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Les grandes lignes du projet de loi « égalité et citoyenneté »

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Le texte a été présenté le 13 avril en conseil des ministres. Annoncé au lendemain des attentats de janvier 2015, il se veut la réponse législative du gouvernement à ce que Manuel Valls a appelé l’« apartheid territorial, social et ethnique » existant en France.

Le projet de loi « égalité et citoyenneté », présenté le 13 avril en conseil des ministres, traduit sur le plan législatif une série de mesures issues des comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) réunis en mars et en octobre 2015(1). Il est construit en trois volets. Le premier, intitulé « citoyenneté et émancipation des jeunes », est, comme son nom l’indique, consacré à la fois à la jeunesse et au soutien à l’engagement dans la vie citoyenne. Le deuxième volet, selon les mots du gouvernement, « engage des mesures structurantes dans le domaine du logement pour favoriser la mixité sociale et lutter contre les phénomènes de ségrégation territoriale et de “ghettoïsation” de certains quartiers ». Le troisième volet, un peu fourre-tout, s’intitule quant à lui « pour l’égalité réelle ». Si on suit le calendrier souhaité par le gouvernement, le texte devrait être soumis – en procédure accélérée – à l’Assemblée nationale en mai, puis au Sénat en juin, pour une adoption définitive espérée au cours de l’été.

A noter : un certain nombre de mesures ne relevant pas du projet de loi ont été présentées le même jour, à l’occasion d’un troisième CIEC. Nous y reviendrons dans notre prochain numéro.

Contre le « décrochage citoyen »

Avec le premier volet du texte, le gouvernement prétend répondre à une double ambition : « créer une véritable culture de l’engagement et accompagner l’autonomie des jeunes ». Plusieurs articles sont notamment consacrés à la réserve citoyenne, sorte de réservoir de bénévoles déjà mis en place par l’armée et censé également exister – en tout cas sur le papier – dans l’Education nationale. Le projet de loi définit la réserve citoyenne comme un dispositif offrant à toute personne volontaire la possibilité de servir les valeurs de la République en s’engageant, à titre bénévole et occasionnel, sur des projets d’intérêt général. Elle intégrerait les dispositifs de réserve citoyenne existants, mais d’autres « sections thématiques » de la réserve pourraient aussi être créées par décret pour intervenir dans d’autres domaines(2). La réserve pourrait aussi comporter des sections territoriales, instituées par convention entre l’Etat et une ou plusieurs collectivités territoriales. Elle devrait être ouverte à toute personne majeure, française ou étrangère, dans les mêmes conditions que le service civique. Le projet de loi détermine quelles structures et quels projets pourraient permettre la mobilisation des réservistes et prévoit aussi leurs conditions d’affectation (accord sur la mission…). L’idée étant d’éviter tout risque de confusion avec un contrat de travail ou avec les emplois publics.

Autre nouveauté : la création d’un congé d’engagement pour faciliter la prise de responsabilité des bénévoles dans les associations(3). Le projet de loi propose plus précisément de transformer l’actuel congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse – circonscrit à une tranche d’âge (les moins de 25 ans), à quelques secteurs et à un type d’activité – en « congé de formation et de responsabilités électives », plus ouvert.

Le texte prévoit encore de diversifier les structures d’accueil en service civique et de créer de nouvelles missions en service civique. Il rend notamment éligibles au service civique les organismes HLM. Il permet par ailleurs aux personnes morales de droit public bénéficiaires d’un agrément de service civique de mettre des engagés de service civique à disposition d’autres personnes morales de droit public tierces non agréées, mais satisfaisant aux conditions d’agrément (pratique dite de l’intermédiation). Une mesure de nature, selon le gouvernement, à favoriser le déploiement des grands programmes ministériels engagés en 2015.

Enfin, pour encourager les jeunes à s’engager au bénéfice du développement social, culturel et économique de la Nation, les compétences, connaissances et aptitudes acquises par les étudiants dans le cadre d’une activité bénévole ou dans l’exécution d’un service civique devraient être reconnues dans le cadre de leur cursus d’études.

Contre les « ghettos »

L’objectif principal du volet « mixité sociale » du projet de loi est de casser les logiques de ségrégation et ne plus ajouter de la pauvreté à la pauvreté. Pour y parvenir, le gouvernement entend en premier lieu mieux piloter les attributions de logements sociaux via notamment un système de quotas. Les bailleurs sociaux situés sur les territoires de certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)(4) seraient ainsi obligés de consacrer au moins 25 % des attributions qu’ils réalisent en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) aux demandeurs les plus pauvres(5) et aux personnes relogées dans le cadre du renouvellement urbain. Le pourcentage pourrait toutefois être minoré en cas de territoire de l’EPCI majoritairement couvert par des QPV. En cas de manquement d’un bailleur à ces obligations, le préfet se substituerait à lui pour effectuer les attributions manquantes.

Les collectivités territoriales auraient de leur côté l’obligation de consacrer au moins 25 % des attributions effectuées sur leurs logements réservés aux ménages prioritaires, dont les ménages bénéficiant du droit au logement opposable (DALO). En cas de manquement d’une collectivité territoriale, le préfet pourrait se substituer aux commissions d’attribution pour effectuer les attributions manquantes, qui seraient imputées sur le contingent de logements réservés de la collectivité concernée.

Autre nouveauté : le préfet pourrait aussi imposer aux bailleurs sociaux l’attribution de logements réservés par l’Etat à des demandeurs éligibles à ce contingent, alors que, aujourd’hui, il ne peut le faire que pour ceux qui ont obtenu la reconnaissance du DALO. Il ne pourrait en revanche plus déléguer aux communes le contingent des logements réservés de l’Etat. Il pourrait toutefois toujours le déléguer aux présidents des EPCI de manière optionnelle, à condition que cette délégation soit liée à la prise de responsabilité du DALO.

Une autre série de mesures vise à donner une plus grande souplesse à une politique de loyers jugée parfois inadaptée à la correction des déséquilibres sociaux observés. Les bailleurs sociaux pourraient ainsi réorganiser les loyers de leurs immeubles et de leurs logements en fonction de critères de mixité sociale, en s’abstenant des considérations techniques liées au financement initial des logements. En clair, l’idée est de leur permettre de moduler les loyers au sein par exemple d’un même immeuble (ce qui est impossible aujourd’hui) pour permettre la cohabitation de familles aux revenus différents. Ces dispositions ne seraient toutefois applicables qu’à la relocation du logement.

Parallèlement, pour favoriser la mobilité dans le parc social – autrement dit, pour inciter à quitter leur logement HLM ceux dont les revenus ont augmenté en cours de bail au point de dépasser les plafonds de ressources –, le plafond du supplément de loyer de solidarité (SLS) devrait être réhaussé. Le loyer ajouté au SLS ne serait ainsi plus plafonné à 25 % des ressources d’un ménage mais à 35 %. En outre, les possibilités d’exemption du SLS dans le cadre des programmes locaux de l’habitat devraient être limitées et les conventions d’utilité sociale ne pourraient plus prévoir de modulations ni de dérogations. Dans le même esprit, dans les zones tendues, le dispositif de perte du droit au maintien dans les lieux pour les ménages dont les revenus excèdent significativement les plafonds de ressources applicables serait renforcé. Le seuil de ressources à partir duquel se déclenche la perte du droit passerait ainsi de 200 % à 150 % et le délai à partir duquel le locataire perd ce droit devrait être réduit de trois ans à un an et demi. Le locataire pourrait également perdre son droit au maintien dans les lieux s’il ne répond pas, deux années consécutives, à l’enquête ressources.

Une troisième série de mesures vise à obliger les communes récalcitrantes à construire des logements sociaux. Le champ d’application de l’article 55 de la loi « SRU » devrait ainsi être recentré sur les territoires où la pression sur la demande de logement social est avérée. C’est-à-dire les métropoles et les unités urbaines de plus de 30 000 habitants dans lesquelles le taux de pression sur la demande mesuré par le système national d’enregistrement de la demande de logement social justifiera cet effort. Les communes nouvellement soumises au dispositif devraient être exemptées du prélèvement « SRU » pendant trois ans, afin de favoriser leur prise de conscience.

« Pour l’égalité réelle »

Le troisième volet du projet de loi comprend des mesures disparates. Le texte reconnaît, par exemple, un pouvoir d’interpellation aux conseils citoyens, qui leur permettra de modifier un contrat de ville.

Autres nouveautés : il fait de l’amélioration de la maîtrise du français dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’intégration des étrangers une priorité nationale, il modifie la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour en sortir les délits antisémites et racistes et les faire entrer dans le droit commun et il élargit l’accès au troisième concours dans les trois fonctions publiques afin de valoriser tous les types d’expérience professionnelle.

Notes

(1) Voir ASH n° 2901 du 13-03-15, p. 5 et ASH n° 2931 du 30-10-15, p. 5.

(2) En juillet 2015, un rapport a émis des propositions pour, notamment, qu’on puisse affecter des citoyens « réservistes » au soutien des plus fragiles – Voir ASH n° 2919-2920 du 17-07-15, p. 18.

(3) Comme prévu par la feuille de route du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale présentée par Manuel Valls en mars 2015 – Voir ASH n° 2900 du 6-03-15, p. 5.

(4) Seraient visés les bailleurs sociaux disposant de patrimoine dans les territoires des établissements publics de coopération intercommunale tenus de se doter d’un programme local de l’habitat ou compétents en matière d’habitat et comportant au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville.

(5) Les demandeurs les plus pauvres seraient définis comme ceux qui appartiennent au quartile des demandeurs aux ressources les plus faibles dont les demandes figurent dans le système national d’enregistrement à l’échelle régionale.

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