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Etablissements psychiatriques : l’isolement et la contention dans la ligne de mire de la contrôleure des prisons

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S’il ne lui appartient pas d’apprécier la pertinence thérapeutique des mesures d’isolement et de contention prises dans les établissements de santé mentale, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté est néanmoins chargée de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées et soignées sans leur consentement. Le 25 mai, Adeline Hazan a ainsi rendu public un rapport thématique sur l’utilisation de l’isolement et de la contention dans ces établissements, qui dépeint l’évolution de ces pratiques et de la réglementation(1). Alors que ces mesures coercitives – dont la valeur thérapeutique n’est pas démontrée – « constituent, à tout le moins, une atteinte maximale à la liberté de circulation [des patients] » et sont souvent mises en œuvre de façon « humiliante, indigne [et] parfois dangereuse », leur utilisation est « d’une ampleur telle qu’elle semble être devenue indispensable aux professionnels », constate-t-elle. En tout cas, « ces pratiques ne peuvent être admises qu’en tout dernier recours, s’agissant d’une mesure de sécurité, si aucun autre procédé ne permet de prévenir tout danger pour le patient ou pour autrui ». Dans tout autre cas, insiste la contrôleure générale, elles doivent être proscrites.

Des pratiques peu liées à l’état de santé des patients

Le constat est glaçant : parmi les établissements psychiatriques que les services de la contrôleure générale ont visités, ceux qui ne recourent jamais à l’isolement ou à la contention « font exception ». Les pratiques en la matière sont en outre « très diverses selon les établissements et, au sein de chacun d’eux, selon les services, voire d’une unité à l’autre, même lorsqu’un protocole commun à l’établissement a été validé ». Pire encore, rapporte Adeline Hazan, de l’avis même des professionnels, ces méthodes coercitives « ne seraient que faiblement corrélées aux différences de diagnostic ou de situations cliniques des patients ». Au contraire, le recours à l’isolement relèverait plus de « “cultures de service” traduisant des approches ou des points de vue divers des médecins ou des équipes » pour, par exemple, faire face à la prétendue dangerosité d’un détenu, protéger certains patients (mineurs, personnes vulnérables…) des autres ou même à des fins disciplinaires ou de sanction. Ce, malgré l’existence d’un référentiel de 1998 de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (devenue Haute Autorité de santé) qui encadre le recours à l’isolement. La contrôleure générale déplore par ailleurs le développement de la surveillance des chambres d’isolement par des caméras dont les images peuvent être reçues dans le bureau des infirmiers, violant ainsi les droits à l’intimité, à la dignité et à la santé des patients. Des dispositifs qui « doivent [donc] être proscrits », selon elle, d’autant qu’ils ne sont « pas nécessaires si la présence soignante est adaptée à la clinique de la personne ».

Mais, pour l’institution, la situation est plus « particulièrement préoccupante pour la pratique de la contention », peu encadrée et également variable d’une unité de soins à une autre. Elle dénonce en outre l’« insuffisante » surveillance médicale des patients concernés au regard des risques d’effets pathogènes liés à la position allongée (asphyxie, crise d’angoisse…). Aussi la contrôleure générale recommande-t-elle d’instaurer un examen médical biquotidien de toute personne soumise à une contrainte physique.

De façon générale, Adeline Hazan estime que « la décision médicale d’une mesure d’isolement ou de contention ne peut être prise qu’après un examen médical psychiatrique effectif de la personne, et en prenant en compte, autant que faire se peut, l’avis des membres de l’équipe soignante ». Cette décision « doit être motivée afin de justifier du caractère “adapté, nécessaire et proportionné” de la mesure » et « les informations sur l’état clinique du patient lors de la décision doivent être explicitées ». Elle insiste aussi pour que la durée d’une mesure de contrainte physique soit « la plus courte possible », sans pouvoir dépasser la situation de crise. « En toute hypothèse, ajoute-t-elle, il ne saurait être possible de prolonger, sans une nouvelle décision également motivée, l’isolement au-delà de 24 heures et la contention au-delà de 12 heures ». Par ailleurs, souligne la contrôleure générale, par sécurité, toute personne faisant l’objet d’une telle mesure « doit toujours avoir accès à un dispositif d’appel auquel il doit être répondu immédiatement ».

Une réglementation insatisfaisante

Au grand dam d’Adeline Hazan, la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ne s’est pas penchée sur la question du recours à l’isolement et à la contention, mais s’est attardée sur l’hospitalisation sans consentement. Pour elle, « l’absence de réflexion collective des professionnels a empêché l’élaboration de normes, ce qui a laissé une large place à l’arbitraire médical dans un contexte sécuritaire ». Il ressort en effet de ses visites que les soignants recourent notamment à ces pratiques pour faire face à la violence des patients, en augmentation. Que cet état de fait soit réel ou non, la contrôleure générale note que « la difficulté des équipes pour prendre en charge cette violence est, elle, croissante, comme si ce qui était perçu comme gérable ne l’était plus ». Deux raisons à cela, selon elle : d’une part, l’abandon de la formation spécifique d’infirmier psychiatrique, ce qui a « privé les équipes de la transmission de l’expérience et d’un savoir-faire de soignants » formés à la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques ; d’autre part, la diminution des effectifs induisant des « situations de surmenage » et, par là, « le sentiment d’une faiblesse face à la violence ». Quant au plan « psychiatrie et santé mentale » 2011-2015(3), il n’a abordé la question de la contention et de l’isolement qu’indirectement, regrette la contrôleure générale, au regard des questions de sécurité et de formation.

Il aura fallu attendre la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé pour faire une avancée significative, se réjouit la contrôleure générale. Le texte a en effet créé un article L. 3222-5-1 au sein du code de la santé publique qui prévoit que « l’isolement et la contention sont despratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin »(4). Mais cette incitation à limiter le recours à ces mesures « risque de ne rester qu’un vœu pieux si elle n’est pas accompagnée de mesures de nature, d’une part, à prévenir les situations problématiques, d’autre part, à encourager les pratiques alternatives par une réflexion concertée et élargie à l’ensemble des parties prenantes à la prise en charge des malades »,s’inquiète Adeline Hazan. C’est pourquoi elle préconise notamment de développer la recherche médicale et soignante sur les pratiques professionnelles préventives ou encore de renforcer la formation des médecins, des soignants et des équipes, notamment sur la violence et sur les droits fondamentaux des patients.

Notes

(1) « Isolement et contention dans les établissements de santé mentale » – 2016 – Disp. en librairie aux Editions Dalloz – 12 €.

(3) Sur l’évaluation de ce plan, voir ASH n° 2961 du 20-05-16, p. 6.

(4) Voir notamment ASH n° 2951 du 11-03-16, p. 47.

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