La loi de modernisation du système de santé du 26 janvier dernier comporte « plusieurs avancées » concernant l’accompagnement des personnes souffrant de problématiques psychiques, estime l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) dans une note rédigée à l’intention de Ségolène Neuville et qui lui a été transmise le 25 avril(1). C’est la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion elle-même qui, lors d’une rencontre avec des représentants de l’Uniopss le 7 avril, a demandé la rédaction de ce document sur la santé mentale, qui vise à la fois à dresser le bilan des apports de la loi « santé » dans le champ de la psychiatrie et à émettre des propositions.
Sur le premier aspect, l’Uniopss souligne, parmi les points positifs du texte promulgué en janvier, la mise en place de missions d’appui aux professionnels pour coordonner les parcours de santé « complexes », la possibilité donnée aux acteurs du territoire d’élaborer un projet territorial de santé mentale, celle de formaliser un plan d’accompagnement global de la personne qui peut « favoriser la fluidité » de son parcours de vie, ou encore les précisions apportées sur les conditions d’isolement et de mise en contention des personnes atteintes de maladie mentale. Enfin, l’inscription dans la loi d’un programme relatif au maintien dans le logement et à l’accès au logement et à l’hébergement accompagné constitue « un véritable progrès en matière de décloisonnement des accompagnements proposés à ces personnes », écrit l’Uniopss. Et s’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de ces nouvelles mesures, celles-ci apportent une première réponse à la nécessaire coordination des acteurs des secteurs sanitaire, social et médico-social dans un « accompagnement transversal des personnes ».
La loi du 26 janvier aurait cependant pu « aller encore plus loin, notamment dans le renforcement des droits fondamentaux », relève l’Uniopss, qui avance huit propositions « opérationnelles » pour améliorer l’accompagnement des personnes en situation de souffrance et/ou de handicap psychique. L’organisation préconise d’abord d’introduire dans toutes les formations des professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social « un module sur l’usager en tant qu’acteur de sa santé » et de reconnaître le rôle des pairs-aidants. Elle propose ensuite, sur le modèle des « gestionnaires de cas » des méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (MAIA), de développer le métier de « coordinateur de parcours », qui « aurait la responsabilité du lien entre les acteurs, mais aussi de la continuité du parcours, afin d’éviter les ruptures ». L’accompagnement individuel assuré par ce coordinateur vislycéeerait « à la globalité », en tenant compte de la dimension soins, mais aussi de l’habitat, de la vie sociale, de la qualité de vie, de la famille… « Il pourrait intervenir à l’occasion d’une situation de crise, mais aussi au long cours, afin d’assurer un suivi et servir de repère pour la personne en cas de difficulté du quotidien, écrit l’Uniopss. Enfin, il est nécessaire que le coordinateur ait un nombre restreint de personnes à suivre, afin d’assurer un suivi très régulier et au plus près des besoins et des évolutions des situations. » Cette nouvelle fonction nécessiterait un financement spécifique, qui pourrait émaner des agences régionales de santé (ARS), compte tenu notamment de leur mission de « lien entre l’ensemble des structures relevant de l’action sociale, du médico-social ou du secteur sanitaire ».
L’Uniopss préconise également de « développer les formations communes, croisées et transversales des professionnels intervenant auprès de personnes en situation de souffrance psychique », quel que soit leur niveau de qualification. Dans ce cadre, les ARS « pourraient identifier des financements dans les CPOM [contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens] des établissements de santé mentale, en les assortissant d’objectifs en matière de formations communes des professionnels sur un territoire. Ces objectifs, facilement évaluables, pourraient permettre de valoriser le travail fait par les structures en matière d’ouverture, de partenariat, d’inscription dans le territoire, mais aussi dans leur façon de répondre à l’obligation légale de formation professionnelle continue. »
Autre proposition : promouvoir les modes alternatifs d’habitat partagé (résidence-accueil, dispositif des familles gouvernantes…) tout en pérennisant leurs financements, « aujourd’hui encore trop dépendants de la bonne volonté des financeurs sur certains territoires, et générant des inégalités entre les personnes malades ». Les personnes plus autonomes, pour lesquelles la vie en résidence-accueil ou en famille-gouvernante « n’est ni adaptée, ni nécessaire », peuvent être accompagnées par des services tels que les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) ou les services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS). « Cependant, une adaptation des missions et du fonctionnement de ces services est souhaitable », relève l’Uniopss, qui recommande, pour les SAVS, le passage en dotation globale en remplacement du financement à la place, un système qui limite la file active « car un nouveau suivi ne peut se mettre en place qu’une fois un accompagnement terminé ».
Les rédacteurs de la note conseillent en outre de « faciliter les passerelles et la mobilité » pour les professionnels de la psychiatrie, notamment entre le secteur libéral et la fonction publique, et suggèrent d’« organiser une grande concertation nationale sur la psychiatrie hospitalière […] afin de maintenir et de garantir, sur le long terme, l’universalité de l’accès aux soins pour les personnes en souffrance psychique ». Enfin, il faut « faire reculer la stigmatisation en renforçant le décloisonnement », les personnes en situation de souffrance psychique ayant besoin, au-delà des soins psychiatriques, d’un accompagnement plus global. Ce travail commun « permettra de renforcer la banalisation de la maladie mentale et ainsi de “changer le regard” si important pour que vivent au mieux ces personnes », souligne l’Uniopss.
(1) Disponible sur