Se passer du juge en cas de divorce par consentement mutuel : l’amendement, déposé le 30 avril par le garde des Sceaux dans le cadre de la réforme de la justice du XXIe siècle(1), a été adopté en commission des lois le 4 mai. Cette mesure, dont Jean-Jacques Urvoas a vanté les vertus de simplification, a été prise « sans analyse de la situation des femmes les plus en danger et des plus démunies », déplore la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF). Selon elle, cette disposition génère un « risque majeur pour les femmes victimes de violences et leurs enfants ». Elle considère que le règlement du divorce par consentement mutuel devant notaire « remet en cause la garantie d’une procédure équitable et contradictoire [et] ne préserve plus l’intérêt des deux parties ». En effet, en raison de l’« emprise » de l’auteur des violences sur sa victime, ce dernier pourra facilement « imposer un divorce rapide devant notaire » à sa conjointe. Avec le risque pour la femme victime de violences d’être lésée, sur le plan économique mais aussi sur celui de ses droits, notamment à l’égard de ses enfants.
Sans évoquer spécifiquement les questions de violences au sein du couple, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) estime aussi que le juge assure « la protection du conjoint le plus vulnérable et vérifie qu’il n’a pas fait l’objet de pressions et que son libre consentement n’a pas été contraint ». L’intervention du magistrat permet en outre de garantir l’intérêt des enfants et le maintien de leurs liens avec leurs deux parents après la séparation.
La Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) s’est également émue de cette « mesure en défaveur de l’intérêt de l’enfant ». Pour la fédération, le « souci d’accélérer la procédure » a pour conséquence « d’écarter la prise en considération de l’avis de l’enfant quant aux décisions qui le concernent, mais aussi et surtout, son intérêt auquel le juge doit s’attacher », a regretté dans un communiqué Fabienne Quiriau, directrice générale de la CNAPE. Il s’agit en outre d’une disposition qui va « à l’encontre du droit international », l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France, précisant que doit être donnée à l’enfant « la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant ». Le barreau de Paris, également opposé au divorce sans juge, ne dit pas autre chose en argumentant que « les enfants ne peuvent être soumis aux accords de leurs parents sans contrôle du juge », soulignant par ailleurs que ce dernier « protège la partie la plus faible et/ou sous emprise ».
Autre écueil de cette procédure simplifiée, estime la FNSF : un tel divorce « à l’amiable » pourrait être utilisé « par la partie adverse dans les autres procédures, pour démontrer qu’il n’y a pas eu de violences ». Alors que le projet de loi sera examiné à l’Assemblée nationale en première lecture à partir du 17 mai, la fédération demande non pas une simplification, « mais, au contraire, dans les situations de violences, des magistrats spécialisés, chargés des procédures, civiles, pénales et devant les juges des enfants, qui puissent analyser et traiter ces dossiers complexes ».