Mieux vaut tard que jamais. Deux décrets viennent – enfin – traduire sur le plan réglementaire la réforme de la domiciliation des personnes sans domicile stable, prévue par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR)(1). Ils sont entrés en vigueur le 22 mai.
Pour mémoire, la loi « ALUR » a procédé à l’harmonisation des règles relatives à la domiciliation généraliste et de celles relatives à la domiciliation liée à la demande d’aide médicale de l’Etat (AME), en prévoyant que les personnes qui ont droit à l’AME et se trouvent sans domicile fixe doivent, pour bénéficier de cette aide, élire domicile dans les conditions relatives au dispositif généraliste de la domiciliation. Un dispositif résumé en une formulation à l’article L. 261-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) : pour prétendre au service des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles – y compris, désormais, l’AME –, à l’exercice des droits civils, ainsi qu’à la délivrance d’un titre national d’identité, à l’inscription sur les listes électorales ou à l’aide juridictionnelle, les personnes sans domicile stable doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale (CCAS ou CIAS), soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.
Le premier décret abroge ainsi les dispositions relatives au dispositif spécifique de domiciliation pour les bénéficiaires de l’AME et opère un renvoi vers le dispositif de domiciliation généraliste pour les domiciliations sollicitées en vue d’une demande d’aide médicale de l’Etat. Le second décret définit, pour sa part, ce nouveau régime unique de domiciliation, apportant au passage un certain nombre d’aménagements réglementaires par rapport à l’existant.
Sans changement, l’élection de domicile est accordée pour une durée de un an. Première nouveauté : le décret renvoie à un arrêté le soin de fixer non seulement le modèle d’attestation de domicile (sans changement) mais aussi le modèle de formulaire de demande d’élection de domicile. Ce formulaire devra préciser l’identité du demandeur et de ses ayants droit, la date du dépôt de la demande ainsi que le nom et l’adresse de l’organisme auprès duquel la demande a été effectuée. Les CCAS, CIAS ou organismes agréés devront en accuser réception et y répondre dans un délai fixé à deux mois.
Sans changement, en cas d’acceptation de la demande, une attestation d’élection de domicile sera remise aux intéressés. Elle devra préciser notamment le nom et l’adresse de l’organisme agréé ou du centre communal ou intercommunal d’action sociale, en plus de la date de l’élection de domicile et de sa durée de validité.
Le décret modifie la liste des organismes pouvant être agréés aux fins de recevoir les déclarations d’élection de domicile. Les centres d’accueil des demandeurs d’asile n’y figurent plus et elle comprend dorénavant :
→ les organismes à but non lucratif qui mènent des actions contre l’exclusion ou pour l’accès aux soins (sans changement) ;
→ les établissements ou services comportant ou non un hébergement, assurant l’accueil, notamment dans les situations d’urgence, le soutien ou l’accompagnement social, l’adaptation à la vie active ou l’insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse (sans changement) ;
→ les organismes d’aide aux personnes âgées mentionnés à l’article L. 232-13 du CASF – centres locaux d’information et de coordination, services d’aide à domicile… (sans changement) ;
→ les centres d’hébergement d’urgence relevant de l’article L. 322-1 du code de l’action sociale et des familles, les établissements de santé et les services sociaux départementaux.
A noter : les personnes hébergées de manière stable au sein des organismes de la liste et qui peuvent y recevoir leur courrier sont dorénavant « réputées y être domiciliées sans que l’organisme n’ait besoin d’obtenir un agrément à ce titre ».
Les organismes agréés s’engagent, pour obtenir leur agrément, à respecter un cahier des charges arrêté par le préfet de département. Ce document fixe les obligations auxquelles ils doivent satisfaire. Parmi ces obligations figurait, jusqu’à présent, celle d’informer une fois par mois les départements et les organismes de sécurité sociale concernés des décisions d’attribution et de retrait d’élection de domicile. Le décret supprime cette obligation.
Autre nouveauté : l’agrément est délivré pour une durée maximale de cinq ans, et non plus trois ans. Il peut, en outre, être retiré dorénavant à la demande de l’organisme. Sans changement, il peut l’être également en cas de non-respect du cahier des charges mais, dans ce cas, le préfet qui a procédé à ce retrait doit désormais en informer les préfets des autres départements de la région.
Plus globalement, organismes agréés comme CCAS ou CIAS ont dorénavant l’obligation de transmettre chaque année au préfet de département un bilan de leur activité de domiciliation comportant notamment :
→ le nombre d’élections de domicile en cours de validité et le nombre de personnes domiciliées au 31 décembre de l’année écoulée ;
→ le nombre d’élections de domicile délivrées dans l’année ainsi que le nombre de radiations et de refus avec leurs principaux motifs ;
→ les moyens matériels et humains dont dispose l’organisme ou le centre d’action sociale pour assurer son activité de domiciliation (sans changement) ;
→ pour les seuls organismes agréés, les conditions de mise en œuvre du cahier des charges (sans changement) ;
→ les jours et horaires d’ouverture.
L’organisme qui assure la domiciliation y met fin lorsque, pendant plus de trois mois consécutifs, l’intéressé ne s’est pas présenté ou à défaut – et c’est une nouveauté – n’a pas contacté l’organisme agréé ou le CCAS/CIAS, sauf si cette absence de manifestation est justifiée par des raisons de santé ou de privation de liberté (les « raisons professionnelles » ne sont plus considérées comme un motif valable). A cette fin, l’organisme doit tenir à jour un enregistrement des contacts avec l’intéressé.
Parmi les autres aménagements réglementaires, on retiendra notamment que l’organisme indiqué par l’attestation d’élection de domicile est tenu de répondre aux organismes payeurs des prestations sociales s’ils souhaitent s’assurer qu’une personne est bien domiciliée chez lui.
Il est par ailleurs désormais précisé que, dans le cadre du dispositif de veille sociale et pour s’assurer de la couverture des besoins sur l’ensemble du territoire, le préfet de département doit rédiger, sous la coordination du préfet de région, un schéma départemental de la domiciliation qui constitue une annexe du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées.
Enfin, le décret prévoit que les cahiers des charges arrêtés par le préfet de département et mis à jour en application de la loi « ALUR » doivent être publiés au recueil des actes administratifs de la préfecture au plus tard le 1er septembre 2016. Les organismes titulaires d’un agrément délivré avant l’entrée en vigueur du cahier des charges ainsi mis à jour peuvent continuer de recueillir des demandes d’élection de domicile(2). En l’absence de demande d’un nouvel agrément fondée sur le nouveau cahier des charges, les agréments ainsi maintenus en vigueur seront caducs au 1er mars 2017.
Les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale peuvent refuser l’élection de domicile des personnes sans domicile stable qui en font la demande s’ils estiment qu’elles ne présentent aucun lien avec la commune ou le groupement de communes. Elles doivent dans ce cas motiver leur décision.
Un décret – entré en vigueur le 22 mai – élargit et précise les critères objectifs qui fondent l’existence d’un tel lien. Sont ainsi dorénavant considérées comme ayant un lien avec la commune ou le groupement de communes « les personnes dont le lieu de séjour est le territoire de la commune ou du groupement de communes à la date de demande d’élection de domicile, indépendamment du statut et du mode de résidence ». Auparavant, les textes visaient les personnes « installées sur le territoire » de la commune ou du groupement de communes. Les personnes qui ne remplissent pas cette condition peuvent néanmoins être considérées comme ayant le lien exigé dès lors qu’elles satisfont à l’une des conditions suivantes :
• y exercer une activité professionnelle ;
• y bénéficier d’une action d’insertion ou d’un suivi social, médico-social ou professionnel ou avoir entrepris des démarches à cet effet ;
• présenter des liens familiaux avec une personne vivant dans la commune ;
• exercer l’autorité parentale sur un enfant mineur qui y est scolarisé.
(2) Les attestations d’élection de domicile délivrées demeureront valables pour la durée qu’elles mentionnent.