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Projet d’établissement : du descriptif au prospectif

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Depuis leur généralisation par la loi 2002-2, les projets d’établissement ou de service ont largement évolué : après une première vague plutôt descriptive, les actualisations successives débouchent sur des documents plus prospectifs, dans une perspective stratégique. Avec, toujours, un enjeu managérial fort.

Il pensait que cela n’existait plus. Pourtant, quand il a pris en juillet 2014 la direction de l’EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) Les Jardins des Laignes, à Donzy (Nièvre), Bertrand Lebreton a bien dû se rendre à l’évidence : aucun projet d’établissement n’avait été rédigé au sein de la structure. « Il y avait, certes, un document produit à l’occasion du dernier renouvellement de la convention tripartite, cinq ans auparavant, se souvient-il. Mais il ne répondait en rien aux exigences réglementaires, et ne s’inscrivait pas dans une démarche globale. » A l’époque, l’urgence est avant tout à la réalisation de l’évaluation externe. Bertrand Lebreton décide donc de lier les deux procédures et, au début 2015, sur la base du rapport d’évaluation, un comité de pilotage pluriprofessionnel s’attelle à la rédaction du premier projet de l’établissement… Treize ans après la loi 2002-2.

Un outil pour renforcer la cohésion professionnelle

En 2016, une telle situation fait heureusement figure d’exception : contraints par l’article L. 311-8 du CASF (code de l’action sociale et des familles) (voir encadré page suivante), la majorité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont désormais dotés d’un projet d’établissement formalisé. Avec quelques années de décalage, l’expérience de l’EHPAD de Donzy illustre pourtant assez bien l’effort qu’a dû produire le secteur pour s’approprier l’outil. « Avant 2002, beaucoup de structures n’avaient pas d’autre projet formalisé que celui remontant à leur demande d’autorisation, ou s’appuyaient sur des projets anciens non actualisés, retrace Jean-Pierre Girard, responsable des formations sur site à l’Andesi (Association nationale des cadres du social). Au-delà de la mise en conformité, la plupart ont vite saisi l’enjeu immédiat : il s’agissait de formaliser des pratiques pour construire des références communes. » Dès le départ, le projet d’établissement comporte donc une dimension managériale : en mettant à plat les principes d’intervention et en décrivant précisément l’offre de services, il permet de fédérer les professionnels et de renforcer la cohésion. Ce, d’autant plus qu’il revêt une forte dimension participative. « Les personnels apprécient cette occasion de s’impliquer dans une démarche globale et construite, avec une vision pluriannuelle de leur action », témoigne ainsi Bertrand Lebreton.

Au fil des actualisations – en principe tous les cinq ans, selon le CASF –, les projets d’établissement et de service sont devenus des outils plus stratégiques. Le potentiel de communication du document, par exemple, est de plus en plus exploité : « On voit apparaître des chapitres sur l’apport des structures à leur territoire, qui mettent en valeur le poids économique, le rôle d’animation ou encore la contribution à la construction d’une société plus ouverte et plus inclusive », observe Jean-Pierre Girard. En mettant en perspective les missions de l’institution avec les moyens dont elle dispose ou l’évolution des publics accueillis, le document aide aussi à attirer l’attention des financeurs, explique Laurence Licata, ancienne directrice d’établissements et consultante au cabinet Qualita Conseil : « Imaginons un ESAT [établissement et service d’aide par le travail] dont un tiers des travailleurs relèveraient plutôt du foyer occupationnel. Ou bien un IME [institut médico-éducatif] qui accueillerait une proportion croissante d’enfants souffrant de troubles autistiques. En interrogeant le décalage avec les missions initiales et la pertinence des réponses éducatives, le projet d’établissement permet d’alerter les tutelles sur l’adéquation des ressources ou des orientations. »

Après avoir vécu un cycle d’autorisation complet (deux ou trois évaluations internes, une première évaluation externe, au moins une actualisation du projet d’établissement), les structures les plus avancées apprennent désormais à articuler les différentes démarches, dans une logique d’amélioration continue de la qualité. « On est encore au début du mouvement », reconnaît Jean-Pierre Girard. Mais l’appropriation progressive de la démarche par les équipes autorise cadres et directeurs à utiliser l’enrichissement du projet d’établissement comme un instrument de conduite de changement. Politiques publiques et territoriales, contraintes et opportunités liées aux CPOM (contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens)… « Qu’il s’agisse de redéfinir des délégations, de mutualiser des moyens ou encore de repositionner son offre de services, l’actualisation constante du projet d’établissement, au même titre que les évaluations interne et externe, constitue un levier pour accompagner l’évolution du secteur », affirme le formateur.

Des projets pas assez accessibles

Reste un domaine dans lequel les marges de progrès demeurent importantes : celui de la participation des personnes accompagnées et de leurs proches. Alors que le livret d’accueil et le règlement de fonctionnement sont bien perçus comme des outils de vulgarisation, rares sont encore les projets d’établissement transposés sous une forme accessible, commentés lors du premier accueil… ou même intégrant la parole des premiers concernés. « L’article du CASF figure pourtant dans la section consacrée aux droits des usagers, rappelle Laurence Licata. En limitant le projet d’établissement à l’usage qu’en font les professionnels, on perd donc de vue qu’il est d’abord destiné à informer les usagers et les résidents. »

Cadre juridique

L’article L. 311-8 du CASF (code de l’action sociale et des familles) dispose que le projet d’établissement ou de service est établi « pour une durée maximale de cinq ans », « après consultation du conseil de la vie sociale » ou mise en œuvre d’une « autre forme de participation ». Il « définit les objectifs » de la structure, « notamment en matière de coordination, de coopération et d’évaluation des activités et de la qualité des prestations », ainsi que « ses modalités d’organisation et de fonctionnement ». Le cas échéant, le projet identifie les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et, dans les établissements pour personnes âgées, il précise les mesures « prises en application des dispositions des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ».

Témoignage : Jean-François Fily directeur du service de soins et d’aide à l’intégration des PEP 45 (Loiret)

« 2SAI [service de soins et d’aide à l’intégration] des PEP 45 est un Sessad [service d’éducation spéciale et de soins à domicile] qui intervient sur trois départements : l’Eure-et-Loir, le Loiret et le Loir-et-Cher. Il compte 11 antennes ainsi qu’une unité d’enseignement pour jeunes autistes. Chaque antenne travaille sur un type de handicap. Dans le CPOM [contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens] 2015-2019 signé avec l’association, l’agence régionale de santé a demandé la réorganisation du Sessad sous la forme d’un dispositif polyvalent. Nous sommes encore au tout début de cette réflexion ; l’organisation cible doit être fixée pour 2019. A ce stade plusieurs pistes se dessinent : une plus grande souplesse dans les interventions – en modulant notre offre d’accompagnement en fonction de l’urgence et de la nature de la demande –, davantage de transversalité entre les différentes antennes, etc. Quelles que soient les évolutions retenues, il nous faudra réécrire entièrement le projet d’établissement du Sessad et le projet de service de chaque antenne. La présence des chefs de service et de représentants des équipes dans le comité de pilotage de la réorganisation constitue, à ce titre, un atout précieux : plus les professionnels seront associés à la conception du changement, plus il sera facile de le mettre en œuvre. Par exemple, certains craignent une dilution des spécificités de chaque antenne, de chaque professionnel. Ce n’est pas du tout notre idée. Ainsi, un orthophoniste spécialisé dans le handicap moteur et un autre spécialisé en rééducation logico-mathématique ne sont évidemment pas interchangeables. En revanche, ils peuvent intervenir conjointement sur une situation. La réécriture participative du projet devra permettre de lever ces ambiguïtés, et de valider ensemble les nouvelles orientations.

La tendance des politiques publiques est à la désinstitutionnalisation. En poussant cette logique à l’extrême, il pourrait ne rester à terme que des coordinateurs et des rééducateurs libéraux ! Le nouveau projet devra donc également valoriser le travail en équipe, qui fait la richesse de l’accompagnement médico-social et donne toute sa pertinence à nos modes d’intervention. Il doit être le moteur qui va faire évoluer l’établissement, dans un va-et-vient permanent entre conformité et sens. »

Manager dans le social

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