Quand ce sont ses parents ou ses enfants qui apportent de l’aide à un adulte handicapé de moins de 60 ans, ce soutien est essentiellement le fait de femmes – on compte 0,7 fils pour une fille et 0,3 père pour une mère –, constate Maks Banens, maître de conférences en démographie à l’université Lyon-2 et chercheur au Centre Max-Weber(1). C’est le contraire dans le cas des couples : sur 699 000 conjoints ou conjointes aidant au quotidien leur partenaire en situation de handicap, on compte 490 000 hommes et 209 000 femmes, soit 2,34 hommes pour une femme.
Comment expliquer cette particularité ? Pour le chercheur, il n’y a rien là de très étonnant. En effet, les tâches ménagères courantes (ménage, courses, préparation des repas) sont incluses dans ce que les statisticiens désignent comme « aide au quotidien ». Or, à situation de handicap égale, les femmes déclarent beaucoup plus souvent leurs conjoints comme aidants quotidiens que les hommes car, pour ces derniers, la contribution de leur épouse aux activités domestiques va de soi. « Les rôles de genre déterminent le vécu de l’aide et ces rôles sont ceux de la domination masculine », commente Maks Banens. « Traditionnellement, care et revenus monétaires sont mis en commun au service du ménage. D’un côté, du travail en nature, majoritairement le fait des femmes ; de l’autre, du travail monnayé, majoritairement le fait des hommes. Quand survient le handicap, cette double mise en commun est altérée. Mais la réorganisation ne sera pas toujours ressentie comme une aide », développe le chercheur. En effet, lorsque le handicap touche l’activité professionnelle de l’un des partenaires, l’apport de chacun aux revenus du ménage est modifié, mais la mise en commun ne change pas. « En revanche, quand le handicap touche le travail domestique, celui-ci sera réorganisé au sein du ménage » et l’implication des hommes dans ce champ apparaîtra bien plus souvent comme une aide à leur conjointe atteinte de déficience que l’inverse.
Pour éviter le biais de cette asymétrie de la perception de l’aide, née de l’asymétrie de la répartition traditionnelle des tâches ménagères, Maks Banens a isolé une catégorie d’activités qui, en temps normal, ne sont pas partagées dans les couples : les soins personnels ou actes essentiels de la vie (se laver, s’habiller, manger, boire, aller aux toilettes, se lever d’un lit et se coucher, s’asseoir et se lever). On observe alors une quasi-parité de l’aide déclarée. « Les hommes sont toujours légèrement majoritaires – 104 000 hommes contre 98 000 femmes –, mais cette différence n’est pas significative en termes statistiques », précise Maks Banens. Autrement dit, les incapacités sévères – qui touchent quasiment autant d’hommes que de femmes vivant en couple – « sont compensées par le conjoint sans incidence de genre ». Qui plus est, dans cette population plus restreinte de personnes en situation de très grande dépendance, les hommes et les femmes sont aussi nombreux à reconnaître leur conjoint comme aidant au quotidien.
(1) Données de l’enquête Handicap Santé Ménages (INSEE 2008) qu’il a présentées lors de la rencontre sur « L’accompagnement du handicap à domicile » organisée le 8 février à Paris – Voir également « Aide entre conjoints. Dynamiques de genre dans les couples adultes avec un handicap » – Maks Banens et Anne Marcellini – Alter n° 9/2015.