« Les avancées ont été majeures et c’est notre réussite collective », mais « les besoins sont encore énormes et les choses ne vont pas assez vite »,a reconnu la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées en dressant un bilan d’étape du troisième plan autisme 2013-2017 devant le comité national autisme qui a réuni, le 21 avril à Paris, des représentants d’associations, des professionnels, des institutions et les administrations concernées. L’occasion pour Ségolène Neuville de tracer les perspectives d’action pour les deux dernières années de mise en œuvre du plan (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 15).
La secrétaire d’Etat a tout d’abord évoqué l’audit en cours des contenus de formation initiale des écoles et instituts de travail social. Selon elle, « 132 établissements sur 228 organismes recensés ont répondu, et notamment la totalité des instituts régionaux qui concentrent l’essentiel des diplômes ciblés en priorité ». Des réponses qui sont actuellement analysées par « 26 auditeurs issus du comité national » et dont les résultats sont attendus d’ici au mois de juin. Des recommandations seront ensuite transmises aux organismes de formation et un plan d’action leur permettant d’adapter le contenu de leurs formations sera mis en place.
En outre, plus de 30 000 professionnels des établissements médico-sociaux ont été sensibilisés et formés depuis le début du plan, a indiqué Ségolène Neuville. Mais il s’agit d’une estimation « basse » car « elle ne tient pas compte de toutes les formations internes aux établissements et services médico-sociaux ». La secrétaire d’Etat a donc annoncé son intention de demander aux agences régionales de santé (ARS) de lui « faire remonter d’ici à l’été le nombre et le type de formations financées au sein des établissements ».
Le rapport d’étape du plan rappelle aussi qu’un groupe de travail mandaté à la fin 2014 par la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale planche actuellement sur une certification dédiée à l’autisme, complémentaire aux diplômes de travail social. Cette certification serait composée d’un bloc de compétences commun à tous les diplômés et d’un bloc de compétences spécifique à destination uniquement des titulaires de diplômes de niveau IV et III. Cette certification devrait être validée par la CPC courant juin 2016 et mise en œuvre à la fin de l’année.
Par ailleurs, la secrétaire d’Etat a réaffirmé l’importance d’améliorer « l’aide concrète » apportée aux familles d’enfants autistes, à commencer par « garantir un diagnostic précoce, un soutien aux parents et un accompagnement conforme aux recommandations de bonnes pratiques » de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). A cet égard, elle a souligné le rôle « essentiel » des centres de ressources autisme (CRA), qui viennent de faire l’objet d’un rapport d’évaluation de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), et dont Ségolène Neuville n’a pas caché le caractère sévère (voir ce numéro, page 7). « Sur le fond, l’état des lieux partagé par tout le monde, et retranscrit dans ce rapport, n’est pas très surprenant », a jugé la secrétaire d’Etat. Elle entend maintenant « réunir toutes les parties prenantes autour d’une table, d’ici à juin, pour discuter des propositions de l’IGAS, et des mesures à mettre en œuvre »,notamment dans le cadre du projet de décret sur ces centres de ressources en cours d’élaboration. La réorganisation des CRA « se fera en concertation, pas juste entre administrations au ministère », a-t-elle assuré.
Toujours dans le domaine de l’aide concrète et de l’accompagnement, Ségolène Neuville a aussi évoqué la scolarisation, en qualifiant notamment les unités d’enseignement en maternelle de « vrai succès » et en rappelant l’ouverture de nouvelles unités d’ici à juin 2017, pour atteindre 110 au lieu des 100 prévues par le plan. « Ce seront donc au total 770 jeunes élèves ayant des troubles du spectre de l’autisme qui en bénéficieront. »
Considérant, en outre, que « la qualité des projets de scolarisation et de compensation du handicap nécessite une bonne connaissance de l’autisme par les équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) », elle a annoncé la diffusion d’un guide pratique d’ores et déjà disponible sur le site de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie(1). Ce guide devra être accompagné de formations concrètes en fonction des besoins de chaque MDPH, a ajouté la secrétaire d’Etat.
Quant à la formation et à l’insertion professionnelle, « la réponse aux besoins des adultes autistes n’a pas été suffisamment prise en compte dans les différents plans », a assumé Ségolène Neuville, qui a d’ailleurs annoncé avoir l’intention de confier une mission « à un expert de l’autisme et de l’insertion professionnelle des adultes autistes, Josef Schovanec, qui vit lui-même avec une forme d’autisme de type Asperger ».
« L’accompagnement tout le long de la vie, ce sont aussi les créations de services et de places », a par ailleurs déclaré la secrétaire d’Etat. Aujourd’hui, « il existe 49 000 places tout confondu en France. 17 000 sont identifiées au titre de l’autisme », a-t-elle indiqué. Pour accélérer le mouvement de création de places en établissements (3 900 depuis 2012, 1 584 prévues en 2016 sur les 3 615 programmées par le plan), elle va demander aux ARS, dans le cadre de la circulaire budgétaire 2016 qu’elles devraient recevoir dans les prochains jours, « de prioriser les ouvertures de places sans passer, à chaque fois que cela est possible, par les appels à projets ».
Sur l’offre médico-sociale spécialisée en autisme, une évaluation menée sur les 29 structures expérimentales ABA financées dans le cadre du deuxième plan autisme « fait apparaître des écarts de fonctionnement voire de qualité », a encore avancé Ségolène Neuville. « Comme toutes les autres structures, ces structures expérimentales doivent donner toutes les garanties », et elles doivent donc « désormais se repositionner dans l’offre régionale spécialisée en autisme ». Un repositionnement qui passe, selon la secrétaire d’Etat, « par deux voies. D’abord, la continuité des parcours des enfants qui ont bénéficié très jeunes de ces structures. Devenus adolescents, il convient que les structures expérimentales développent des prestations visant l’insertion sociale et professionnelle. » La seconde voie est que ces structures contribuent à la « réponse accompagnée pour tous ». Parce qu’elles « ont des moyens financiers conséquents et concentrent des expertises professionnelles importantes », elles « doivent donc accueillir et recevoir les situations les plus complexes notamment d’adolescents autistes qui présentent des troubles graves du comportement », a-t-elle estimé.
Pour aider les familles, Ségolène Neuville a confirmé la mise en place « dès aujourd’hui » d’un « système très souple qui va permettre de financer et réguler » les interventions de certains professionnels indépendants (psychologues, éducateurs, psychomotriciens…). Ce dispositif innovant, appelé « pôles de compétences et de prestations externalisées », est inscrit dans les circulaires qui seront envoyées aux ARS dans les jours à venir, a précisé la secrétaire d’Etat. Choisis avec les parents, les professionnels pourront passer une convention ou un contrat avec des structures médico-sociales et seront payés en fonction des prestations délivrées. « Les familles qui ont déjà recours à de tels professionnels pourront les proposer à ces pôles, pour qu’ils conventionnent et elles n’auront plus rien à payer. »
Autre sujet de préoccupation et d’inquiétude des familles, selon Ségolène Neuville : « les signalements et procédures de protection de l’enfance dont des parents, souvent des mamans seules, font l’objet du fait de l’autisme de leur enfant ». Comme elle l’avait annoncé en janvier dernier(2), un plan d’action sur « la prise en compte des spécificités de l’autisme dans les prises de décision en protection de l’enfance », élaboré par ses services avec deux des autres ministères concernés (celui de la Justice et celui des Familles et de l’Enfance), est officiellement annexé au plan autisme (fiche-action 38). « Un comité spécifique, interministériel, sera installé dès le mois de mai pour décliner ce plan et en assurer le suivi opérationnel », sous la surveillance du défenseur des droits.
Concernant le packing, « le sujet n’est pas tant de savoir si cette pratique fait polémique ou pas », a affirmé la secrétaire d’Etat, qui a déjà fait savoir récemment qu’elle y était opposée(3). Le fait est que « cette technique n’est pas recommandée par la HAS et l’ANESM » et qu’elle est considérée par l’Organisation des Nations unies comme « un acte de maltraitance, et c’est aussi notre position. Cette pratique ne doit donc plus être utilisée dans les établissements ». La circulaire adressée aux ARS indiquera ainsi « clairement que la signature des contrats d’objectifs et de moyens des établissements médico-sociaux est strictement subordonnée au respect d’engagements de lutte contre la maltraitance, et donc à l’absence totale de pratique du packing ».
Sur la qualité des prestations, Ségolène Neuville a enfin rappelé aux associations leur avoir proposé « à plusieurs reprises de créer avec des experts professionnels un label qualité ». Sans succès. Elle maintient ce projet dont elle estime qu’il « témoignerait d’une nouvelle étape de confiance et d’expertise partagée entre les personnes, les familles et les professionnels ».
(1) Troubles du spectre de l’autisme – Guide d’appui pour l’élaboration de réponses aux besoins des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme – Dossier technique – Mai 2016 – Disponible sur