Les mères au bord du ravin

Ecoutez les mères… C’est en substance le cri d’alarme que lance Nadia Remadna dans ce livre écrit avec Daniel Bernard, grand reporter à Marianne. Ancienne médiatrice scolaire et très impliquée dans la vie locale, cette mère de famille a créé en 2014 la Brigade des mères à Sevran (Seine-Saint-Denis) pour venir en aide aux familles en difficulté dans les quartiers populaires. Un réseau de femmes qui ne supportent plus de voir leurs enfants passer de l’échec scolaire à la délinquance pour finir derrière des barreaux, qui se battent au quotidien pour éviter qu’une bagarre entre jeunes ne dégénère, pour trouver un toit à une mère de famille expulsée ou pour soustraire des épouses à la violence de leur mari. Entre humour féroce et formules choc, Nadia Remadna raconte l’isolement de ces mères de banlieue « qui marchent au bord du ravin avec un enfant sur le dos », qui côtoient au quotidien les dealers toujours prêts à recruter leurs gamins, et qui doivent désormais se battre contre les dangers de la radicalisation. Elle décrit sa ville où l’espace public n’est occupé que par des hommes, cette peur qui l’étreint désormais lorsqu’elle veut prendre un café à l’extérieur un jour de ramadan et la bagarre continuelle contre ses enfants qui fantasment une Algérie qui n’existe pas. Elle peste contre les politiques qui n’apportent plus de réponses aux préoccupations quotidiennes des gens, « à la femme expulsée qui dort sur un parking, celle qui fait la grève de la faim parce qu’on lui a retiré ses enfants, le licencié, le chômeur… » Nadia Remadna ne cache pas sa peur face aux dangers qui montent. Pas question pour autant de baisser les bras, explique cette femme de 53 ans, qui en appelle au respect des valeurs républicaines pour faire barrage à la montée des extrémismes dans la société. « Ce n’est pas de nouvelles lois dont on a besoin, martèle Nadia Remadna, c’est déjà d’appliquer l’égalité, les droits des femmes et de tout le monde, la laïcité, les règles pour les puissants et pour les faibles, parce que c’est ce qui nous protège, et rien d’autre. » Dérangeant et salutaire…