La « protection universelle maladie » (PUMA) – qui vise à simplifier l’accès à la couverture maladie en fondant ce droit sur les seuls critères de l’exercice d’une activité professionnelle ou de la résidence stable et régulière en France – pourrait compliquer la situation d’un très grand nombre d’étrangers. C’est la crainte que plusieurs associations – dont les membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) et le Secours catholique – ont formulée auprès du ministère de la Santé.
La réforme risque « d’empêcher l’ouverture de droits pour tous les ressortissants étrangers ayant un titre de séjour d’une durée inférieure ou égale à un an », expliquent les associations. En effet, la mise en œuvre de la PUMA, qui remplace la CMU (couverture maladie universelle) de base, a justifié la suppression, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, du mécanisme de maintien des droits pendant un an, en cas de perte de la qualité d’assuré. Une modification qui pourrait conduire les étrangers disposant d’un titre de séjour de courte durée à devoir continuellement justifier de la régularité de leur résidence en France. Avec le risque de voir l’ouverture de leurs droits reportée ou de devoir rembourser des indus. Les associations y voient une remise en cause des principes acquis avec la CMU. « Le système de présomption des droits avec contrôle a posteriori ne fonctionne pas avec celui, très segmenté, du droit au séjour des étrangers », explique Didier Maille, responsable du service social et juridique du Comité pour la santé des exilés (Comede).
De son côté, la direction de la sécurité sociale se veut rassurante : « La concertation avec les associations sur les droits à la protection maladie des personnes étrangères se poursuit » et « l’objectif est bien d’assurer la continuité des droits et de ne pas faire sortir du droit à l’assurance-maladie des personnes qui en bénéficieraient aujourd’hui », fait savoir aux ASH l’administration, ajoutant que le décret devrait paraître avant le mois de juin, à l’issue de cette concertation. Les associations reprochent néanmoins un décalage entre la volonté affichée et la réponse technique proposée. Elles n’avaient toujours pas, dans la dernière version du texte qu’elles ont pu examiner le 8 avril, vu leur revendication principale satisfaite : la sanctuarisation des droits pour un an dès leur ouverture, quelle que soit la durée du titre de séjour. « Au lieu de cela, le projet actuel retient un mécanisme très confus qui ne donne aucune base juridique pour permettre à une caisse de faire une ouverture de droit pour une période allant au-delà de la date de validité du titre de séjour », explique Didier Maille. Selon le projet de décret, les droits seraient ouverts pour les personnes dont le titre de séjour a expiré depuis moins de 12 mois, à condition qu’elles puissent justifier d’une démarche de renouvellement entreprise dans un certain délai. Ce qui ne correspond pas forcément à leur situation ou au temps administratif, compte tenu des délais d’instruction des caisses, rétorque l’ODSE. L’observatoire demande que, a minima, tous les étrangers en séjour régulier puissent bénéficier des mêmes dispositions que les demandeurs d’asile, pour lesquels l’ouverture des droits leur paraît plus sécurisée.
Autre question restant à éclaircir : celle de la liste des titres de séjour pris en compte pour justifier de la régularité et de la stabilité de la résidence en France, que les associations jugent trop restrictive, notamment parce qu’elle n’inclurait plus, comme aujourd’hui, les convocations en préfecture ou les attestations de dépôt d’un dossier. Les organisations s’inquiètent aussi d’un projet de rédaction qui reviendrait à soumettre l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles à une condition de régularité du séjour. « L’assurance AT-MP, qui relève aussi du code du travail, ne l’a jamais été depuis sa création en 1898 », proteste l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, qui espère voir sur ce point une erreur. Sur le reste de leurs attentes, « les associations continuent de lutter pied à pied contre l’administration, qui a fait voter la réforme comme si les étrangers n’existaient pas en France », insiste Didier Maille.