La loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, définitivement adoptée le 6 avril, plus de deux ans après le début de son examen parlementaire (voir ce numéro, page 42), continue de susciter des réactions controversées au sein des associations. Osez le féminisme se félicite que la France ait rejoint « la liste des pays qui ont fait le choix de l’abolition » de la prostitution, comme le revendiquaient de longue date plusieurs mouvements associatifs. La loi, qui abroge le délit de racolage et sanctionne d’une contravention de 1 500 € les clients de personnes prostituées, « qualifie et condamne l’achat d’un acte sexuel comme une violence », relève Osez le féminisme, qui, comme le Mouvement du nid notamment, plaidait pour l’inversion de la pénalisation vers les clients. Elle se dit néanmoins vigilante sur l’application du texte législatif, « qui devra faire l’objet de moyens humains et financiers conséquents ».
Médecins du monde, parmi les associations opposées à la pénalisation des clients, craint en revanche que le risque encouru pour ces derniers ne pousse davantage les personnes prostituées dans la clandestinité. Avec des conséquences négatives sur leur accès aux dispositifs de soins et de prévention. L’ONG et une dizaine d’autres associations, dont le Planning familial, Act Up-Paris et AIDES, ont exprimé, le 5 avril, leurs doutes sur la mise en œuvre du « parcours de sortie de la prostitution » qui doit être proposé par des associations agréées. Les organisations déplorent que le bénéfice de certaines aides (accès à une autorisation provisoire de séjour, à une aide financière, à une attribution prioritaire de logement social) soit conditionné à l’engagement dans un parcours de sortie de la prostitution. Engagement autorisé, qui plus est selon le texte, par le représentant de l’Etat dans le département, après avis de l’instance chargée de coordonner les actions en faveur des personnes prostituées, victimes de la traite ou du proxénétisme. Ce critère « pose un vrai problème au regard de l’égal accès aux droits pour tous », jugent les organisations. Elles considèrent, en outre, que le budget annoncé pour le fonds dédié à cet accompagnement – 4,8 millions d’euros – est insuffisant. « Si on estime à 30 000 le nombre de travailleuses du sexe en France », expliquent-elles, ce montant équivaudrait à « 160 € par personne et par an ». Dans ces conditions, « il est évident que le volet social n’est rien de plus qu’un effet d’annonce ayant pour but de masquer la dimension essentiellement répressive de ce texte », en concluent-elles. Les organisations contestent, par ailleurs, les conditions de délivrance de l’agrément des associations, qui à leurs yeux « restent floues ». Celles-ci doivent être définies par décret, mais « les préfectures ont adressé, à certaines associations seulement, un questionnaire visant à identifier leurs besoins », rapportent-elles, s’inquiétant d’un « tri arbitraire opéré qui exclut certaines structures incontournables ». Elles insistent sur « la nécessité impérieuse de garantir à toute personne un égal accès aux droits, ce sans condition, et sur l’ensemble du territoire ».