Bienvenue chez les adultes

« Je crachais sur les tables des troquets ma virulence et ma rage. Je rêvais d’une autre vie, moins banale, moins terne. » Le dernier volet de la trilogie que Pascal Le Rest consacre à Franck Lombard, personnage fétiche à mi-chemin entre fiction et autobiographie, nous entraîne sur les pas d’un tout jeune homme s’engouffrant dans la vie adulte avec « le désir au bout des doigts ». Un étudiant de la banlieue parisienne partagé entre l’envie de découvrir un monde dont il ne maîtrise pas encore tous les codes et un sentiment de révolte contre un système qui offre « une mort latente […] sur prospectus avec facilité de crédit ». Docteur en ethnologie et diplômé d’Etat en ingénierie sociale, Pascal Le Rest poursuit ici son exploration de l’insertion sociale des jeunes, sous la forme d’une plongée tantôt crue et âpre, tantôt touchante et drôle, au cœur des années 1980. Les premières expériences amoureuses, les amitiés éphémères, les petits boulots, les études de maths, puis en sciences sociales à la fac, l’amour des livres comme antidote aux moments de solitude, les débats enflammés avec des copains jusqu’au bout de la nuit… Cette Course en avant raconte l’histoire d’une construction chaotique et fiévreuse, celle d’un jeune homme qui dévore la vie à toute vitesse, s’y heurte souvent avant de se relever et de repartir. On suit avec tendresse les déceptions amoureuses du héros, sa découverte des barrières sociales, sa première et difficile expérience de prof dans une classe préprofessionnelle de niveau, et on partage avec lui la violence d’un bar de province où les hommes tentent de dissiper leurs désillusions et leur désœuvrement dans l’alcool. Un voyage sinueux qui conduira le héros sur les traces de son passé, de ses racines, pour l’amener finalement vers une première halte apaisante, prélude à son arrivée dans l’âge adulte. Jamais pessimiste, cet épisode de la jeune histoire de Franck Lombard n’en tend pas moins un miroir sans complaisance à ces années 1980 qui annoncent déjà certains travers de notre société d’aujourd’hui.