Il est l’occasion, chaque année, de dresser un état des lieux précis – et chiffré – du racisme en France. Le dernier rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH)(1), rendu public le 2 mai, dépeint une année 2015 traversée par deux mouvements antagonistes obéissant à des logiques distinctes : d’un côté une opinion publique beaucoup plus tolérante ; de l’autre, une hausse importante des actes à caractère raciste, en particulier à l’égard des musulmans.
Depuis 1990, la CNCDH fait appel à des instituts de sondage pour procéder à une enquête sur l’état de l’opinion publique en France à l’égard des phénomènes de racisme, de xénophobie et de discrimination. Les résultats du sondage réalisé pour 2015 montrent que, après quatre années de baisse consécutives suivies d’une stabilisation en 2014, l’indice longitudinal de tolérance en France a marqué en 2015 « une nette progression ». Un constat « pour le moins étonnant » au vu de l’année écoulée, pour lequel les chercheurs avancent quatre pistes explicatives : « la réaction “républicaine” aux attentats, la mobilisation contre le Front national, le recentrage d’une partie de l’électorat de droite (où la remontée de la tolérance a été particulièrement marquée) et la volonté de paraître “politiquement correct” ».
Dans le détail, même si de « vieux préjugés antisémites » persistent, la population juive reste la minorité la mieux acceptée. « Sur les quatre indicateurs relatifs aux minorités composant la société française, à savoir la reconnaissance de la citoyenneté, le degré d’intégration dans la société, la nécessité de sanctionner les insultes et l’image positive ou négative de la religion, les opinions à l’égard des juifs sont incontestablement meilleures » que pour toutes les autres minorités, note la CNCDH.
A l’inverse, et même si « l’évolution récente de l’opinion à l’égard tant de l’islam que des musulmans va dans le sens d’un moindre rejet », ces derniers restent la minorité la moins acceptée, le rejet s’étendant de la religion musulmane à ceux qui la pratiquent. Les critiques portent essentiellement sur les pratiques religieuses les plus visibles (port du voile).
Les Roms demeurent également confrontés à un grand rejet de la part du reste de la population. La CNCDH constate toutefois que ces sentiments négatifs ont non seulement cessé d’augmenter, mais ont même fortement baissé. Même si « préjugés, stéréotypes, connaissances erronées, sentiments de peur et d’hostilité continuent à se mêler avec une force et une intensité particulière dans le cas des Roms », la tendance est néanmoins en train de s’inverser. L’échelle de « romaphobie » élaborée par la CNCDH montre ainsi un degré d’hostilité qui chute depuis la fin 2014.
Les chiffres du ministère de l’Intérieur sur les faits délictueux (« actions » et « menaces ») à caractère raciste, antisémite et antimusulman marquent, une fois agrégés, une hausse importante de 22,4 % pour l’année 2015, pour atteindre 2 034 faits constatés (contre 1 662 en 2014). « Un sommet jamais atteint depuis que ces statistiques sont relevées », note la CNCDH. « La courbe de tendance de la délinquance apparente à caractère raciste ne cesse ainsi son inquiétante ascension. »
Plus précisément, alors que les infractions antisémites ont enregistré un léger recul de 5,1 % (808 faits délictueux contre 851 en 2014), les faits antimusulmans ont littéralement explosé (+ 223 %), comptabilisant 429 faits délictueux en 2015 contre 133 l’année précédente. Des chiffres qui confirment la tendance relevée ces dernières années, malgré le recul observé en 2014. « Les faits répertoriés semblent indiquer une progression dans l’échelle de violence », remarque l’instance.
Enfin, les autres faits délictueux (c’est-à-dire ni antisémites ni antimusulmans) ont pour leur part augmenté de 17,5 % avec 797 actes (contre 678 en 2014).
(1) Rapport disponible sur