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La loi visant à lutter contre la prostitution a été définitivement adoptée

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Au cœur de ce texte : la controversée pénalisation du client et la suppression du délit de racolage. Le texte crée aussi un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, assorti d’une aide financière.

Après deux ans et demi de débats houleux, les parlementaires ont enfin adopté, le 6 avril, la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées(1), affirmant ainsi la position abolitionniste de la France. Il s’agit là d’« une avancée historique pour les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes », s’est félicitée la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, dans un communiqué du même jour. Mais tout le monde ne partage pas cet avis, en particulier en ce qui concerne la pénalisation des clients de la prostitution, mesure phare du texte. Députés et sénateurs se sont divisés sur cette question, y compris au sein même des groupes politiques. Elle suscite également le scepticisme des associations, des forces de l’ordre et des magistrats, et l’opposition pure et simple de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme et du défenseur des droits(2).

Pénalisation du client

La loi prévoit que les personnes qui recourent à la prostitution s’exposent désormais à une amende de 1 500 €, portée à 3 750 € en cas de récidive, ainsi qu’à une ou plusieurs des peines complémentaires prévues à l’article 131-16 du code pénal (suspension du permis de conduire pour une durée maximale de trois ans, obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de responsabilité parentale…) et à un travail d’intérêt général. Lorsque cette infraction est commise à l’égard d’un mineur ou d’une personne présentant une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse, le client encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

La pénalisation des clients a suscité de vives réactions parmi les acteurs de terrain (voir ce numéro, page 19), qui craignent que les personnes prostituées ne soient obligées d’exercer dans des conditions plus dangereuses (clandestinité, violence, éloignement de l’accès aux droits et aux soins…)(3).

La pénalisation des clients rend sans objet la mise en œuvre du délit de racolage, en conséquence supprimé. Une suppression d’autant plus justifiée, selon la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Maud Olivier, que le recours à ce délit était de moins en moins fréquent, les parquets ayant plutôt tendance à privilégier les alternatives aux poursuites, notamment le rappel à la loi (Rap. A.N. n° 1558, Olivier, 2013, page 94).

Accompagnement et protection des victimes

Le texte crée, par ailleurs, des droits en faveur des personnes prostituées. Ainsi, un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle pourra être proposé aux victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Il sera défini en fonction de l’évaluation de leurs besoins sanitaires, professionnels et sociaux. Les personnes étrangères engagées dans ce parcours pourront bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois, renouvelable jusqu’à la fin du parcours. Lorsqu’elles ne pourront prétendre au revenu de solidarité active, à l’allocation pour demandeur d’asile ou à l’allocation temporaire d’attente, les victimes se verront allouer une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle. Incessible et insaisissable, cette aide sera financée par les crédits du fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées(4), créé par la loi.

Des places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale devront dorénavant être aussi réservées, dans des conditions sécurisantes, aux victimes du proxénétisme et de la prostitution en vue de faciliter leur accès à l’autonomie sociale.

La loi prévoit également que les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme ayant contribué par leur témoignage à la manifestation de la vérité et dont la vie ou l’intégrité physique est en danger sur le territoire national pourront être protégées. Protection qui pourra s’étendre aux membres de leur famille et à leurs proches. En outre, les témoins qui pouvaient jusqu’à présent déclarer leur domicile auprès d’une gendarmerie ou d’un commissariat, pourront également le faire auprès de leur avocat ou d’une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits dont l’objet statutaire comporte la lutte contre la traite des êtres humains et l’esclavage.

Enfin, les victimes de proxénétisme pourront obtenir la réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction, sans avoir à rapporter la preuve d’une incapacité permanente ou d’une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.

Notes

(1) Après le rejet du texte en première et deuxième lectures par les sénateurs de l’opposition, une commission mixte paritaire s’est réunie à l’Assemblée nationale et au Sénat. Comme elle n’est pas parvenue à un compromis, le texte a de nouveau été examiné par les deux chambres. Le Sénat l’ayant encore rejeté, le dernier mot est finalement revenu aux députés.

(2) Voir respectivement ASH n° 2862 du 30-05-14, p. 5 et n° 2941 du 8-01-16, p. 7.

(3) Cette crainte est confortée par un récent rapport de la Haute Autorité de santé dressant le bilan de l’état de santé des personnes prostituées (disponible sur www.has-sante.fr). Pour elle, « il est envisageable que les politiques de pénalisation puissent avoir des effets défavorables à la santé des personnes ». Par exemple, souligne-t-elle, « le déplacement des personnes vers des zones isolées ainsi que le caractère clandestin des échanges […] accroissent la difficulté des [personnes prostituées] à négocier des rapports sexuels protégés et accroissent les risques de violences ».

(4) Ce fonds sera abondé par des crédits spécifiques de l’Etat ainsi que par les recettes provenant de la confiscation des biens et produits issus du proxénétisme et de la traite des êtres humains.

[Loi à paraître]

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