Entendre signifie « ouïr », pas forcément « comprendre ». Mais le malentendu – culturellement entretenu – entre entendre et comprendre contribue à dénier aux sourds leur faculté d’entendement. Comme si, en dehors du son, il n’y avait pas de possibilité langagière. Or, « bien que ne percevant pas les fréquences conversationnelles des langues sonores », les sujets sourds « n’en demeurent pas moins entendants avec les yeux et susceptibles donc de s’exprimer très tôt avec leurs mains dans une véritable langue », développe André Meynard. Aussi le psychanalyste s’insurge-t-il contre le dépistage de la surdité permanente néonatale (SPN), imposé depuis 2012 au deuxième jour après la naissance, pour « sonoriser » le plus tôt possible celui qui sera dit « malade » de la parole et du langage. Cet « abord technoscientiste » de la surdité – qui fait le plus grand profit des experts en acoustique – contribue à perpétuer la disqualification de la langue des signes française (LSF). Interdite d’enseignement jusqu’en 1991, celle-ci est pourtant reconnue, depuis 2005, comme langue à part entière de la République. Précisément, c’est sa connaissance de la LSF et son expérience clinique auprès de locuteurs l’utilisant qui permet à l’auteur de réinterroger ce que parler et entendre veulent dire : non pas émettre et percevoir des sons, mais du sens. A cet égard, même s’il est difficile de rendre compte par écrit d’échanges « d’œil à main », le psychanalyste donne à voir quelques traits d’esprit et lapsus de signants, qui montrent « comment le désir secret vient à travailler la langue ». Et c’est passionnant.
Des mains pour parler, des yeux pour entendre. La voix et les enfants Sourds
André Meynard – Ed. érès – 28 €