Les congés… Un sujet surtout technique, selon Lucien Ctorza, directeur général de l’APAEIIE, association qui accueille des enfants et des adultes au handicap mental léger, avec 93 salariés répartis sur une dizaine d’établissements implantés dans le nord de l’Alsace. Pour éviter les problèmes managériaux tout au long de l’année, il conseille de faire savoir au plus grand nombre quand et comment s’organiseront les vacances à venir. Dès le mois de novembre de l’année précédente, le directeur établit et fait voter par le conseil d’administration un « calendrier annuel d’ouverture », valable pour tous les services sauf le foyer d’hébergement. Ainsi, la majorité des salariés, travailleurs sociaux, chefs d’atelier ou personnels administratifs connaît ses dates de congés d’hiver et d’été – les mêmes pour tous –, pendant lesquelles la structure doit fermer. Ne reste qu’à placer les RTT et les congés trimestriels. « Les usagers sont là quand les éducatifs sont là », résume Lucien Ctorza.
Les choses se compliquent pour son foyer d’hébergement de 35 places, occupé par des adultes travaillant à l’ESAT (établissement et service d’aide par le travail). « On essaie de dérouler les congés sur l’année, mais plus on va loin dans le planning, plus il y a de modifications », note le directeur, qui plaide pour une organisation semestrielle, voire trimestrielle. Les salariés peuvent faire leurs demandes de congés jusqu’au 15 du mois précédent, ce qui n’empêche pas quelques ajustements : « Il faut garder de la souplesse », reconnaît le directeur. Pour cet été, des vœux ont déjà été émis, « mais on ne peut pas répondre trop tôt, tant qu’on ne sait pas combien d’usagers seront présents… »
Directrice des ressources humaines du pôle « personnes âgées » de la Fondation Arc-en-Ciel, en Franche-Comté, Marie-Caroline Mathieu gère, de son côté, les congés de 280 salariés (principalement des aides médico-psychologiques et des aides-soignants), employés dans deux EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Pour faire fonctionner les établissements toute l’année, elle préconise d’employer un « pool de remplaçants ». A la fondation, il s’agit, assure la DRH, « de jeunes avec des projets de formation dans le secteur que l’on aide dans l’obtention de leur concours d’aide-soignant » ou de personnes plus âgées qui tournent dans les structures « de façon quasi continue et connaissent bien les résidents ».
De même qu’à l’APAEIIE, les formulaires de demandes de congés sont, à la fondation, en version papier. Mais il n’est pas exclu, note Marie-Caroline Mathieu, qu’un module « web salarié » autorisant les échanges par voie informatique avec les équipes soit ajouté prochainement au logiciel de gestion des temps et des plannings déjà utilisé. « Les souhaits de congés sont transmis par les salariés auprès des infirmières chefs de service jusqu’à une date butoir, dès le mois de janvier pour les congés d’été, et vers le mois de mars pour ceux d’avril. La contrainte est posée : il ne doit pas y avoir plus de deux ou trois remplaçants par service au même moment. » L’objectif est de faire en sorte que les salariés s’entendent plutôt entre eux sur les dates. « Quand cela ne fonctionne pas, la direction fixe avec les délégués du personnel des critères de priorité – comme l’ancienneté –, puis tranche. Même si notre but n’est pas de frustrer des gens… »
Ingénieur en organisation du travail, Benoît Perez intervient en tant que consultant dans toute la France auprès d’établissements sociaux ou médico-sociaux. Pour lui, les congés sont trop souvent considérés sous le seul angle technico-juridique. Or, juge-t-il, « ils sont à replacer dans un contexte sociologique plus large et relèvent de la gestion des temps, de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ». Et pour cause : « Alors que l’on sait que les salaires et la carrière plafonnent rapidement dans le secteur médico-social, la question des congés peut être un vrai levier de motivation des salariés. »
Pour ce faire, « les managers doivent bien connaître leurs équipes ». Benoît Perez préconise d’aborder la question des congés dans le cadre des entretiens individuels, désormais obligatoires tous les deux ans. « Sans rentrer dans l’intimité des personnes, il s’agit de comprendre comment chaque salarié s’organise, pour intégrer les congés dans une vraie politique managériale. » L’employeur peut apporter un soutien dans la gestion des temps par le personnel, par des actions de sensibilisation ou de conseil, sur la stratégie de pose des congés, la déconnexion informatique, les possibilités de garde d’enfants, etc. Cette démarche peut prendre la forme de réunions avec les délégués du personnel, avec ou sans l’aide d’un intervenant extérieur et – pourquoi pas ? – dans le cadre de partenariats avec une municipalité ou un centre socioculturel, par exemple.