Le 30 mai, à l’occasion d’une assemblée générale extraordinaire, le CREAI (centre régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité) Bourgogne-Franche-Comté verra le jour de façon formelle, nouvelles instances – bureau et conseil d’administration – à l’appui. Le 7 juin prochain, ce sera au tour des CREAI Rhône-Alpes et Auvergne de fusionner.
Petit à petit, le réseau de ces structures, qui ont à la fois un rôle d’observation, d’expertise et d’accompagnement en matière de politique sociale et médico-sociale, se met en harmonie avec la nouvelle carte des régions, issue de la réforme territoriale de janvier 2015 qui a réduit le nombre de régions de 22 à 13. Un mouvement que l’Association nationale des CREAI (Ancreai) souhaiterait voir aboutir d’ici la fin de l’année ou dans le courant du premier semestre 2017. Une réflexion a été engagée dans ce sens depuis plus d’un an, explique sa déléguée nationale, Annie Cadenel : « Avec l’entrée en vigueur de la réforme territoriale, les CREAI ont de nouveaux interlocuteurs, qu’il s’agisse des ARS [agences régionales de santé] ou des DRJCS [directions régionales de la jeunesse et de la cohésion sociale], et l’objectif est qu’ils puissent leur apporter une réponse coordonnée. »
Déjà, en 2012, quand la nouvelle carte des régions n’était pas encore d’actualité, l’Ancreai avait engagé un travail avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et lacaisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sur les missions des CREAI, qui avait donné lieu à l’actualisation de leur charte, dont la nouvelle version a été adoptée le 3 avril 2014, et à l’élaboration d’un cahier des charges, publié en avril 2015(1). Un document dans lequel « nous avions bien précisé qu’il y avait un CREAI par région et pris l’engagement d’ancrer les missions des centres dans l’ensemble des territoires. Quand la réforme a été annoncée, il fallait que l’on soit cohérent avec cela », précise la déléguée nationale. Depuis, dans les régions dont les périmètres ont été modifiés, les CREAI ont mis en œuvre des stratégies de rapprochement, avec des « solutions diverses qui se sont dessinées, selon les logiques d’acteurs existantes dans les territoires », souligne Annie Cadenel.
Il y a en effet quasiment autant de cas de figure que de territoires. Rien de comparable, par exemple, entre la situation en Auvergne-Rhône-Alpes, où vont fusionner deux CREAI très actifs, et celle observée en Champagne-Ardenne-Alsace-Lorraine, où le centre champenois se trouve seul à la manœuvre. « Dans certaines anciennes régions qui avaient perdu leur CREAI, nous avons mis en place des délégations Ancreai portées par les CREAI voisins », explique Annie Cadenel. C’est le cas en Lorraine, dont la délégation est pilotée depuis cinq ans par le CREAI Champagne-Ardenne. Son président, Alain Laurent, explique ainsi être dans une « situation un peu particulière », qui l’est devenue encore un peu plus au cours des six derniers mois. « Nous avons commencé à rencontrer nos homologues alsaciens il y a un an environ pour discuter de la formule la plus adaptée à un CREAI grande région, avant d’apprendre en octobre dernier qu’ils déposaient le bilan à la suite de la perte d’un appel d’offres qui constituait une part importante de leur activité, relate-t-il. Nous nous sommes donc retrouvés dans une région où nous n’avions plus de collègues. » Le choix a été fait, en concertation avec l’Ancreai, de recourir également au système de délégation en Alsace. « La présence d’une délégation permet d’avoir à nouveau un ancrage territorial et de récréer un noyau de partenaires, poursuit Alain Laurent. Nous sommes actuellement dans une phase de reconstruction des liens avec le terrain. » L’association CREAI Champagne-Ardenne est par ailleurs en train de modifier ses statuts pour permettre d’intégrer progressivement des représentants des territoires lorrain et alsacien.Les élections des nouvelles instances devraient être organisées au dernier trimestre pour un fonctionnement à partir de janvier 2017.
Ce scénario présente des similitudes avec celui qui se dessine en Bourgogne-Franche-Comté. Avec des nuances : « La particularité, c’est qu’il n’y a plus de CREAI en Franche-Comté depuis 1985 », explique Martine Landanger, directrice du CREAI Bourgogne, précisant que durant les 30 dernières années, sur la question de l’animation régionale dans le champ médico-social par exemple, d’autres acteurs ont pu apporter des réponses, comme l’institut régional du travail social. Le CREAI Bourgogne a, pour sa part, été sollicité de manière ponctuelle par l’ancienne DRASS et certaines associations de Franche-Comté.En revanche, ce n’est que depuis juin 2013 qu’il a été chargé d’animer la délégation Ancreai de Franche-Comté, celle-ci étant née à la suite du travail mené par l’association nationale avec la DGCS et la CNSA sur la couverture territoriale des CREAI. La réforme territoriale est venue encore modifier la donne, avec la naissance, le 30 mai prochain, du CREAI Bourgogne-Franche-Comté. « Après, il ne suffit pas juste de le décréter », relève Martine Landanger, qui explique que le rapprochement avec les acteurs de Franche-Comté a été engagé il y a deux ans. « Nous avons notamment réalisé des études pour la DRJCS et l’ARS là-bas, nous siégeons aussi à la conférence régionale de la santé et de l’autonomie de Franche-Comté, ce qui nous aide à nous imprégner de la “culture” locale. Nous avons également mis en place un groupe de travail avec certains de nos administrateurs bourguignons et des associations franc-comtoises pour appréhender les spécificités et les caractéristiques de l’ensemble du territoire. » De même, le CREAI Bourgogne a invité des acteurs de Franche-Comté à participer à ses 13 commissions de réflexion thématiques (sur les IME, les Sessad, les foyers de vie…) et organise ses réunions indifféremment sur l’un ou l’autre des deux territoires. « Enfin, dans le cadre de la révision de nos statuts, nous avons élargi le nombre de places dans le conseil d’administration pour l’ouvrir aux Franc-Comtois et nous reconfigurons aussi le bureau, qui passe de 9 à 13 membres », indique Martine Landanger. Les choses se font ainsi « progressivement » et il faut parfois vaincre certaines réticences d’associations qui considèrent le CREAI comme le bras armé de l’ARS. « Nous expliquons que nous ne sommes pas là pour porter la bonne parole des institutions mais pour éclairer les acteurs sur les améliorations à apporter au service des personnes accompagnées », argumente la directrice, en indiquant que les contacts sont, en règle générale, « plutôt positifs ».
Autre cas de figure, celui de l’Auvergne et de Rhône-Alpes. Là, le rapprochement a été d’autant facilité et naturel que « depuis 2011, nos équipes respectives travaillent déjà ensemble sur certaines études dans le cadre de la mission d’observation des CREAI », rapporte Eliane Corbet, directrice déléguée chargée du développement et des relations institutionnels de l’Association de groupement de moyens (AGM) qui regroupe depuis 2012 le CREAI Rhône-Alpes et le Centre du Rhône d’information et d’action sociale (CRIAS) Mieux vivre(2). « Ces travaux conjoints avec le CREAI Auvergne ont contribué à une connaissance et à une confiance réciproque, mais la réforme a donné un coup d’accélérateur à ce rapprochement qui existait sur le plan technique en le faisant passer à un niveau politique et associatif », poursuit Eliane Corbet. Les administrateurs des deux associations ont ainsi commencé à se réunir en septembre 2014 pour réfléchir à la forme que pourrait prendre un CREAI à l’échelle de la future grande région, un mouvement qui s’est accéléré dans le courant de l’année 2015. L’occasion de repenser et de refonder le projet associatif. Celui-ci « renforce l’ancrage territorial sur l’ensemble de la grande région et la pertinence de notre offre », détaille Eliane Corbet. En termes de représentativité, les nouveaux statuts prévoient que tous les départements, quelle que soit leur démographie respective, comptent le même nombre de représentants. Un choix délibéré, permettant de mettre sur un pied d’égalité tous les territoires. Le rapprochement fonctionnel des équipes est pour sa part effectif depuis décembre 2015. Et si le nouveau CREAI compte toujours deux implantations, l’une à Lyon, l’autre à Clermont-Ferrand, c’est parce qu’il s’agit avant tout de « garder un ancrage territorial. Mais les conseillers techniques ont un champ d’action sur l’ensemble de la région », tient à préciser Eliane Corbet.
(1) Voir sur ce sujet notre « Décryptage » dans les ASH n° 2923 du 4-09-15, p. 32.
(2) Juridiquement, c’est avec AGM, qui permet une mutualisation des moyens humains, techniques et matériels, que le CREAI Auvergne a fusionné.