« Des préconisations à mettre en œuvre. » Dans un communiqué commun, huit organisations ayant participé au groupe de travail sur les minima sociaux piloté par Christophe Sirugue – le collectif Alerte, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertions sociale (FNARS), le Secours catholique, Emmaüs France, Coorace, ATD quart monde, l’Association des paralysés de France (APF) et le MNCP – se félicitent du rapport remis le 18 avril par le député au Premier ministre (voir ce numéro, page 5).
Mesures les plus urgentes à mettre en œuvre à leurs yeux : l’accès au RSA (revenu de solidarité active) dès 18 ans, « indispensable pour mieux répondre à la pauvreté qui touche près d’un jeune sur quatre », la simplification des démarches administratives « dans un contexte où le non-recours est toujours évalué à 30 % en moyenne pour les différents minima sociaux » et le versement d’un montant fixe du RSA sur une période de trois mois pour favoriser l’anticipation budgétaire des ménages. Reste à savoir si Matignon, qui s’est prononcé pour une mise en application rapide des mesures de simplification proposées avant de se pencher sur la refonte des minima sociaux, va répondre à l’ensemble à leurs attentes pour le court terme.
« Le rapport donne aussi toute sa place à la nécessaire revalorisation des politiques d’accompagnement des allocataires de minima sociaux », font également valoir les associations. Le parlementaire insiste en effet sur la nécessité d’articuler le projet de recentralisation du RSA, en cours de négociation avec les départements, avec une amélioration du financement par ces derniers des politiques d’insertion. Il propose que la reprise en main par l’Etat du financement de l’allocation soit « partielle », afin de conserver l’incitation financière des exécutifs départementaux à une sortie des allocataires du RSA. Christophe Sirugue suggère aussi de restaurer pour les départements une obligation de financement des dépenses d’insertion à hauteur de 17 % du total des dépenses d’allocation.
Autre piste : « créer un véritable droit effectif à l’accompagnement pour les bénéficiaires du RSA, en mettant en place de nouvelles voies de recours ». Un volet essentiel, souligne Daniel Verger, responsable du plaidoyer au Secours catholique. Si le scénario consistant à rassembler les dix minima sociaux existants au sein d’une « couverture socle commune » retient la faveur des associations, « cette perspective demande un travail d’affinement »,tempère-t-il par ailleurs. Quant aux niveaux des compléments proposés, « ils restent bas et doivent être des points de négociation pour plus tard ». Malgré la prudence budgétaire, « la revalorisation significative des minima sociaux doit rester un point d’attention, l’objectif étant d’aider les personnes à sortir de la pauvreté », défend Daniel Verger.
Dans le champ du handicap, les réactions sont partagées entre un satisfecit mesuré et une grande vigilance. Les associations sont ainsi favorables à l’attribution à titre définitif de l’AAH (allocation aux adultes handicapés) pour les personnes dont le handicap est peu susceptible d’évolution, à la continuité de la perception de l’allocation par certains bénéficiaires au-delà de l’âge légal de la retraite et au rapprochement de la prestation avec l’allocation supplémentaire d’invalidité. « Ces mesures pourraient permettre dans l’immédiat de simplifier et sécuriser les ressources des personnes en situation de handicap », approuve l’Association des paralysés de France (APF). Non sans regretter qu’« aucune proposition forte n’ait été émise concernant la revalorisation des minima sociaux ou sur les conditions inadaptées d’application de la restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi aux bénéficiaires de l’AAH ». L’APF pointe à nouveau que « la récente revalorisation de l’AAH de 0,1 %, soit 81 centimes par mois, constitue un camouflet pour plus d’un million de personnes en situation de handicap vivant sous le seuil de pauvreté » avec cette allocation.
Autre sujet de préoccupation : « Sous couvert de simplification et d’équité, les personnes en situation de handicap ne doivent pas être les perdantes » d’une éventuelle réforme, « notamment en termes de pouvoir d’achat ou d’accès à certains droits connexes », souligne l’APF. Pour la mise en place du « complément de soutien », Christophe Sirugue a tenu à rappeler que des aménagements seront nécessaires afin de ne pas défavoriser « les bénéficiaires actuels de l’AAH, dont la base ressources est aujourd’hui plus favorable que celle des autres minima sociaux ». Malgré cette attention, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) redoute « des risques majeurs pour les personnes handicapées ». Le remplacement de leur allocation actuelle par un système à deux étages « laisse craindre une complexification de l’accès aux droits, voire une dégradation du niveau de leurs ressources », réagit l’association.
Les départements, eux, sont prêts à monter au créneau sur les incidences budgétaires des réformes envisagées. Le coût de l’accès des jeunes de 18 à 25 ans au RSA « a été chiffré par la direction du Trésor à 6,6 milliards d’euros, ramenés à 3,1 milliards en cas d’ouverture du droit à partir de 21 ans », s’alarme l’Assemblée des départements de France. Au lieu du scénario de la création d’une allocation commune assortie de compléments, celui consistant à « ajuster quelques minima sociaux dès janvier 2017 » serait « plus réaliste », juge l’association d’élus. Appelant à mettre « un terme à des politiques sociales généreuses mais… non financées »,elle annonce qu’elle proposera, lors de son prochain congrès en octobre, « une réforme d’envergure et finançable du système des allocations individuelles de solidarité ».