Après l’évacuation, le 4 mai, de près de 300 migrants qui occupaient le lycée Jean-Jaurès, dans le XIXe arrondissement de Paris, neuf associations(1) ont réclamé un « plan d’urgence national interministériel ». A l’issue de l’opération, qui a entraîné des heurts entre la police et des militants, 74 personnes ont été mises à l’abri, tandis que les autres ont été « prises en compte afin d’examiner leur situation administrative », selon la préfecture de police. « Un certain nombre a reçu une obligation de quitter le territoire français », a-t-elle fait savoir, tout en précisant qu’un hébergement leur avait été aussi proposé.
Cette évacuation « marque la limite des mesures engagées par l’Etat pour accueillir les personnes fuyant leur pays, victimes de la guerre et de l’extrême pauvreté », ont réagi les neuf associations dans un communiqué commun diffusé le 9 mai, estimant que l’intervention, « mal préparée », n’avait pas présenté « les conditions minimales de respect des droits fondamentaux et de la dignité des personnes ». Quatre principes devraient, demandent-elles, présider au plan interministériel qu’elles appellent de leurs vœux. Tout d’abord, elles invitent à répondre à la pénurie des capacités d’accueil « par une mobilisation massive et rapide de logements sociaux ou privés à vocation sociale » et par l’ouverture « de centres d’hébergement et d’accompagnement sur l’ensemble du territoire ». Tous les bâtiments publics disponibles et adaptés à un accueil digne devraient être mobilisés, réclament les signataires, précisant que ces réponses doivent « s’articuler avec les 115 et SIAO [services intégrés d’accueil et d’orientation] pour éviter la concurrence entre les publics à la rue et “desserrer” la pression en Ile-de-France ». Elles souhaitent également « une mission d’observation et d’évaluation des besoins des migrants présents en campement pour mieux connaître leur parcours, leur situation et adapter les solutions ».
Pour fluidifier les sorties d’hébergement temporaire, les associations préconisent d’accélérer et d’accroître les ouvertures de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile et en centres provisoires d’hébergement, et de réduire les délais d’attente en préfecture pour l’admission au séjour au titre de l’asile. Renforcer les maraudes et développer des accueils de jour spécialisés pourraient permettre d’éviter la constitution et le grossissement de campements, proposent-elles. Les signataires enjoignent également à l’Etat d’« engager une politique volontariste d’intégration des réfugiés par la mobilisation des services publics et des associations sur l’accès aux droits sociaux, aux soins, l’apprentissage du français, la scolarisation des enfants, l’accès au logement, la formation professionnelle et l’accès à l’emploi ». Ce plan est d’une « urgente nécessité », considèrent les associations, alors que « l’Etat a annoncé l’arrivée en France d’environ 800 personnes migrantes par mois dans le cadre du plan de relocalisation européen ».
Deux jours avant cet appel associatif, qui fait suite à plusieurs autres depuis l’explosion de la crise migratoire, la ministre du Logement avait écrit le 7 mai à plusieurs organisations, dont France terre d’asile et Emmaüs. Après l’opération de mise à l’abri de 1 600 personnes qui campaient sous la station de métro Stalingrad, dans le nord-est de Paris, l’évacuation du lycée Jean-Jaurès « ne s’est pas déroulée dans des conditions satisfaisantes et je le regrette profondément », indique Emmanuelle Cosse dans son courrier. Rappelant les efforts déployés par l’Etat depuis 2012 pour augmenter les capacités d’accueil, elle précise avoir demandé pour chaque opération de mise à l’abri « qu’un hébergement soit proposé à toutes et tous et qu’aucune remise à la rue ne soit ensuite effectuée sans qu’une solution durable ait été trouvée en amont ». La ministre annonce sa décision de demander aux préfets « d’identifier des possibilités de création de places pour augmenter le stock » disponible et indique qu’elle fera « prochainement des propositions pour mieux les répartir dans toute la France et traiter le cas particulier de l’Ile-de-France, en lien avec la Ville de Paris ». « Nous devons imaginer ensemble les solutions pour stopper la reconstitution à l’infini [des] campements », termine-t-elle, proposant aux destinataires du courrier « de participer à une réunion de travail qui réunira les principales associations et acteurs engagés dans l’hébergement d’urgence et l’accueil des migrants en Ile-de-France ».
(1) Aurore, Coallia, Emmaüs solidarité, la FNARS, la Fondation Abbé-Pierre, la Fondation Armée du Salut, France terre d’asile, le Groupe SOS et le SAMU social de Paris.