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La loi relative au droit des étrangers Intégration – Droit au séjour

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Enchaînement type des titres de séjour prévu par la loi

Crédit photo Olivier Songoro
Visas de long séjour, contrat d’intégration républicaine, carte de séjour pluriannuelle, droit au séjour des étrangers malades et des victimes de violences conjugales, immigration professionnelle… : coup de projecteur sur plusieurs nouveautés de la loi du 7 mars 2016 relative à l’accueil et au droit des étrangers en France.

Adoptée le 18 février dernier au terme d’un parcours parlementaire marqué par un désaccord profond entre les deux chambres puis validée presque intégralement par le Conseil constitutionnel deux semaines plus tard, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France est le deuxième grand texte du quinquennat de François Hollande consacré aux immigrés après celui qui a réformé le droit d’asile(1). Contrairement à ce dernier, il n’est pas dicté par l’obligation de transposer des directives européennes. Pour le ministre de l’Intérieur, il constitue « une avancée majeure » notamment pour développer l’attractivité de la France pour les talents étrangers, renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière et « mieux accueillir et intégrer les étrangers entrés de façon régulière sur le territoire ».

Ainsi, le texte prévoit notamment de renforcer le dispositif d’accueil et d’intégration des étrangers souhaitant s’installer durablement en France. Il modernise, par ailleurs, le régime applicable aux visas, généralise la carte de séjour pluriannuelle afin d’éviter aux immigrés en règle des passages répétés à la préfecture et instaure de nouvelles règles de contrôle de la régularité du séjour. Il apporte encore diverses modifications au régime applicable à l’immigration professionnelle, réforme la procédure relative aux étrangers malades, prévoit plusieurs dispositions visant à mieux prendre en compte les violences conjugales et familiales et élargit la délivrance de la carte de résident.

(A noter) Les dispositions de la loi relatives aux étrangers en situation irrégulière feront ultérieurement l’objet d’une présentation détaillée dans les ASH.

I. L’accueil et l’intégration

La loi restructure le dispositif d’accueil et d’intégration à un double titre. D’une part, elle prévoit que, dans son pays d’origine, l’étranger qui souhaite s’installer durablement sur le territoire français, doit s’informer sur la vie en France ainsi que sur les droits et les devoirs qui y sont liés, à partir des éléments mis à sa disposition par l’Etat français. D’autre part, elle impose au primo-arrivant un « parcours personnalisé d’intégration républicaine » par lequel il s’engage, via la signature avec l’Etat d’un « contrat d’intégration républicaine » – qui remplace le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) –, à suivre des formations civique et linguistique. Par la suite, l’obtention d’une première carte de résident devra correspondre à un niveau minimal de connaissance de la langue française.

A. Le parcours personnalisé d’intégration républicaine (art. 1 de la loi)

Un nouveau parcours d’intégration, marqué notamment par un renforcement du niveau de langue requis et une redéfinition des prestations servies par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sera proposé à l’étranger primo-arrivant à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2016 (art. 67-I de la loi).

1. Une information dès le pays d’origine

Il est prévu que l’Etat français devra mettre dans le pays d’origine, à la disposition de tout étranger souhaitant s’installer durablement sur le territoire français, une information – dans une langue qu’il comprend – sur la vie en France ainsi que sur les droits et devoirs qui y sont liés (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [Ceseda], art. L. 311-9 modifié).

Ce mécanisme remplacera le suivi des formations du contrat de pré-intégration (« pré-CAI ») dans le pays d’origine, qui est actuellement requis pour deux catégories d’étrangers : les conjoints de Français souhaitant venir sur le territoire national et les étrangers pour lesquels un regroupement familial est sollicité. Le « pré-CAI » prévoit que ces personnes bénéficient, dès leur demande de visa, d’une évaluation de leur niveau de langue et de leur connaissance des valeurs de la République. Une formation de 2 mois est ensuite organisée si cela se révèle nécessaire et la délivrance du visa est subordonnée à la production d’une attestation de suivi de cette formation. Le législateur a décidé de supprimer ce dispositif en raison de son coût élevé (2,9 millions d’euros en 2013) mais aussi de son « efficacité limitée, les étrangers bénéficiaires de ses formations n’ayant pas attesté, lors de leur arrivée en France, d’un niveau de langue supérieur à celui des étrangers n’ayant pas bénéficié de ce dispositif », a expliqué le rapporteur (LR) de la loi au Sénat, François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 45).

2. Des formations pour favoriser l’insertion dans la société française

L’étranger admis pour la première fois au séjour en France – ou âgé de 16 à 18 ans révolus, entré régulièrement en France et souhaitant s’y maintenir durablement – devra s’engager dans un « parcours personnalisé d’intégration républicaine » visant à favoriser son autonomie et son insertion dans la société française. Ce parcours comprend « notamment » (Ceseda, art. L. 311-9 modifié) :

→ la formation civique, prescrite par l’Etat, relative aux principes, aux valeurs et aux institutions de la République, à l’exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu’à l’organisation de la société française ;

→ la formation linguistique, également prescrite par l’Etat, visant à l’acquisition de la langue française ;

→ un accompagnement adapté à ses besoins pour faciliter ses conditions d’accueil et d’intégration.

(A noter) Dans les départements et régions d’outre-mer, la formation civique comporte, en plus, un volet relatif à l’histoire et à la géographie du département et de la région d’outre-mer de résidence de l’étranger (Ceseda, art. L. 311-9 modifié). « Le but poursuivi ici est de faciliter l’intégration des étrangers dans les sociétés ultramarines dont les contextes socioculturels, les identités et les codes présentent des spécificités au sein de la République », a expliqué le rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Erwann Binet (Rap. A.N. n° 3423, janvier 2016, Binet, page 29).

3. La signature d’un contrat d’intégration républicaine

L’inscription de l’étranger dans le parcours personnalisé d’intégration républicaine sera formalisée à travers la conclusion, avec l’Etat, d’un contrat d’intégration républicaine par lequel il s’engagera à suivre les formations prescrites. Ce contrat remplace le contrat d’accueil d’intégration, « critiqué pour son caractère trop formel ainsi que son absence de contenu et d’engagement dont l’étranger pourrait avoir véritablement conscience », a expliqué Erwann Binet. L’objectif assigné au nouveau dispositif est ainsi « de mettre en exergue la réciprocité des engagements pris respectivement par l’Etat – d’accueillir – et de l’étranger – de suivre les formations qu’implique son parcours personnalisé d’intégration » (Rap. A.N. n° 2923, juillet 2015, Binet, page 89).

Un décret déterminera la durée de ce contrat, les formations prévues et les conditions de leur suivi et de leur validation, « dont la reconnaissance de l’acquisition d’un niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française et la remise à l’étranger d’un document permettant de s’assurer de l’assiduité de celui-ci aux formations qui lui sont prescrites » (Ceseda, art. L. 311-9 modifié).

La loi prévoit plusieurs cas de dispense de la conclusion du contrat. Sont concernés les étrangers (Ceseda, art. L. 311-9 modifié) :

→ titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur » ou « étudiant » ;

→ titulaires d’une carte de séjour temporaire accordée dans le cadre d’une convention de stage effectué en France ou d’une carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle commerciale, industrielle ou artisanale ;

→ titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » et, soit ayant résidé pendant au moins 8 ans de façon continue et suivi, après l’âge de 10 ans, une scolarité d’au moins 5 ans dans un établissement scolaire français, soit résidant habituellement en France et dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour eux des conséquences d’une exceptionnelle gravité ;

→ titulaires de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent », « passeport talent (famille) » ou « travailleur saisonnier » ;

→ titulaires d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié détaché ICT », « salarié détaché ICT (famille) », « salarié détaché mobile ICT » et « salarié détaché mobile ICT (famille) », qui n’ont pas vocation à s’installer durablement sur le territoire français.

Est également dispensé de la signature du contrat d’intégration républicaine l’étranger ayant effectué sa scolarité dans un établissement d’enseignement secondaire français – que celui-ci soit situé à l’étranger (comme la loi le prévoyait déjà) ou en France – pendant au moins 3 années scolaires ou qui a suivi des études supérieures en France d’une durée au moins égale à une année universitaire. Il en est de même de l’étranger âgé de 16 à 18 ans révolus pouvant prétendre à un titre de séjour et relevant de l’article L. 314-12 du Ceseda(2).

(A noter) L’étranger qui n’a pas conclu un contrat d’intégration républicaine lorsqu’il a été admis pour la première fois au séjour en France peut demander à signer ultérieurement un tel contrat (Ceseda, art. L. 311-9 modifié).

B. Le respect de la condition d’intégration pour l’octroi de la carte de résident (art. 2)

Le niveau de langue exigé pour l’obtention d’une première carte de résident devra toujours correspondre à un niveau minimal, dont les caractéristiques seront définies par un décret (Ceseda, art. L. 314-2 al. 1 modifié). Cette condition ne sera applicable qu’à l’expiration d’un délai de 2 ans à compter de la promulgation de la loi, autrement dit, à partir du 7 mars 2018 (art. 68 de la loi).

Selon l’étude d’impact du projet de loi initial, le niveau visé serait le niveau A2 du cadre européen de référence pour les langues (CECR). Pour mémoire, le CECR a été élaboré et publié en 2001 dans le cadre du Conseil de l’Europe. Il permet d’établir des niveaux harmonisés de maîtrise de langue, afin que les programmes d’enseignement de langues vivantes, les manuels et les examens puissent connaître en Europe une certaine homogénéité. Il détermine 6 niveaux de langues :

→ le niveau A1 équivaut à un niveau découverte ;

→ le niveau A2 permet une communication simple ;

→ le niveau B1 correspond à une communication plus élaborée permettant notamment d’exprimer ses idées ;

→ le niveau B2 correspond au niveau d’un utilisateur indépendant ou avancé ;

→ le niveau C1 à celui d’un utilisateur autonome ;

→ le niveau C2 à un niveau de langue parfaitement maîtrisé.

Le niveau exigé en France depuis 2007 est le niveau « A1.1 ». Inférieur au niveau A1, « il ne fait l’objet d’aucune définition par le CECR, celui-ci n’en mentionnant que la possibilité », a expliqué Erwann Binet. Il ne permet que « de s’identifier, de comprendre des expressions simples et de communiquer de manière basique ». « Il permet, en outre, de rendre compte des progrès pour les plus faibles, notamment dans les cours du soir pour adultes ou pour des populations ayant été peu scolarisées » (Rap. A.N. n° 2923, juillet 2015, Binet, page 92).

(A noter) Les étrangers âgés de plus de 65 ans restent exonérés de cette condition relative à la connaissance de la langue française (Ceseda, art. L. 314-2 al. 3 inchangé).

La délivrance d’une première carte de résident reste subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française. Mais la loi a supprimé l’obligation pour l’autorité administrative, dans son appréciation de la condition d’intégration, de tenir compte du respect par l’étranger du contrat d’intégration républicaine dès lors que celui-ci a été souscrit (Ceseda, art. L. 314-2 al. 2 modifié). Le respect de ce contrat sera vérifié à l’issue de la première année de séjour, lors de la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (voir page 48).

II. Les documents ouvrant droit à un séjour de plus de 3 mois (art. 4)

La loi du 7 mars 2016 prévoit que la délivrance d’une carte de résident ou d’une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à l’obligation de séjourner sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour ou d’une carte de séjour temporaire. Elle pose par ailleurs de manière générale l’obligation de détenir un visa de long séjour afin de pouvoir séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à 3 mois.

A quelques exceptions près, les dispositions présentées ci-après entreront en vigueur à compter d’une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er novembre 2016 (art. 67-II de la loi).

A. L’énumération des documents

Actuellement, l’article L. 311-1 du Ceseda prévoit que tout étranger âgé de plus de 18 ans qui souhaite séjourner en France doit, après l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée en France, être muni d’une carte de séjour. L’article L. 311-2, lui, énumère quatre types de titre de séjour : carte de séjour temporaire, carte de résident, carte de séjour « compétences et talents » et carte de séjour portant la mention « retraité ». La loi du 7 mars 2016 réunit les titres de séjour dans un seul article en les énumérant de manière à montrer la progressivité du droit au séjour. Au passage, elle consacre au niveau législatif le visa long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) – qui permet à son titulaire de ne pas avoir à se rendre en préfecture lors de son arrivée sur le territoire national (voir page 47) – et ajoute la carte de séjour pluriannuelle (Ceseda, art. L. 311-1 modifié).

Ainsi, dès que le nouvel article L. 311-1 du Ceseda entrera en vigueur, c’est-à-dire au plus tard le 1er novembre 2016, tout étranger âgé de plus de 18 ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à 3 mois devra, sous réserve des engagements internationaux de la France et de l’article 121-1 du Ceseda(3), être titulaire de l’un des documents de séjour suivants :

→ un visa de long séjour « simple », d’une durée maximale de 1 an ;

→ un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), d’une durée maximale de 1 an, conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » ou « passeport talent famille » (voir page 49) ;

→ une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale de 1 an ;

→ une carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale de 4 ans(voir page 48) ;

→ une carte de résident, d’une durée de 10 ans (carte de résident « simple ») ou à durée indéterminée (carte de résident permanent) ;

→ une carte de séjour portant la mention « retraité », d’une durée de 10 ans (qui permet aux étrangers retraités ayant quitté la France d’y revenir sans avoir à solliciter un visa d’entrée pour des séjours n’excédant pas 1 an).

Signalons par ailleurs que l’étranger qui séjourne en France sous couvert d’un VLS-TS ou d’une carte de séjour temporaire peut solliciter, « sous réserve des exceptions prévues par les dispositions législatives » du Ceseda, la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident (Ceseda, art. L. 311-1 modifié). Les « exceptions prévues » auxquelles il est fait référence visent quatre catégories d’étrangers exclus du bénéfice du titre pluriannuel et qui bénéficient seulement de cartes de séjour annuelles renouvelables (voir page 48) :

→ les « visiteurs », régis par l’article L. 313-6 ;

→ les « stagiaires », régis par l’article L. 313-7-1 ;

→ les « travailleurs temporaires », régis par l’article L. 313-10, I, 2° ;

→ les « victimes de la traite des êtres humains », régies par l’article L. 316-3.

B. Les conditions de délivrance d’un visa

Le visa de long séjour valant titre de séjour a été créé par voie règlementaire en 2009 afin de simplifier les démarches administratives de certaines catégories de migrants (scientifiques-chercheurs, conjoints de Français, etc.). En 2013, 105 964 VLS-TS ont été délivrés, ce qui représente environ 62 % des visas long séjour émis par la France. Octroyés par les autorités diplomatiques ou consulaires dans le pays d’origine, les VLS-TS remplacent, pour une durée de 1 an, le titre de séjour remis par les préfectures. Ils permettent à leur titulaire de ne pas avoir à se rendre en préfecture lors de leur arrivée sur le territoire national.

Enchaînement type des titres de séjour prévu par la loi (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 43)

La loi du 7 mars 2016 consacre le VLS-TS au niveau législatif en l’insérant dans la liste des titres de séjour ouvrant droit à un séjour de plus de 3 mois (voir page 46) et en fixe les conditions de délivrance. Les règles qu’elle pose n’entreront toutefois en vigueur qu’à une date fixée par décret et au plus tard le 1er novembre 2016 (art. 67-II de la loi). Concrètement, la loi prévoit que tout étranger souhaitant entrer en France en vue d’y séjourner pour une durée supérieure à 3 mois devra solliciter auprès des autorités diplomatiques ou consulaires françaises un visa de long séjour. Sa durée de validité ne pourra être supérieure à 1 an (Ceseda, art. L. 211-2-1 al. 2 modifié). Un décret doit encore poser les conditions permettant deconférer à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou la carte pluriannuelle portant la mention « passeport talent » (ou « passeport talent famille ») (voir page 49).

Deux nouveautés sont par ailleurs à relever et sont, pour leur part, d’ores et déjà entrées en vigueur (art. 67-II de la loi) :

→ le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français souhaitant se rendre sur le territoire national et qui remplit les conditions prévues à l’article L. 211-2-1 du Ceseda (Ceseda, art. L. 211-2-1, al. 4 modifié) ;

→ les demandes de visas des étudiants, à l’instar de celles des conjoints de Français, doivent être traitées « dans les meilleurs délais » (Ceseda, art. L. 211-2-1, al. 5 modifié). En clair, cette disposition autorise les autorités diplomatiques et consulaires à examiner les demandes des étudiants avant d’autres (demandes de visas d’étrangers souhaitant travailler en France, d’étrangers sollicitant un regroupement familial, etc.). « Cette priorité […] peut paraître justifiée car le délai de délivrance [du] visa de long séjour est déterminant » pour cette catégorie d’étrangers, a expliqué François-Noël Buffet. En effet, « un refus de leur dossier les contraint à lancer de nouvelles démarches pour trouver une université pouvant les accueillir dès le début de l’année scolaire » (Rap. Sén. n° 716, Buffet, septembre 2015, page 46).

(A noter) Sans changement, la demande d’un visa pour un séjour d’une durée supérieure à 3 mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d’un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande (Ceseda, art. L. 211-2-1, al. 1).

III. La carte de séjour pluriannuelle (art. 17)

Aujourd’hui, l’étranger primo-arrivant admis au séjour se voit délivrer une carte de séjour temporaire de 1 an (Ceseda, art. L. 313-1). Chaque année, il doit présenter un dossier de renouvellement de ce titre de séjour en préfecture, avant de pouvoir obtenir une carte de résident au bout de 5 ans. Ces procédures de renouvellement présentent plusieurs difficultés pour les étrangers et pour les préfectures(4).

En premier lieu, elles représentent un véritable parcours du combattant pour les étrangers, avec chaque année un nombre important de documents à réunir et à déposer en préfecture (avant, le cas échéant, d’y retourner pour récupérer son nouveau titre). Elles engorgent par ailleurs les services de l’administration et surchargent l’activité de leurs agents. Conscient de ces difficultés, le législateur a d’ores et déjà créé plusieurs titres de séjour pluriannuels, notamment pour renforcer l’attractivité du territoire : la carte « compétences et talents » est par exemple valable 3 ans et la durée du titre « étudiant » peut atteindre 4 ans. Mais, a expliqué le rapporteur au Sénat François-Noël Buffet, ce processus est resté « inachevé ». Ainsi, « la part des titres de séjour pluriannuels délivrés aux primo-arrivants représente moins de 16 % du total des admissions au séjour » (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 84).

Face à cette situation, la loi du 7 mars 2016 crée une carte de séjour pluriannuelle générale, destinée aux étrangers ayant accompli une première année de séjour régulier en France. Par ailleurs, trois autres titres pluriannuels spécifiques sont créés :

→ la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent », visant à attirer des étrangers possédant des compétences spécifiques ;

→ la carte « travailleur saisonnier », pour les étrangers travaillant sur le territoire national pendant moins de 6 mois par an ;

→ la carte « salarié détaché ICT », pour les travailleurs d’une entreprise multinationale venant effectuer une mission temporaire en France.

L’objectif du gouvernement est clair : sécuriser les conditions de séjour des étrangers et accroître l’attractivité du territoire en facilitant leurs démarches administratives. Mais aussi, donc, désengorger les services préfectoraux en réduisant le nombre nécessaire de renouvellements de titres.

Ces dispositions n’entreront en vigueur qu’à compter d’une date fixée par un décret et au plus tard le 1er novembre 2016 (art. 67-II de la loi).

A. La carte de séjour pluriannuelle générale

1. Les conditions de délivrance

Au terme d’une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l’un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 311-1 (voir page 48), l’étranger bénéficiera, à sa demande, d’une carte de séjour pluriannuelle dès lors (Ceseda, art. L. 313-17-I nouveau) :

→ qu’il justifiera de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’Etat dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (voir page 45) et n’aura pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ;

→ qu’il continuera de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire.

La carte de séjour pluriannuelle portera la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire (Ceseda, art. L. 313-17-I nouveau).

2. Les exclusions

La carte de séjour pluriannuelle ne sera pas délivrée à l’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire mentionnée aux articles L. 313-6 et L. 313-7-1, au 2° de l’article L. 313-10 et à l’article L. 316-1 (Ceseda, art. L. 313-17-I nouveau). Des références qui visent respectivement :

→ les « visiteurs », dont le séjour en France est par nature temporaire et limité, faute d’activité professionnelle et de ressources suffisantes ;

→ les « stagiaires » (en effet, la durée maximale d’un stage ne dépasse pas 24 mois) ;

→ les « travailleurs temporaires », leur contrat initial étant généralement inférieur à 12 mois ;

→ les « victimes de la traite des êtres humains » qui sont appelées, moyennant une procédure spécifique, à se voir délivrer ultimement une carte de résident.

3. La durée

La carte de séjour pluriannuelle a en principe une durée de validité de 4 ans (Ceseda, art. L. 313-18 nouveau). Pour François-Noël Buffet, « cette durée assure la cohérence du parcours d’intégration dans la mesure où les étrangers pourraient solliciter une carte de résident dès l’échéance de leur carte pluriannuelle » (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 86).

Trois durées dérogatoires sont toutefois prévues (Ceseda, art. L. 313-18 nouveau) :

→ s’agissant de l’étranger qui suit en France un enseignement, la durée de la carte est égale à celle qui reste à courir du cycle d’études dans lequel il est inscrit, sous réserve du caractère réel et sérieux des études (apprécié au regard des éléments produits par les établissements de formation et par l’intéressé). Etant précisé qu’un redoublement par cycle d’études ne remet pas en cause, par lui-même, le caractère réel et sérieux des études ;

→ la durée de la carte est de 2 ans pour :

– les étrangers mariés à un ressortissant de nationalité française, père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France ou dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée,

– les étrangers auxquels la carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit parce qu’ils ont obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire et leur famille ;

→ s’agissant des étrangers malades (mentionnés à l’article L. 313-11 du Ceseda, voir page 53), la durée de la carte correspond à celle des soins.

4. Les conditions de renouvellement et le changement de statut

A l’expiration de la durée de validité de sa carte, l’étranger devra quitter la France à moins qu’il n’en obtienne le renouvellement ou que ne lui soit délivré un autre document de séjour (Ceseda, art. L. 313-1 modifié).

L’étranger bénéficiera, à sa demande, du renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle s’il continue à remplir les conditions de délivrance de son ancienne carte de séjour temporaire (Ceseda, art. L. 313-17-II nouveau).

S’il sollicite la délivrance (ou le renouvellement) d’une carte de séjour pluriannuelle en faisant valoir un autre motif que celui sur lequel est fondée la carte de séjour dont il est titulaire, il en bénéficiera s’il remplit les conditions de la délivrance de la carte de séjour temporaire correspondant au motif du séjour invoqué. Toutefois, par dérogation à cette règle, l’étranger qui sollicitera la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » ou « entrepreneur/profession libérale » et qui sera titulaire d’une carte de séjour délivrée à un autre titre bénéficiera d’une carte de séjour temporaire d’une durée de 1 an portant la mention demandée si les conditions de délivrance de cette carte sont remplies. C’est seulement à l’expiration de la durée de validité de cette carte, et s’il continue à en remplir les conditions de délivrance, qu’il pourra bénéficier, à sa demande, d’une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention (Ceseda, art. L. 313-19 nouveau).

B. La carte de séjour pluriannuelle « passeport talent »

1. Les critères de délivrance

La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent », d’une durée maximale de 4 ans, sera délivrée, dès sa première admission au séjour, à l’étranger qui se trouve dans l’une des situations suivantes (Ceseda, art. L. 313-20 nouveau) :

→  soit exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, soit est recruté dans une jeune entreprise innovante pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ;

→  occupe un emploi hautement qualifié, pour une durée égale ou supérieure à 1 an, et justifie d’un diplôme sanctionnant au moins 3 années d’études supérieures ou d’une expérience professionnelle d’au moins 5 ans d’un niveau comparable. Cette carte, d’une durée égale à celle qui figure sur le contrat de travail, porte la mention « carte bleue européenne »(5) ;

→  vient en France dans le cadre d’une mission entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe et qui justifie, outre d’une ancienneté professionnelle d’au moins 3 mois dans le groupe ou l’entreprise établi hors de France, d’un contrat de travail conclu avec l’entreprise établie en France ;

→  est titulaire d’un diplôme équivalent au grade de master et mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire, dans le cadre d’une convention d’accueil signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d’enseignement supérieur préalablement agréé. La carte porte alors la mention « chercheur » ;

→  justifie d’un diplôme équivalent au grade de master ou d’une expérience professionnelle d’au moins 5 ans d’un niveau comparable et qui, justifiant d’un projet économique réel et sérieux, crée une entreprise en France ;

→  justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public ;

→  procède à un investissement économique direct en France ;

→  occupe la fonction de représentant légal dans un établissement ou une société établie en France, tout en étant salarié ou mandataire social dans un établissement ou une société du même groupe ;

→  exerce la profession d’artiste-interprète ou est auteur d’une œuvre littéraire ou artistique mentionnée à l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

→ 10° dont la renommée nationale ou internationale est établie, et vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif.

Un décret est attendu pour préciser, en particulier, les conditions de délivrance et les seuils de rémunération dont certains des étrangers visés doivent justifier.

2. Les droits accordés à certains détenteurs

Plusieurs droits sont accordés à certains détenteurs du « passeport talent » afin d’assurer l’attractivité de ce titre.

En premier lieu, l’activité professionnelle ayant justifié la délivrance de la carte dans les cas visés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9° et 10° ci-dessus ne sera pas subordonnée à la délivrance de l’autorisation de travail prévue à l’article L. 5221-2 du code du travail pour les salariés étrangers (Ceseda, art. L. 313-20 nouveau).

Par ailleurs, si l’étranger bénéficiaire de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention passeport « talent » exerçant une activité salariée prévue aux 1°, 2° et 4° cités ci-dessus se trouve privé involontairement d’emploi à la date du renouvellemente de sa carte, celle-ci sera renouvelée pour une durée équivalente à celles des droits qu’il a acquis à l’allocation d’assurance chômage (Ceseda, art. L. 313-20 nouveau).

3. Les droits accordés aux familles

La loi prévoit la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent (famille) » pour le conjoint – s’il est âgé d’au moins 18 ans – ou l’enfant – entré mineur en France – du bénéficiaire de la carte « passeport talent ». Sa durée sera égale à la période de validité restant à courir pour la carte du conjoint ou parent. Elle donnera droit à l’exercice d’une activité professionnelle (Ceseda, art. L. 313-21).

4. Le changement de statut

L’étranger titulaire d’un document de séjour délivré sur un autre fondement que celui de la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent » (ou « passeport talent (famille) ») bénéficiera de la délivrance de cette carte lorsqu’il en fera la demande et s’il en remplit les conditions (Ceseda, art. L. 313-22).

C. La carte de séjour pluriannuelle « travailleurs saisonniers »

Créé par la loi du 7 mars 2016, l’article L. 313-23 du Ceseda reprend, sans en changer la substance, les dispositions du 4° de l’article L. 313-10 du même code (supprimées parallèlement). Il dispose ainsi qu’une carte de séjour d’une durée de 3 ans, renouvelable, autorisant l’exercice d’une activité professionnelle, est délivrée à l’étranger pour l’exercice d’un emploi à caractère saisonnier(6).

Outre la présentation de son contrat de travail, l’étranger doit respecter deux conditions (Ceseda, art. L. 313-23 nouveau) :

→ maintenir sa résidence habituelle hors de France ;

→ séjourner sur le territoire national durant des périodes ne dépassant pas la durée cumulée de 6 mois par an.

« Créée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, [la carte de séjour portant la mention « saisonnier » ] s’est avérée fort utile car elle a facilité les démarches administratives des saisonniers – principalement recrutés dans l’hôtellerie, la restauration et l’agriculture – et de leurs employeurs », a expliqué François-Noël Buffet. « En 2014, 1 036 cartes de séjour portant la mention « saisonnier » ont ainsi été délivrées à des étrangers primo-arrivants et 2 438 ont été renouvelées » (Rap. Sén. n° 716, Buffet, septembre 2015, page 93).

La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier » donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu’elle fixe. A l’instar de celle portant la mention « passeport talent », elle est délivrée « dès sa première admission au séjour » à l’étranger qui en remplit les conditions (Ceseda, art. L. 313-23 nouveau).

IV. Le régime applicable à l’immigration professionnelle

La loi réforme les règles de délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle, en rétablissant en particulier la distinction entre les contrats de travail à durée indéterminée et ceux à durée déterminée.

Elle dispense par ailleurs certains étrangers désireux d’entrer en France pour un court séjour professionnel de l’obligation de présenter un contrat de travail ou une autorisation de travail.

Enfin, elle modifie les dispositions relatives à la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour de 12 mois non renouvelable aux étudiants titulaires de master, en prévoyant notamment l’octroi d’une telle autorisation à l’étudiant justifiant d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à sa formation.

A. Les cartes de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle (art. 12)

Actuellement, l’article L. 313-10 du Ceseda, qui porte sur la délivrance des cartes de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle, régit sept titres de séjour :

→ les titres portant la mention « salarié », « travailleur temporaire », « commerçant » ou « profession libérale », d’une durée de 1 an ;

→ les titres portant la mention « travailleur saisonnier », « salarié en mission », ainsi que la carte bleue européenne, d’une durée de 3 ans.

La loi relative au droit des étrangers modifie le périmètre de cet article. Seuls les titres de 1 année sont conservés en son sein. A l’inverse, les trois titres dont la durée est supérieure à 1 an sont insérés dans la nouvelle section du Ceseda consacrée aux titres pluriannuels.

Au-delà, des modifications plus substantielles ont été apportées aux cartes « salarié » et « travailleur temporaire ».

Ces dispositions n’entreront en vigueur qu’à compter d’une date fixée par un décret et au plus tard le 1er novembre 2016 (art. 67-II de la loi).

1. La différenciation entre CDI et CDD

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 313-10 du Ceseda distingue les salariés étrangers en fonction de la durée de leur activité en France. Ainsi, si elle est inférieure à 1 an, ils se voient délivrer une carte « travailleur temporaire » tandis que, si elle est supérieure ou égale à 1 an, ils obtiennent une carte « salarié » (qui offre des garanties supplémentaires à son titulaire, voir ci-dessous).

La loi du 7 mars 2016 a conservé cette nomenclature « travailleur temporaire » et « salarié »(7), en modifiant toutefois les critères.

A l’avenir, c’est la nature du contrat de travail et non plus sa durée qui fera la différence.

La carte « salarié » sera ainsi délivrée aux étrangers titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) tandis que la carte « travailleur temporaire » sera octroyée aux titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ainsi qu’aux salariés détachés (Ceseda, art. L. 313-10 modifié)(8).

Contrairement à aujourd’hui, l’étranger titulaire d’un CDD d’une durée supérieure à 1 an sera donc exclu de la carte « salarié » et obtiendra la carte « travailleur temporaire ».

La durée de ces titres est par ailleurs modifiée. Plus précisément, si la carte « salarié » restera valable 1 an, la durée du titre « travailleur temporaire » sera en revanche « identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite de 1 an » (Ceseda, art. L. 313-10 modifié). Ainsi, concrètement, un CDD de 3 mois donnera lieu à la délivrance d’une carte « travailleur temporaire » d’une durée identique.

(A noter) Cette carte « travailleur temporaire » pourra également être renouvelée « pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement » (Ceseda, art. L. 313-10 modifié). Elle sera par exemple renouvelée pour 24 mois si l’étranger se prévaut d’un contrat de travail de cette durée.

La carte « salarié » offrira plus de garanties que le titre « travailleur temporaire ». Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 313-10 du Ceseda prévoit en effet son renouvellement automatique pour 1 an si son titulaire se trouve involontairement au chômage et que la rupture du contrat de travail intervient dans les 3 mois précédant sa date d’expiration. La nouvelle loi a repris cette disposition mais en prévoyant des garanties étendues. Ainsi, à l’avenir (Ceseda, art. L. 313-10 modifié) :

→ la carte « salarié » sera prolongée de 1 an quelle que soit la date de rupture du contrat ;

→ « lors du renouvellement suivant », si l’étranger est toujours privé d’emploi, le préfet statuera sur un nouveau renouvellement de la carte pour une durée équivalente à celle des droits qu’il a acquis à l’allocation d’assurance chômage.

2. L’opposabilité de la situation de l’emploi

Un étranger souhaitant obtenir une carte « salarié » ou « travailleur temporaire » doit en principe présenter à la préfecture un contrat de travail homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Cette dernière refuse notamment l’homologation si la « situation de l’emploi » dans le secteur d’activité et le bassin d’emploi concernés est trop tendue et si le taux de chômage est trop élevé.

Des dérogations à ce principe sont toutefois prévues. Ainsi – sans changement sur le fond –, la situation de l’emploi n’est pas opposable lorsque la demande du travailleur étranger « concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l’autorité administrative après consultation des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives » (Ceseda, art. L. 313-10 modifié). Dans cette hypothèse, la Direccte ne peut refuser d’homologuer le contrat au motif que le taux de chômage constaté serait trop élevé.

Une autre dérogation au principe de l’opposabilité de l’emploi est créée pour les étudiants étrangers trouvant un emploi dès la fin de leurs études et qui n’ont, dès lors, pas besoin de solliciter l’autorisation provisoire de séjour. La loi vise plus précisément « l’étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d’Etat » (Ceseda, art. L. 313-10 modifié).

B. La dispense d’autorisation de travail pour de courts séjours professionnels (art. 19)

L’article L. 5221-2 du code du travail dispose que, « pour entrer en France en vue d’y exercer une profession salariée », l’étranger doit présenter :

→ « les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur » ;

→ « un contrat de travail visé par l’autorité administrative ou une autorisation de travail ».

Le texte ne mentionne toutefois pas de durée minimale de présence en France. « C’est pourquoi des autorisations provisoires de travail sont aujourd’hui délivrées lorsque le séjour est inférieur à 3 mois », a expliqué le rapporteur de la loi devant l’Assemblée nationale durant les débats, précisant que « ces autorisations ne sont refusées que dans 3 % des cas » (Rap. A.N. n° 2923, juillet 2015, Binet, page 153).

Nouveauté introduite par la loi du 7 mars 2016 : par dérogation à l’article du code du travail précité, l’étranger qui entre en France afin d’y exercer une activité salariée pour une durée inférieure ou égale à 3 mois dans un domaine figurant sur une liste fixée par décret ne sera pas soumis à la condition de présenter un contrat de travail visé par l’autorité administrative ou une autorisation de travail (code du travail, art. L. 5221-2-1 nouveau).

Les domaines concernés seront définis de manière à « s’assurer que la mesure bénéficiera bien aux secteurs professionnels pertinents (mode, culture, recherche, audit, conseil juridique, expertise, etc., dès lors que l’activité conserve un caractère ponctuel) et ne risquera pas d’être détournée », a expliqué Erwann Binet (Rap. A.N. n° 3423, janvier 2016, Binet, page 79).

C. Une APS pour les étudiants titulaires d’un master (art. 6)

La loi du 7 mars 2016 modifie le régime de l’autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée de 12 mois (non renouvelable), jusqu’alors délivrée aux seuls étudiants étrangers titulaires d’un diplôme au moins équivalent au grade de master et désireux de compléter leur formation par une première expérience professionnelle. « Il s’agit de conforter ce dispositif d’attractivité du territoire en faveur des étudiants », a expliqué le rapporteur de la loi au Sénat, François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 716, Buffet, septembre 2015, page 49). Cette APS constitue en effet un outil de facilitation pour ses titulaires car elle permet d’obtenir, in fine, une carte de séjour temporaire « salarié » sans que la situation de l’emploi leur soit opposable. Jusqu’à présent, les critères à remplir étaient les suivants :

→ disposer d’un diplôme au moins équivalent au grade de master ;

→ exercer un emploi en relation avec sa formation ;

→ bénéficier d’une rémunération au moins égale à un seuil fixé par voie règlementaire et qui correspond aujourd’hui à une fois et demie le SMIC.

Première nouveauté : ce seuil de rémunération minimal – fixé par décret – peut désormais être « modulé […] selon le domaine professionnel concerné » (Ceseda, art. L. 311-11-1° nouveau).

Deuxième nouveauté : l’APS est ouverte aux étudiants étrangers titulaires d’un master qui justifient d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à leur formation (Ceseda, art. L. 311-11-2° nouveau). A l’issue des 12 mois sous couvert d’une APS, ces étrangers bénéficieront d’un titre de séjour s’ils justifient du « caractère viable » de leur société. En l’occurrence, une carte de séjour temporaire « autorisant l’exercice d’une activité professionnelle » ou – à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er novembre 2016 – une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » d’une durée de 4 ans si leur dossier correspond aux critères pour l’avoir (Ceseda, art. L. 311-11-2° nouveau).

Les étudiants qui ont obtenu l’autorisation provisoire de séjour pour compléter leur formation par une première expérience professionnelle en France pourront eux aussi se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle à l’issue des 12 mois (Ceseda, art. L. 311-11-1° nouveau).

Dernière nouveauté : en plus des diplômes au moins équivalents au grade de master, l’APS est également ouverte aux diplômes figurant sur une liste qui doit être fixée par décret (Ceseda, art. L. 311-11 modifié). L’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de cette mesure précise qu’elle vise des « étudiants ayant validé un cursus dans d’autres filières ouvrant la voie à une insertion professionnelle rapide et réussie » et des « diplômes qui pourront relever de filières courtes ou professionnalisantes ». Selon le rapporteur de la loi devant l’Assemblée nationale, Erwann Binet, « on peut songer ici aux diplômes certifiés par le Répertoire national des certifications professionnelles, correspondant principalement aux diplômes d’écoles de commerce et de gestion » (Rap. A.N. n° 3423, janvier 2016, Binet, page 43).

V. le droit au séjour des étrangers malades

La loi du 7 mars 2016 opère une refonte de la procédure permettant aux étrangers malades de bénéficier d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Elle modifie par ailleurs les conditions de délivrance de l’autorisation provisoire de séjour aux parents de mineurs étrangers reconnus malades.

Ces dispositions n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2017 (art. 67-V de la loi).

A. Les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » (art. 13)

La loi modifie l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui concerne la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée aux étrangers malades. A partir de 2017, ce titre de séjour pourra être délivré à l’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si – la précision est nouvelle –, « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé » dans son pays d’origine, « il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié » (Ceseda, art. L. 313-11 modifié).

La décision de délivrer la carte de séjour sera prise, dans des conditions définies par décret, par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’OFII, et non plus sur le fondement d’un avis du médecin de l’agence régionale de santé (ARS). A charge pour les médecins de l’office d’accomplir cette mission « dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé » (Ceseda, art. L. 313-11 modifié).

Chaque année, un rapport devra présenter au Parlement l’activité du service médical de l’OFII et les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre (Ceseda, art. L. 313-11 modifié).

B. Une APS pour les parents d’enfants malades (art. 14)

La loi modifie les conditions de délivrance de l’autorisation provisoire de séjour aux parents de mineurs étrangers reconnus malades. Un dispositif créé en 2006 pour donner un fondement législatif à une pratique issue de circulaires du ministère de l’Intérieur et consistant, comme son nom l’indique, à admettre au séjour, à titre humanitaire, un des parents d’un mineur étranger malade. A l’heure actuelle, cette APS – d’une durée de 6 mois – « peut » être délivrée par le préfet après avis de l’agence régionale de santé ou, à Paris, du chef du service médical de la préfecture de police. Le cas échéant, elle n’est octroyée qu’à un des deux parents, sous réserve qu’il réside habituellement en France avec le mineur et subvienne à son entretien et son éducation. Renouvelée en fonction de l’état de santé de ce dernier, elle ne vaut pas autorisation de travail, sauf dérogation.

A compter du 1er janvier 2017, l’autorisation provisoire de séjour sera délivrée à partir du moment où les conditions pour en bénéficier seront remplies (Ceseda, art. L. 311-12 modifié). Autrement dit, la délivrance de ce titre ne sera plus une simple faculté laissée à l’appréciation du préfet mais sera de plein droit.

Le périmètre des bénéficiaires du dispositif sera par ailleurs étendu, sous réserve qu’ils justifient résider habituellement en France avec le mineur et subvenir à son entretien et son éducation (Ceseda, art. L. 311-12 modifié) :

→ aux étrangers titulaires d’un jugement leur conférant l’exercice de l’autorité parentale sur le mineur malade (tuteur ou délégataire de l’autorité parentale) ;

→ au deuxième parent.

Dernière nouveauté : l’APS délivrée aux parents des mineurs malades leur permettra d’exercer une activité professionnelle, sans avoir à solliciter de dérogation (Ceseda, art. L. 313-12 modifié).

VI. Le droit au séjour des victimes de violences conjugales

Plusieurs dispositions de la loi du 7 mars 2016 visent à réformer le droit au séjour des étrangers victimes de violences conjugales. Elles sont d’application immédiate.

A. Le renouvellement de plein droit du titre de séjour (art. 15)

La première nouveauté concerne le renouvellement de la carte de séjour « vie privée et familiale » délivrée au titre de l’article L. 313-11-4° du Ceseda, c’est-à-dire à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, qu’il ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français.Le renouvellement de ce titre est dorénavant de plein droit, même si la communauté de vie a pris fin, pour les personnes victimes de violences conjugales (Ceseda, art. L. 313-12 modifié). Il en est de même pour l’étranger bénéficiant d’une carte de séjour temporaire au titre du regroupement familial : s’il a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait de son titre de séjour et « en accorde » le renouvellement (Ceseda, art. L. 431-2 modifié).

B. Un titre de séjour pour les victimes de violences familiales (art. 16)

L’article L. 313-12 du Ceseda est complété afin de permettre le renouvellement d’une carte de séjour temporaire aux personnes victimes de violences « familiales » (et non plus seulement « conjugales »). « Il s’agit de garantir la stabilité du séjour de personnes qui, par exemple, sont victimes de violences de la part de leur beau-frère ou de leur belle mère, violences qui ont souvent des conséquences sur la vie conjugale et peuvent être à l’origine de la rupture de la vie commune », a expliqué le rapporteur Erwann Binet (Rap. A.N. n° 3423, janvier 2016, Binet, page 63).

C. Un titre de séjour pour les bénéficiaires d’une ordonnance de protection (art. 25 et 26)

L’article L. 316-3 du Ceseda dispose que, sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil(9), en raison des violences exercées au sein du couple ou – la précision est nouvelle(10) – par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin.

Autre nouveauté : une carte de séjour « vie privée et familiale » est de la même façon accordée, également dans les plus brefs délais et sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-13 du code civil(11), en raisonde la menace d’un mariage forcé (Ceseda, art. L. 316-3 modifié).

Une fois arrivée à expiration, cette carte de séjour temporaire est renouvelée de plein droit à l’étranger qui continue à bénéficier d’une telle ordonnance de protection (Ceseda, art. L. 316-3 modifié).

VII. Le contrôle de la régularité du séjour

La loi du 7 mars 2016 organise les contrôles mis en œuvre par les services des préfectures pour vérifier que les titulaires d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle continuent d’en remplir les conditions de délivrance.

A. Un nouveau mode de contrôle (art. 9)

La mesure entrera en vigueur à une date fixée par un décret, et au plus tard le 1er novembre 2016 : l’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle devra être en mesure de « justifier qu’il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte ». En outre, le préfet pourra « procéder aux vérifications utiles pour s’assurer du maintien du droit au séjour de l’intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens » ou solliciter des informations auprès de divers organismes (voir ci-dessous) (Ceseda, art. L. 313-5-1 nouveau ; art. 67-II de la loi).

Selon les informations recueillies par le sénateur François-Noël Buffet, le gouvernement compte porter ses efforts sur trois types de contrôles (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 57) :

→ « les contrôles réalisés lors de la délivrance des titres, et notamment de la carte de séjour pluriannuelle » ;

→ « des vérifications ciblées orientées vers les titres pour lesquels le plus grand nombre de fraudes sont constatées ». Les préfectures devraient en particulier vérifier « le maintien de la communauté de vie pour les conjoints de Français, la réalité de l’emploi pour les salariés, etc. » ;

→ « des contrôles sur des dossiers sélectionnés de manière aléatoire ».

« Outre les contrôles réalisés lors de la délivrance des titres », le gouvernement prévoit de réaliser « 40 000 vérifications ciblées et aléatoires chaque année ».

B. Le droit de communication des préfectures (art. 48)

Le nouvel article L. 313-5-1 du Ceseda, relatif aux modalités de contrôle du droit au séjour (voir ci-dessus), doit se lire en liaison avec le nouvel article L. 611-12 du même code qui, dans un souci de lutte contre la fraude au séjour, vise à faciliter la possibilité pour l’autorité administrative, sous réserve du secret médical, d’obtenir de certaines autorités publiques et personnes privées énumérées par la loi certains éléments d’information.

(A noter) Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, est attendu. Il définira notamment la nature des documents et des informations susceptibles d’être communiqués à la préfecture par chacune des autorités ou des personnes privées mentionnées par la loi.

1. Le principe du droit de communication

La loi du 7 mars 2016 reconnaît la possibilité pour la préfecture, dans le cadre de l’instruction d’une première demande de titre, d’une demande de renouvellement de titre ou dans le cadre des contrôles du droit au séjour prévus à l’article L. 313-5-1 du Ceseda, de demander à certaines autorités et personnes privées « les documents et informations strictement nécessaires » pour contrôler « la sincérité » et « l’exactitude » des déclarations souscrites ou bien encore pour contrôler l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution d’un droit au séjour ou de sa vérification. Le secret professionnel n’est pas opposable à cette demande, exception faite du secret médical (Ceseda, art. L. 611-12 nouveau).

Ce droit de communication s’exercera sur demande de la préfecture, de manière ponctuelle et gratuite, quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents (Ceseda, art. L. 611-12 nouveau).

2. Les autorités concernées

La loi dresse la liste des autorités et personnes privées concernées par ce droit de communication. Il s’agit (Ceseda, art. L. 611-12 nouveau) :

→ des autorités dépositaires des actes d’état civil ;

→ des administrations chargées du travail et de l’emploi ;

→ des organismes de sécurité sociale et de Pôle emploi ;

→ des établissements scolaires et d’enseignement supérieur ;

→ des fournisseurs d’énergie, de télécommunication et d’accès Internet(12) ;

→ des établissements de santé publics et privés ;

→ des établissements bancaires et des organismes financiers ;

→ des greffes des tribunaux de commerce.

3. Les obligations des préfectures

Quand elle s’apprêtera à retirer la carte de séjour d’une personne sur le fondement d’informations ou de documents qu’elle a recueillis auprès des autorités ou des personn

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