Pour Véronique Bartebin, directrice du CCAS (centre communal d’action sociale) de Grigny (Essonne) depuis 2008, « la richesse vient de ceux qui sont sur le terrain ». Avant de prendre ce poste de direction, elle a eu le temps de bien le connaître : pendant cinq ans, elle a occupé un poste de « responsable du service de prévention des expulsions locatives », au sein de cette même structure composée de 18 agents. C’est cet attachement au terrain qui avait fait refuser à cette CESF (conseillère en économie sociale et familiale) d’évoluer vers des fonctions d’encadrement lorsqu’elle exerçait à la Ville de Paris. « A l’époque, je ne me sentais pas prête, j’aimais être dans la relation avec le public, l’aide à l’autonomisation », se souvient-elle.
Quand, en 2007, sa directrice de Grigny (ville populaire de 28 000 habitants dont deux quartiers, La Grande Borne et Grigny 2, sont classés en zone urbaine sensible) lui propose de lui succéder, elle sent que le moment est enfin venu. La passation se fait en douceur pendant un an : coaching une demi-journée par semaine, formation en comptabilité pour faire face à la gestion d’un budget de 1,2 million d’euros. « Je me suis aussi formée sur le tas, en échangeant beaucoup avec le service financier de la ville », raconte-t-elle. Cet accompagnement aux fonctions de direction s’est poursuivi après sa prise de poste via une formation « analyse des pratiques professionnelles » avec d’autres directrices.
En effet, diriger l’équipe dans laquelle on a soi-même travaillé n’est pas simple, surtout quand son statut administratif n’évolue pas. « Comme “responsable du service prévention des expulsions”, j’avais le même grade. Ce n’est qu’en décembre 2015 que je suis devenue cadre de catégorie A, cela a assis ma légitimité », souligne la quinquagénaire. Pour elle, néanmoins, cette connaissance de la pratique est avant tout un atout. « Je comprends les difficultés des collègues. Je sais notamment qu’il est parfois difficile de prendre de la distance par rapport à des situations très dures. » Elle n’hésite d’ailleurs pas à servir de « conseillère technique sur des situations compliquées ».
Véronique Bartebin a tout de suite opté pour un mode de management participatif. Juste après sa prise de fonction, elle a organisé un séminaire avec son équipe pour réfléchir aux orientations du CCAS. « Nous avons parlé de notre vision pour la structure à un an et à cinq ans. Des échanges extrêmement riches, qui ont permis que nous nous ouvrions sur l’extérieur, que nous développions des partenariats associatifs et institutionnels et que nous nous fassions connaître des autres services de la ville », explique-t-elle. Au cours des années suivantes, ce sont ces orientations qui ont été mises en musique. « Sous l’impulsion de Véronique Bartebin, le rôle du CCAS a changé : il s’est impliqué dans des actions de prévention comme la semaine du bien-être, a développé des partenariats et est maintenant connu de tous les services de la ville. Depuis qu’elle est entrée en fonction, le bilan annuel n’est plus une simple compilation de données chiffrées, puisqu’une analyse de ses actions est présentée aux élus en bureau municipal », apprécie Bachir Merghem, directeur adjoint des services à la ville de Grigny.
Faire confiance à l’expertise des agents de terrain implique aussi d’accepter de voir parfois ses initiatives remises en cause. « Je souhaitais mettre en place une charte de qualité. Nous avons travaillé avec les agents sur ce qu’est l’accueil. Si les échanges ont été riches, le souhait de formaliser les recommandations n’a pas émergé, j’ai préféré renoncer », explique-t-elle. Pour l’ex-CESF, la liberté des initiatives des agents est primordiale. « J’aimerais mettre en place un projet de service pour qu’il existe un référent quand une personne prend un poste. En revanche, nous avons toujours refusé de mettre par écrit une grille d’attribution des aides car chaque situation est unique. Pour plus de justice, deux agents statuent. Pas question de s’enfermer dans des procédures. »