offertes par l’établissement. Or l’activité en détention est [notamment] limitée par la faiblesse des offres existantes et la configuration des locaux. » Même constat en ce qui concerne le développement de la formation professionnelle qualifiante, qui « marque le pas et sera désormais tributaire de l’engagement des régions, compétentes en ce domaine ».

« En dehors de la prison, la prise en charge des condamnés, qui repose pour l’essentiel sur l’expérience et les convictions de chaque CPIP, reste très hétérogène », relève aussi la Cour des comptes, qui regrette l’« absence générale d’évaluation initiale, complète et objective du condamné ». Elle invite, par exemple, la chancellerie à clarifier les méthodes d’intervention des SPIP et à généraliser la pratique du suivi différencié et d’une formalisation obligatoire, par les CPIP, de chaque plan de suivi. A la suite de l’échec du diagnostic à visée criminologique(3), la direction de l’administration pénitentiaire a, depuis 2014, expérimenté plusieurs outils d’évaluation des condamnés, répond Jean-Jacques Urvoas, qui assure qu’elle « décidera dans les prochaines semaines du déploiement d’un ou plusieurs d’entre eux ». Parallèlement, précise-t-il, un référentiel de la méthodologie de l’intervention des SPIP sera diffusé « avant la fin de l’année » et accompagné d’un plan de renforcement de la formation, notamment de la formation continue des CPIP.

Enfin, « si l’introduction des programmes de prévention de la récidive a permis une diversification des modalités de la prise en charge », reconnaît la cour, ils demeurent toutefois « insuffisamment professionnalisés », en raison d’un « recours limité à de véritables experts des thématiques choisies, [de la] lourdeur de leur organisation qui dépend de la mobilisation des personnels ». En outre, déplore-t-elle, « ils se réduisent souvent à de simples groupes de parole, tributaires de la présence volontaire des participants et de l’animation d’un CPIP intéressé par la démarche ».

La Haute Juridiction s’est aussi interrogée sur la pertinence et l’efficacité des aménagements de peine. Par exemple, a-t-elle noté, la surveillance électronique apparaît « parfois davantage comme un moyen de réguler la surpopulation carcérale que comme le vecteur d’un projet de réinsertion ». Le placement à l’extérieur, lui, « se heurte à la rareté des places proposées par un secteur associatif fragile ». Il y a même de la « désaffection » à l’égard de certains aménagements de peines, reconnaît Jean-Jacques Urvoas, qui indique qu’il va donc confier à l’inspection générale des services judiciaires une mission visant à apprécier l’efficience du dispositif de suivi statistique des aménagements de peine mis en place, à dresser un état des lieux statistiques des mesures d’aménagement de peine hors et sous écrou et à recenser les facteurs propices ou faisant obstacle à la mise en œuvre des aménagements de peine, de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte. Ses conclusions sont attendues pour le 20 juillet prochain au plus tard.

Notes

(1) Le référé ainsi que la réponse de la chancellerie sont disponibles sur www.ccomptes.fr.

(2) Ces ratios de charge d’activité par équivalent temps plein (ETP) pour les CPIP ont été définis en 2011 par les inspections générales des services judiciaires et des finances : 86 condamnés par ETP en milieu ouvert et 73 en milieu fermé, soit une moyenne théorique de 82 ETP.

(3) Il s’agit d’un outil d’évaluation des condamnés qui devait permettre d’affiner leur prise en charge – Voir ASH n° 2733 du 18-11-11, p. 26.

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