Après des mois passés à tenter de remédier dans l’urgence à la crise migratoire que connaît actuellement l’Europe, la Commission européenne a présenté, le 6 avril, dans une communication(1), ses pistes pour réformer le régime d’asile européen commun. Ses propositions reposent sur deux scénarios : la première option consiste à maintenir les fondements du système du règlement « Dublin III » – selon lequel l’Etat membre de l’Union européenne (UE) responsable du traitement de la demande d’asile est celui de première entrée –, tout en introduisant certaines dispositions exceptionnelles en cas d’afflux massif de migrants. La seconde option suggère une réforme plus profonde, via un système permanent de distribution des demandes d’asile. L’exécutif européen va maintenant entamer des discussions avec les Etats membres, le Parlement européen et les différentes parties prenantes avant de faire son choix qui devrait intervenir d’ici à l’été.
Parallèlement, la Commission européenne fait aussi, dans la même communication, une série de propositions pour « ouvrir et renforcer des voies de migrations légales et sûres » vers l’Europe.
La première option sur la table correspond plus ou moins à un statu quo, un « Dublin plus », selon l’expression du vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans : elle conserve les principes de base du règlement de Dublin tout en prévoyant un mécanisme de secours en cas de flux migratoire massif. Une fois un certain nombre de demandes d’asile atteint, la Commission pourrait ainsi décider d’activer un mécanisme de « relocalisation » et de répartition structurel, tel celui qui a été négocié dans l’urgence par deux fois l’année dernière. La répartition s’appuierait d’ailleurs sur les mêmes principes qu’en 2015 (PIB du pays, taille, historique en matière d’accueil des demandeurs d’asile, chômage). Cette option pourrait recevoir la faveur des pays de l’Est (Hongrie, Slovaquie, République tchèque et Pologne), très opposés à l’introduction de quotas permanents de migrants, et de la France, qui considère que les pays de première entrée doivent être responsabilisés.
Le second scenario de la Commission européenne déplace la charge qui repose actuellement sur les Etats de première entrée sur l’ensemble des Etats membres, au travers de l’introduction d’un mécanisme permanent de répartition. Ce système serait lié à la taille, à la richesse ou encore à la capacité d’« absorption » de chacun des Etats membres. Il pourrait également prendre en compte des éléments tels que les liens familiaux du candidat à l’asile ou le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette option pourrait recevoir le soutien des pays de première entrée (Grèce et Italie) et des principaux pays de destination (Allemagne et Suède). Il semble aussi avoir la préférence du Parlement européen qui, dans une résolution non contraignante adoptée le 12 avril(2), propose de « créer un système central pour rassembler et répartir les demandes d’asile. Le système, qui pourrait inclure un quota pour chaque Etat membre de l’UE, fonctionnerait sur la base de points d’accès (“hotspots”) à partir desquels les réfugiés seraient répartis ».
Dans sa communication, la Commission européenne émet aussi le souhait de renforcer le mandat du bureau européen d’appui pour l’asile, qui pourrait être transformé en une entité supranationale en charge de la gestion des demandeurs d’asile.
La Commission européenne propose, en parallèle, une série de mesures « destinées à garantir la sécurité et une bonne gestion des voies de migration légale en Europe ». Objectifs : d’une part, permettre aux personnes ayant besoin d’une protection internationale de venir dans l’Union européenne « d’une manière ordonnée, structurée, sûre et dans la dignité » et, d’autre part, « répondre aux défis démographiques grâce à une politique proactive d’immigration de la main-d’œuvre ».
L’exécutif européen entend ainsi mettre en place un « système structuré de réinstallation ». Pour mémoire, la réinstallation consiste à transférer des ressortissants de pays tiers ou d’apatrides, identifiés comme ayant besoin d’une protection internationale, vers un Etat de l’UE où ils sont admis soit pour des raisons humanitaires, soit du fait de leur statut de réfugiés. Il s’agira de déterminer des « règles européennes communes régissant l’admission et la répartition, le statut à octroyer aux personnes réinstallées, le soutien financier, ainsi que les mesures visant à décourager des mouvements secondaires ».
La Commission prévoit aussi de réformer la directive relative à la carte bleue européenne, en prévoyant notamment des conditions d’admission plus souples, des procédures d’admission améliorées et des droits renforcés en faveur des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés. Mais aussi de prendre des mesures pour attirer et soutenir des entrepreneurs étrangers innovants et pour renforcer la coopération avec les pays tiers afin d’assurer une gestion plus efficace des flux migratoires. Enfin, la Commission européenne annonce dans sa communication qu’elle présentera un plan d’action de l’UE en matière d’intégration.
(1) Communication disp. en anglais sur
(2) Résolution disp. sur