La loi relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs a été adoptée définitivement par le Parlement le 6 avril, soit à peine un peu plus de quatre mois après sa présentation en conseil des ministres(1). Son objectif ? Mettre un terme aux importants dysfonctionnements dans la transmission d’informations concernant les enseignants ayant été condamnés pour des infractions graves en rapport avec des mineurs. Des dysfonctionnements mis en lumière un an plus tôt par les affaires de Villefontaine et d’Orgères. Ainsi, la loi « définit, pour la première fois, un cadre juridique précis régissant les modalités de communication entre l’autorité judiciaire et l’administration en cas de poursuites ou de condamnations de personnes exerçant une activité les mettant en contact habituel avec les mineurs, notamment pour des infractions sexuelles ou commises contre les mineurs », s’est réjouie la ministre de l’Education nationale dans un communiqué du 31 mars. Najat Vallaud-Belkacem s’est également félicitée de la publication d’un arrêté et d’une circulaire autorisant le contrôle des antécédents judiciaires des agents de son ministère en contact avec des mineurs(2).
Complétant les premières mesures prises à la dernière rentrée scolaire par voie de circulaire(3), la loi prévoit que le ministère public a l’obligation d’informer l’administration d’une condamnation, même non définitive, pour certaines infractions particulièrement graves et limitativement énumérées (infractions sexuelles ou commises contre des mineurs, notamment), lorsque cette condamnation est prononcée à l’encontre d’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration. Cette obligation d’information de l’administration est également prévue en cas de placement sous contrôle judiciaire assorti d’une interdiction d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Plusieurs mesures visent à assurer le respect de la présomption d’innocence et la vie privée des personnes concernées. Ainsi, l’information, transmise par écrit, est confidentielle, indique la loi. Le ministère public doit informer sans délai la personne concernée de sa décision de communiquer l’information à l’administration. Celle-ci ne peut la communiquer qu’aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de l’activité de la personne concernée. Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement, toute personne qui en est destinataire est tenue au secret professionnel. Le ministère public doit en outre notifier sans délai à l’administration l’issue de la procédure et informer la personne concernée de cette notification. En cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, l’administration doit supprimer l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée (sauf si une sanction a été prononcée sur le fondement de l’information transmise par le ministère public).
Un décret devra préciser les formes de la transmission de l’information par le ministère public, les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ainsi que les autorités administratives destinataires de l’information.
Plus généralement, la loi prévoit que le ministère public peut informer l’administration(4) de procédures mises en œuvre à l’encontre d’une personne qu’elle emploie (condamnation, même non définitive, saisine d’une juridiction de jugement ou mise en examen pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement), y compris à titre bénévole, lorsque, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, cette information lui est nécessaire pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens.
La loi élargit le champ des infractions conduisant à une incapacité de diriger un établissement, un service, un lieu de vie ou d’accueil régis par le code de l’action sociale et des familles. Ainsi, rappelons que les personnes condamnées définitivement pour crime ou à une peine d’au moins deux mois d’emprisonnement sans sursis pour les délits listés à l’article L. 133-6 du même code (meurtre, actes de torture, mise en danger d’autrui…) ne peuvent ni exploiter, ni diriger ce type de structures, ni y exercer une fonction à quelque titre que ce soit. Afin de rendre cette incapacité systématique, la référence à un quantum de peine est supprimée lorsqu’il s’agit d’une condamnation pour des délits de nature sexuelle commis envers des mineurs. A noter : l’extension du champ des infractions conduisant à une incapacité vaut également pour les agréments délivrés au titre du code de l’action sociale et des familles.
La loi clarifie les modalités de renouvellement de l’agrément des assistants familiaux en prévoyant – désormais sans ambiguïté – que le bulletin n° 2 du casier judiciaire de chaque majeur vivant au domicile de l’assistant familial (à l’exception des majeurs accueillis en application d’une mesure d’aide sociale à l’enfance) doit être vérifié par les services départementaux.
(1) Ce texte, qui a fait l’objet d’une procédure accélérée (une seule lecture dans chaque chambre avant la réunion d’une commission mixte paritaire qui a élaboré un texte commun), reprend les dispositions ayant le même objet de la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Dispositions qui, rappelons-le, ont été censurées par le Conseil constitutionnel – Voir ASH n° 2921 du 21-08-15, p. 50.
(4) Ainsi que les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels.