Une satisfaction, bien que partielle. Les acteurs de la protection des enfants se félicitent de la suppression par les députés, le 18 mai, dans le cadre de l’examen parlementaire du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, des tribunaux correctionnels pour mineurs. Lesquels ont été créés en 2011(1) pour les plus de 16 ans récidivistes ayant commis des délits passibles d’au moins trois ans de prison.
Face aux contestations venues de l’opposition, cette suppression introduite par les députés en commission des lois a été défendue par le garde des Sceaux, qui a argué de « raisons organisationnelles et pratiques, puisque les résultats attendus ne sont pas confirmés, et surtout […] idéologiques ». Avec ces instances, l’organisation des juridictions a été complexifiée, avec la mobilisation de magistrats non spécialisés, ce pour un « volume de contentieux ridiculement faible », a-t-il fait valoir. Au total, a indiqué Jean-Jacques Urvoas, de 2011 à 2014, 1 016 décisions ont été prises par les tribunaux correctionnels pour mineurs. Sur le plan des principes, le gouvernement est attentif « à donner la primauté à l’éducation pour combattre la délinquance des mineurs », a-t-il ajouté.
La CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant) se réjouit de la disparition de ces tribunaux, que François Hollande avait promis de supprimer dès le début du quinquennat. « En voulant aligner le traitement des majeurs sur celui des mineurs, le gouvernement d’alors remettait en cause par effet la majorité pénale », souligne dans un communiqué Fabienne Quiriau, directrice générale de la fédération. Elle se satisfait donc de cette mesure « qui ramène au respect du principe de primauté de l’éducatif sur le répressif appliqué aux mineurs », tout en regrettant qu’elle n’ait pas été intégrée à une réforme globale de l’ordonnance du 2 février 1945, également promise par le chef de l’Etat. Si le vote des députés est un « signal positif », estime pour sa part l’Unicef France, « les défenseurs des droits des enfants peuvent déplorer le fait que la grande réforme de l’ordonnance de 1945 soit enterrée. Elle devait redonner toute sa place à ce texte majeur et déterminant de la justice pénale des enfants et adolescents en France ».
Alors que le texte préparé sous la houlette de Christiane Taubira avant sa démission du gouvernement, en janvier dernier, n’est plus inscrit au calendrier politique, le garde des Sceaux a affirmé, dans l’édition du 16 mai de Ouest France, qu’il souhaitait « présenter un texte devant le conseil des ministres ». « Même si Jean-Jacques Urvoas dit qu’elle est à l’arbitrage interministériel, la réforme ne verra pas le jour », pronostique Natacha Grelot, cosecrétaire nationale du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU. Les reports successifs de la réforme et l’absence de fenêtre de tir avant l’élection présidentielle sont en effet des signaux peu favorables, auxquels s’ajoutent « des dispositions sur la justice des mineurs contenues dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle, sans cohérence et sans remise en cause de la philosophie actuelle », souligne-t-elle. Outre la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, plusieurs dispositions tendent en effet à apporter quelques retouches à l’ordonnance de 1945. Le projet de loi rétablit la possibilité pour le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de prononcer à la fois une condamnation pénale et des mesures éducatives. Les députés ont aussi voté l’interdiction de la peine de réclusion criminelle à perpétuité « à l’encontre d’un mineur de 18 ans » au regard du respect de la Convention internationale des droits de l’enfant. Par ailleurs, un amendement, adopté contre l’avis du gouvernement, qui y a opposé des raisons budgétaires, vise à rendre obligatoire la demande par le mineur de plus de 13 ans d’être assisté par un avocat en cas de garde à vue. Et le mineur devrait, selon les députés, être informé de cette « assistance obligatoire ». Dans le cadre de la césure du procès pénal, le texte allonge à un an au maximum (au lieu de six mois) le délai entre la première décision d’ajournement et la décision sur la mesure éducative, la sanction éducative ou la peine. Le projet de loi restaure également la convocation par officier de police judiciaire devant le juge des enfants aux fins de jugement, que la loi du 10 août 2011 avait supprimée pour privilégier dans ce cadre le passage devant le tribunal pour enfants. Autre disposition, qui fait moins l’unanimité : la possibilité donnée aux magistrats de « requérir directement la force publique pour faire exécuter » les décisions de placement. Quoi qu’il en soit, les modifications proposées dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle sont « en deçà d’une réforme de la justice des mineurs que nous soutenons », estime également Marie-Pierre Hourcade, présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, qui devrait plaider auprès du garde des Sceaux pour l’aboutissement d’une réforme globale.
(1) Par la loi « Mercier » du 10 août 2011 relative à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs – Voir ASH n° 2718 du 15-07-11, p. 5 et n° 2721 du 26-08-11, p. 18.