Si les centres de ressources autisme (CRA) constituent un « opérateur pleinement adapté », leurs « dysfonctionnements » restent « trop nombreux », pointe l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport récemment rendu public(1). Dix ans après leur généralisation et face aux critiques, les pouvoirs publics ont prévu de fixer des conditions minimales de fonctionnement des CRA, rappelle l’institution, qui formule 30 recommandations pour améliorer leur performance. En particulier, il ne faut « pas accroître leurs charges » mais « leur donner plus de souplesse et bien cibler leurs priorités autour de la pierre angulaire des recommandations de bonnes pratiques » (RBP), plaide le rapport. Des préconisations qui feront l’objet d’une concertation d’ici à juin, a fait savoir la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées lors de la réunion du comité national autisme le 21 avril dernier (voir ce numéro, page 5).
Trois obstacles au bon fonctionnement des centres de ressources autisme sont liés au contexte français de l’autisme, relève en premier lieu le rapport. Tout d’abord, le calibrage de leurs ressources et de leurs objectifs « bute sur une inconnue », c’est-à-dire le taux de prévalence de l’autisme, qui donne lieu à des « estimations variables selon les études » et apparaît en forte augmentation(2). De ce fait, « les CRA ne peuvent assumer seuls l’effort diagnostique sur le territoire », prévient l’IGAS.Autre écueil : l’autisme cristallise des tensions entre professionnels, associations et institutions publiques. Certes, « on est passé d’une approche à forte connotation psychanalytique à la recommandation d’un projet individualisé d’interventions qui mobilise à la fois les professionnels de différents champs et les familles », mais un débat subsiste toujours en France sur « l’importance d’un diagnostic précoce de l’autisme, la nécessité d’un accès rapide de l’enfant à une éducation adaptée, lui donnant toutes les chances d’une meilleure insertion sociale, et la participation active des familles à l’accompagnement des enfants »(3). Le dernier obstacle est la mise en œuvre « encore partielle » des recommandations « HAS-ANESM »(4), avec une « résistance de la part de certains professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux alors que l’évolution des connaissances montre l’intérêt des approches cognitives ». S’agissant de l’organisation des centres de ressources autisme eux-mêmes, le rapport confirme par ailleurs leur « extrême hétérogénéité », certains étant « composés d’experts de l’autisme reconnus », d’autres « toujours en construction ». La fonction de diagnostic « peut parfois devenir excessivement prépondérante » et les délais d’attente « peuvent atteindre entre un et deux ans entre le moment de la demande de bilan et sa restitution, situation confirmée pour la plupart des CRA ».
Globalement, « les moyens alloués aux politiques de dépistage et de diagnostic de l’autisme sont insuffisants et devraient être renforcés », estime l’IGAS. Pour elle, les centres de ressources autisme doivent jouer un rôle d’accélérateur dans la diffusion des recommandations auprès des acteurs de premier et de deuxième niveaux du repérage et du diagnostic « simple » afin qu’eux-mêmes puissent se repositionner sur les diagnostics complexes. Il faut donc donner la priorité à la formation des professionnels des équipes de proximité, plaide l’inspection. Elle recommande ainsi d’intégrer l’autisme dans les plans de formation hospitaliers, d’expérimenter de nouvelles organisations du diagnostic avec une répartition des fonctions entre médecins et psychologues ou encore de conventionner systématiquement les équipes de diagnostic de proximité avec les CRA afin d’harmoniser les pratiques et de les rendre conformes aux RBP. « Parallèlement, l’accès aux diplômes médicaux et paramédicaux, comme de l’espace social, doivent intégrer les approches neuro-développementales dans une formation sur l’autisme qu’il est urgent de rénover pour tous et partout », assure le rapport. Les CRA doivent en outre développer leur rôle de sensibilisation-formation et, plus largement, leur fonction d’animation de réseau. Pointant la nécessité de disposer d’outils pertinents pour identifier les professionnels compétents (le plus souvent libéraux) et contrôler leur pratique, l’IGAS recommande aussi une procédure de labellisation des professionnels de l’autisme, dans laquelle les CRA doivent assumer un « rôle d’expert » et les agences régionales de santé (ARS) un rôle de décision. Les liens des CRA avec les maisons départementales des personnes handicapées doivent par ailleurs être renforcés, plaide-t-elle.
Pour l’IGAS, le statut des centres de ressources autisme est « ambivalent de par la réglementation qui en fait des services médico-sociaux tout en ayant organisé leur rattachement aux établissements hospitaliers pour la plupart d’entre eux ». Bien que « pertinent », ce rattachement est néanmoins « vecteur de rigidités de gestion qui doivent être corrigées », plaide l’inspection. Elle préconise donc une « unification progressive des statuts des CRA vers un GCSMS [groupement de coopération sociale et médico-sociale] en “sécurisant” tous les liens qui existent avec les hôpitaux ». Le rapport appelle également à clarifier les rôles de l’ARS et du CRA. « Pilote unique de la politique de l’autisme sur le territoire », la première doit « pleinement jouer un rôle de pilote et d’impulsion sans redouter de prendre des sanctions financières vis-à-vis des structures publiques ne respectant pas les RBP », estime l’IGAS. Le centre de ressources autisme doit, quant à lui, être l’« opérateur » de l’ARS. Au niveau national, l’inspection invite à considérer la constitution d’un groupement national des centres de ressources autisme (GNCRA) « comme une opportunité plus qu’un problème ou une contrainte ». Pour elle, « celui-ci doit revoir ses ambitions, les majorer et conforter son ancrage sanitaire afin d’emporter l’adhésion de tous les acteurs » car « le but ne doit pas être seulement de construire une copie de l’ANCRA (Association nationale des CRA) mais d’insuffler un nouvel élan ».
Enfin, jugeant que « les CRA n’apportent pas de réponse suffisamment forte au problème de l’autisme chez les adultes », le rapport recommande la création de « plateformes Adultes » avec des équipes interdisciplinaires dédiées. Il suggère également la mise en place d’un programme de travail spécifique sur ce sujet par le GNCRA.
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(2) « Concernant l’autisme typique, la prévalence était de 4 à 5 cas pour 10 000 personnes en 1996. Aujourd’hui, on parle, selon les pays, de taux de prévalence pour l’ensemble du spectre de l’autisme situés entre 30 à 70 pour 10 000, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude si la prévalence augmente en réalité ou si cette croissance est simplement expliquée par un meilleur dépistage et de multiples changements de critériologie », résume l’IGAS.
(3) Autant de points qui font pourtant consensus à l’étranger (Grande-Bretagne et Etats-Unis, notamment), souligne le rapport.
(4) Haute Autorité de santé et Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux – Voir ASH n° 2751 du 16-03-12, p. 7.