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Brigitte Delphis : « Nous avons une expertise du quotidien des malades »

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Les conseils locaux de santé mentale permettent aux représentants des familles d’expliquer aux élus et aux professionnels ce qu’est le handicap psychique, explique Brigitte Delphis, déléguée départementale de l’Union nationale des amis et familles de personnes malades et/ou handicapées psychiques(1).
Les conseils locaux de santé mentale vous semblent-ils un bon outil pour faire entendre la voix des usagers de psychiatrie ?

Une précision tout d’abord : l’Unafam réunit les proches et les amis des personnes malades et ne peut donc parler à la place des usagers. Néanmoins, les conseils locaux de santé mentale sont des instances prometteuses parce qu’ils proposent un cadre pérenne pour un dialogue continu entre les élus, les professionnels, les usagers et leurs proches. Pour nous, les représentants des familles, ce dispositif de concertation nous permet de ne plus tâtonner à l’aveugle et de travailler avec les bons partenaires. Jusqu’ici, avant d’entreprendre une action, nous devions démarcher les mairies, nous présenter, décrire la spécificité du handicap psychique… Nous avions toute une action pédagogique à mener pour obtenir un résultat pas toujours satisfaisant, car la santé n’est pas la prérogative des mairies !

La plupart des conseils ont mis en place des cellules de gestion des situations complexes. Quel est leur intérêt ?

Celles-ci permettent d’éviter le syndrome de la « patate chaude » que se renvoient des acteurs souvent isolés, la police, les pompiers, les services d’urgence et les élus. Que proposer et qui alerter en effet quand l’épuisement et le stress de l’entourage, soumis à la dégradation de l’état de santé de la personne malade, rendent la situation difficile avec des risques de spirale de violence ? Ces cellules permettent d’organiser le travail en réseau. Elles ont les moyens d’interpeller les partenaires afin de construire un parcours vers les soins ou vers l’hospitalisation de façon plus apaisée que dans le cadre des urgences psychiatriques. On évite ainsi au patient et à son entourage de vivre des scènes parfois traumatisantes et qui augurent mal de la suite de la prise en charge.

Le conseil local de santé mentale permet-il d’améliorer les pratiques ?

Il peut en tout cas aider les élus souvent très démunis, notamment lorsqu’ils sont amenés à prendre des mesures provisoires d’admission en soins psychiatriques sans consentement(2). C’est ainsi que le conseil local de santé mentale a été à l’origine, à Montreuil, de l’élaboration d’un protocole pour les soins sans consentement afin de ne pas laisser les maires seuls face à une telle décision, et, aux Pavillons-sous-Bois, d’un kit pédagogique et fonctionnel, afin de leur expliquer la procédure. En effet, les situations de crise se déroulent souvent le soir, le week-end, laissant les élus décider ou non de prendre un arrêté d’hospitalisation alors qu’ils n’ont aucune connaissance des troubles psychiques, qu’ils ont peur d’être dans l’abus de pouvoir… et que, de fait, ils peuvent retarder la prise de décision et provoquer des mises en danger.

L’une des priorités est de développer la prévention. En quoi votre présence est-elle un atout ?

Le cadre de ces instances nous permet, en tant que représentants des familles, de mener un travail de pédagogie auprès des élus et des professionnels. La vie des personnes qui souffrent d’un handicap psychique est assez mal connue de la psychiatrie de secteur : en effet, elles ont la capacité de se mobiliser le temps d’une consultation, alors que c’est beaucoup plus compliqué pour elles au quotidien. Il s’agit de personnes disposant d’une intelligence normale ou supérieure mais qui sont empêchées par la maladie, les traitements, la fatigabilité. La mission de l’Unafam est d’expliquer au travailleur social et/ou au psychiatre qu’il ne suffit pas de prendre son traitement et d’être hébergé – chez les parents ou en foyer –, mais qu’un accompagnement dans la durée est nécessaire. Nous avons une expertise du quotidien qui nous permet de dire de quel(s) ordre(s) sont les empêchements qui entravent les malades, de quels outils ils ont besoin pour assurer la continuité et la sécurité de leur parcours.

Les usagers ou leurs représentants sont des membres de droit des conseils. Ils y sont cependant pour l’instant très peu présents…

Je comprends que les usagers ou les familles se découragent s’ils n’ont pas suffisamment de connaissances sur l’organisation de la prise en charge de la santé mentale sur le territoire. Se retrouver dans une instance dont on ne sait pas quelle est la marge de manœuvre ou quel rôle on est censé y jouer peut être compliqué, voire violent. Il faut également pouvoir prendre du recul : si vous êtes envahi par votre situation personnelle, vous ne pouvez pas être un représentant efficace. L’Unafam se mobilise fortement, à Paris et en région, pour former les représentants des familles, mais encore faut-il trouver des volontaires ! En outre, les conseils doivent faciliter la représentation des usagers eux-mêmes en créant les conditions d’une écoute de leur parole. Il faut aider ces personnes à dominer l’épreuve que peut parfois représenter le fait de sortir de chez soi, la promiscuité dans les transports ou la prise de parole en public.

Notes

(1) Pour la Seine-Saint-Denis. Elle intervient dans les conseils de Tremblay-en-France et des Pavillons-sous-Bois, mais aussi dans les RESAD (réseaux d’évaluation des situations d’adultes en difficulté) de Villepinte et de Sevran, qui sont aussi des instances de concertation pour les professionnels travaillant auprès d’adultes en souffrance médico-psycho-sociale.

(2) En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, le maire arrête, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires (art. L. 3213-2 du code de la santé publique). La notion de « danger imminent » doit être attestée par un avis médical. L’arrêté d’hospitalisation provisoire pris par le maire doit être référé au préfet dans les 24 heures.

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