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Réduction des risques : un rapport appelle à une culture commune

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Pour les associations œuvrant dans ce secteur, c’est une véritable avancée qu’a apportée la loi « santé » du 26 janvier dernier, en inscrivant la réduction des risques dans le chapitre consacré à la lutte contre les addictions. Jusqu’alors, cette approche, reconnue pour la première fois par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, avait en effet pour seul objectif la réduction du risque infectieux. En cela, la loi de 2016 consacre « l’accompagnement et la prise en charge des comportements addictifs à partir des demandes et des savoirs des usagers », souligne la Fédération française d’addictologie (FFA), qui regroupe une vingtaine d’associations intervenant dans le secteur.Elle a, les 7 et 8 avril, organisé une audition publique sur le thème de « la réduction des risques et des dommages liés aux conduites addictives », avec le soutien de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, de la direction générale de la santé, et avec l’accompagnement de la Haute Autorité de santé.

Changement d’orientation

A l’issue de ces deux journées de débat, au cours desquelles une trentaine d’experts ont présenté leurs contributions, une commission d’audition a rédigé un rapport formulant des orientations et recommandations, rendu public le 18 avril(1). Lesquelles traduisent, selon la FFA, un consensus en faveur d’une « politique qui organise de façon cohérente une déclinaison d’actions depuis la prévention, la promotion de la santé, l’intervention précoce jusqu’aux soins et aux accompagnements sociaux les plus lourds ».Ce document, qui présente 15 recommandations « pour un changement d’orientation de la politique des drogues », pointe les difficultés d’appropriation de l’approche de la réduction des risques, qui accuse « un grand retard » en France. En cause, notamment, les contradictions « entre une politique sécuritaire qui criminalise l’usage et une politique de santé publique qui inscrit la [réduction des risques et des dommages] dans le code de santé publique, [empêchant] une approche systémique et l’articulation des acteurs principaux que sont la justice, la police, l’aide sociale, la santé et l’éducation ». Avec, entre autres conséquences, « des ruptures dans l’accompagnement des usagers préjudiciables à la qualité de l’aide qui leur est proposée, une absence de culture commune entre acteurs du secteur, une méconnaissance des partenaires et des circuits et un défaut profond et général de formation » en réduction des risques. Les travailleurs sociaux, qui sont pourtant « en première ligne », ne disposent pas de « l’équipement nécessaire, hormis dans les structures spécialisées ».

Autre frein : « le champ spécialisé est marqué par des traditions et des pratiques anciennes et historiquement en conflit les unes avec les autres » (médecins/travailleurs sociaux, généralistes/psychiatres…) qui ont mené à un « très fort cloisonnement des prises en charge au détriment des usagers, quel que soit l’objet d’addiction ». Ce n’est qu’au début des années 2000 qu’est apparu « un dispositif structuré médico-social et sanitaire » avec la création des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) et le développement de services hospitaliers d’addictologie. Si ce dispositif a nettement renforcé la cohérence de l’accompagnement, il continue cependant « à porter en lui un certain nombre de clivages ». Le secteur médico-social spécialisé (CSAPA et Caarud) « est fréquenté par un public particulièrement marqué par la précarité et non représentatif de l’ensemble des usagers, [ce qui] constitue un frein à l’accès de tous les publics à ces structures », illustrent les auteurs.

A partir des échanges et des retours d’expériences de l’audition publique, le rapport décline des pistes pour développer la réduction des risques. L’usage doit être dépénalisé, préconise-t-il en premier lieu. Ce qui implique la révision de la loi de 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses, « qui est en conflit avec la loi de santé publique de 2016 », et doit « s’accompagner d’une réflexion sur la régulation des marchés des produits licites et illicites ».

Espaces de consommation à moindre risque

Les auteurs recommandent également d’ouvrir, dans les CSAPA et les Caarud, des espaces de consommation à moindre risque. Autre axe de réflexion : « la mise en réseau d’acteurs aussi différents que la police, la justice, l’éducation, l’insertion sociale, la santé », nécessitant de « développer des compétences partagées » par des formations communes. Les auteurs insistent sur la formation initiale des travailleurs sociaux, notamment sur le « aller-vers », proposent de former les professionnels de l’hébergement social à la réduction des risques et de « développer des lieux d’hébergement et de relogement acceptant le maintien de l’usage ». Par ailleurs, il faut, selon eux, « rapprocher les CSAPA et Caarud dans leurs cultures et leurs pratiques ». Ce qui signifierait mettre en place des postes transversaux, mieux intégrer les usagers – à travers la fonction de pair-aidant – dans leur fonctionnement ainsi que dans leur gouvernance et améliorer leur capacité à répondre à des publics divers. Les expériences et savoir-faire des usagers des groupes d’« auto-support » et des associations d’entraide devraient être valorisés, proposent-ils encore, émettant l’idée d’un statut « ouvrant à droits et rémunérations ».

Le rapport invite à développer des programmes et des actions de réduction des risques à destination de publics peu pris en compte actuellement (jeunes, femmes, migrants, seniors…) et de « rendre effectivement accessibles » ces approches dans les lieux de privation de liberté (établissements pénitentiaires et psychiatriques). Il appelle en outre à « encourager la recherche académique à travers le développement d’études participatives fondées sur la reconnaissance de savoirs expérientiels des usagers », à « s’astreindre à une évaluation permanente et rapide des innovations », et à la mise en place d’un « organisme indépendant destiné à la gouvernance et au financement des recherches ». Dans un tout ordre d’idées, les auteurs suggèrent « d’analyser et proposer des réponses à la problématique de l’épuisement professionnel dans les structures spécialisées ».

Après la publication de ce rapport, la Fédération Addiction, membre de la FFA, s’est félicitée que « les recommandations de l’audition publique capitalisent sur les acquis de la loi de modernisation du système de santé et poursuivent l’adaptation des réponses aux problèmes d’addiction ». Pour l’association, le rapport « défend des parcours de soins plus proches des parcours de vie et moins enfermés dans des strates et filières ou soumis à une organisation exclusivement sanitaire des réponses ».

Notes

(1) Disponible sur www.addictologie.org.

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