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Accompagner des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer

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Une enquête de la Fondation Médéric-Alzheimer éclaire les difficultés éthiques particulières que pose l’exercice de mesures de protection auprès de personnes atteintes de troubles cognitifs chroniques et évolutifs.

Une part non négligeable des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés bénéficie d’une mesure de curatelle ou de tutelle(1). Dans un grand nombre de cas, ces mesures sont exercées par des professionnels d’un service ou d’une association tutélaire. Pour appréhender la complexité de leurs missions, la Fondation Médéric-Alzheimer a procédé à une enquête en 2014(2). En réponse à une question ouverte posée à la fin du questionnaire, 123 mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) – sur un total de 546 répondants – ont décrit les problèmes éthiques ou déontologiques qu’ils rencontrent le plus souvent dans le cadre de leurs accompagnements.

Des pratiques peu respectueuses

En premier lieu, une dizaine de délégués indiquent être parfois témoins, chez des professionnels s’occupant de malades protégés, de pratiques qui portent atteinte aux droits et aux libertés de ces derniers, explique Fabrice Gzil, responsable du pôle « études et recherche » de la Fondation Médéric-Alzheimer(3). « J’ai pu constater que les soins dispensés aux personnes âgées souffrant de la maladie d’Alzheimer ne sont pas toujours adaptés à leurs capacités et surtout au respect de la personne », souligne un délégué. Il faut, en particulier, prendre garde aux comportements infantilisants, précise un autre. Ces remarques montrent que, au fondement de la réflexion éthique, « il y a souvent une indignation, une inquiétude, un sentiment de scandale, d’injustice, de malaise ou d’inconfort par rapport à des pratiques », commente Fabrice Gzil. Mais, s’il leur revient d’être attentifs au respect de la personne protégée et de ses droits, les MJPM ne peuvent être tout le temps présents auprès d’elle. Aussi ont-ils également le souci d’entretenir les meilleures relations possibles avec les autres intervenants, pour qu’elle soit prise en charge dans de bonnes conditions.

Un autre problème pointé par une vingtaine de répondants est de recueillir l’avis ou le consentement de la personne protégée sans la mettre en situation de stress. De nombreuses décisions à prendre sont très personnelles (choix des vêtements à acheter pour une personne en maison de retraite, dispositions à prendre en cas de décès), et certaines ont de plus des conséquences importantes (choix du lieu de vie, décision concernant un acte médical lourd et invasif). Le mandataire peut d’abord avoir des difficultés pour communiquer avec la personne, de sorte qu’il peine à savoir ce qu’elle souhaite. Ensuite, il arrive que cette dernière donne son consentement, mais que lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre la décision, elle ne se souvienne plus ni des explications fournies, ni de l’option qu’elle a approuvée. Même si, « au moment de lui faire signer les documents, [la personne] comprend et a conscience, je ne suis pas à l’aise car je sais que, dans les minutes qui suivent, elle a oublié », note une MJPM. En outre, certains mandataires ont le sentiment que les efforts qu’ils déploient pour associer l’intéressé aux décisions créent parfois chez lui de l’anxiété, de la confusion ou de la tristesse. « Lors des entrevues à domicile, la personne souhaite exprimer des choses et ne parvient plus à les verbaliser. J’ai l’impression de la confronter un peu plus à la maladie qui l’envahit », témoigne un répondant. A cet égard, « un respect purement formel des recommandations de bonnes pratiques sur la participation des personnes protégées à la mise en œuvre de la mesure peut détourner ces préconisations de leur visée », estime Fabrice Gzil, qui invite à s’interroger sur la façon de leur « donner un sens ».

Un troisième type de questionnement, mis en avant par une dizaine de délégués, est relatif au fait de déterminer quelles décisions la personne est capable de prendre seule. Les MJPM sont confrontés à l’aggravation lente des troubles cognitifs, mais aussi à la fluctuation des capacités de la personne, et ils se demandent comment traduire dans la réalité le principe de respect de sa volonté et de son autonomie. Ultérieurement, quand le malade n’est plus apte à donner son avis et à faire des choix, les délégués ont souvent bien du mal à savoir ce qu’il convient de décider. Cette question est, pour un quart des répondants, le problème le plus épineux rencontré dans leur accompagnement. « Le risque est de prendre des décisions qui nous semblent le plus adaptées, mais qui, en réalité, ne conviennent pas à la personne », fait remarquer un MJPM. Lorsqu’ils ont à décider pour le majeur protégé, les professionnels recourent à deux moyens, détaille Fabrice Gzil : « Le premier consiste à se demander quelle décision correspond le mieux à l’intérêt subjectif de la personne – et non pas à l’intérêt objectif de n’importe quelle personne de cet âge ; le second est d’échanger avec le personnel soignant, la famille, les collègues de travail. » C’est la décision afférente au maintien à domicile qui se révèle la plus délicate pour près de la moitié des MJPM. Diverses raisons – dont les risques de mise en danger de la personne, mais aussi le coût de la prise en charge à domicile – amènent les MJPM à s’interroger sur l’opportunité d’une entrée en établissement. Quand la personne est réticente, voire s’oppose à ce projet, la difficulté est de mettre en balance sa liberté et sa protection. Ce choix, commente un délégué, « peut relever d’un vrai cas de conscience ».

Notes

(1) De 10 à 20 % à domicile, entre 30 % et 40 % en établissement.

(2) Cf. La Lettre de l’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer n° 33-34 – Octobre 2014.

(3) Lors du colloque sur « La protection juridique des majeurs : le défi de l’éthique » organisé le 10 mars dernier à Paris par la Fédération nationale des associations tutélaires – contact@fnat.fr.

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