A l’occasion de ses journées nationales, du 28 mai au 5 juin, la Croix-Rouge française a rendu public son premier rapport annuel intitulé « Pacte pour la santé globale des plus vulnérables »(1), axé sur la santé « telle que définie par l’OMS », c’est-à-dire « un état de bien-être physique, mental et social et ne consistant pas seulement en une absence d’infirmité ou de maladie ».
Une enquête réalisée en 2015 dans les accueils « santé social » (AcSS) de l’association confirme les inégalités d’accès aux soins et de santé : 59 % des publics interrogés renoncent à des soins généralistes, contre 3 % dans la population générale, principalement pour des raisons financières. Ils sont 57 % à ne pas avoir de couverture médicale. La Croix-Rouge souligne la nécessité de prendre en compte dans les interventions « l’intégralité des parcours de vie » – que la précarité résulte d’une rupture professionnelle ou familiale soudaine, d’une maladie, d’un handicap ou d’une situation d’isolement, d’une histoire personnelle marquée dès l’enfance ou encore d’un parcours migratoire… « L’accès à la santé va bien au-delà de la question de l’accès aux soins », revendique-t-elle, estimant que l’accompagnement vers la santé nécessite « des partenariats étroits incluant les acteurs sociaux, médico-sociaux, sanitaires et culturels ». S’appuyant sur son expérience et les dispositifs qu’elle met en œuvre, elle rappelle plusieurs constats. Le premier : « Le non-accès à la santé est souvent aggravé par plusieurs facteurs, parmi lesquels la méconnaissance des dispositifs, l’impossibilité conjoncturelle ou permanente de comprendre leur complexité et leur complémentarité, ainsi que l’isolement géographique, social et culturel. » Un nombre croissant de personnes subit les effets de la « fracture médicale », ajoute l’organisation, le phénomène des disparités géographiques ne concernant pas seulement les médecins, mais aussi « une part importante des structures à vocation sociale et de santé ». De façon schématique, décrit-elle, « on peut tracer une quasi “diagonale de la désertification des offres de santé” qui traverse la France, allant des Ardennes jusqu’aux Landes, avec des régions au centre fortement touchées ». En outre, le phénomène « est souvent corrélé géographiquement avec celui de la fragilisation et de la précarisation des populations, ce qui ne fait qu’aggraver la situation des personnes concernées ».
Dans ses propositions, la Croix-Rouge recommande de « décloisonner les actions et les systèmes ». L’accompagnement doit « impérativement s’orienter vers plus de globalité, ce qui implique nécessairement l’examen de la situation des personnes dans son ensemble pour proposer des parcours d’accompagnement social, sanitaire et médico-social plus cohérents », précise-t-elle. Il faut aussi « essaimer la politique de l’“aller vers” pour les publics les plus invisibles », plaide l’association, en proposant notamment davantage de dispositifs mobiles de prévention et de soins de premier recours. Parce que le bénévolat contribue à ses yeux « à animer les territoires et à faire exister de véritables “veilles solidaires et citoyennes” de proximité », elle préconise une meilleure reconnaissance et une plus grande valorisation du statut de bénévole. « En plus d’être un observatoire, le tissu associatif est un laboratoire d’initiatives », ajoute la Croix-Rouge française, invitant à une plus grande considération du « caractère novateur » du secteur associatif.
L’organisation indique développer pour sa part plusieurs actions. Elle a décidé, « dès 2016, de se doter d’un observatoire pour porter un regard averti sur les situations des personnes à qui elle vient en aide ». Il a vocation à « développer une expertise en matière de collecte de données socio-économiques » et à analyser les parcours de vie des personnes accompagnées, afin d’identifier les facteurs de vulnérabilité et d’émettre des propositions. Autre ambition de l’association : mesurer l’utilité sociale de ses programmes par des enquêtes, en s’intéressant aux changements produits, « positifs ou négatifs, prévus ou non à court, moyen et long terme », pour toutes les parties prenantes. Par ailleurs, les directions régionales de la Croix-Rouge ont engagé des diagnostics afin de « travailler de manière précise sur les besoins territoriaux, tout en visant un renforcement global des synergies ». L’engagement dans des relations partenariales pourrait permettre à l’association d’apporter « sa pierre à l’édifice » de la diminution des déserts médicaux, fait-elle valoir.
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