Dans un récent rapport(1), le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) dresse un bilan mitigé du plan national de lutte contre le VIH-sida pour la période 2010-2014(2) et formule près de 40 recommandations pour continuer à lutter contre l’infection.
« Ambitieux », les objectifs quantifiés du plan ont été définis pour être mobilisateurs (par exemple, réduire de 50 % l’incidence de l’infection par le VIH), pointe tout d’abord le HCSP. Mais, pour lui, leur pertinence est « discutable » en raison, notamment, d’une définition en pourcentage de réduction plutôt qu’en diminution absolue, ce qui ne permet pas d’évaluer la performance « réelle ». « Malgré une politique volontariste, la baisse des contaminations n’a pas eu lieu », en particulier chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), déplore le Haut Conseil. Dans ce groupe de population, dans la classe d’âge 15-24 ans, le nombre de découvertes de séropositivité a en effet plus que doublé depuis 2003. Autre motif d’inquiétude : une « croissance nette » des diagnostics de trois infections sexuellement transmissibles (IST) (gonococcies, syphilis et chlamydioses). Ainsi, les objectifs généraux du plan en termes de prévention ne sont pas atteints, regrette l’institution en pointant l’échec « patent » auprès des HSH. Elle recommande donc de poursuivre et d’amplifier l’approche par population, d’améliorer la coordination des actions de prévention en direction des adolescents et des jeunes en l’intégrant dans une approche plus large de santé sexuelle, de développer les messages de prévention sur les applications, les messageries de rencontre et les réseaux sociaux, de renforcer la prévention combinée et l’accès au traitement des populations les plus exposées (HSH et migrants) ou encore de concevoir une stratégie de prévention des IST par population. Il faudra aussi mesurer « de façon continue » l’impact de la prophylaxie pré-exposition, conseille-t-elle encore.
« Mesure la plus importante dans le plan mais la moins bien appliquée », le dépistage généralisé de toute la population ne correspond plus aujourd’hui à l’épidémiologie de la maladie en France, souligne le HCSP en appelant la Haute Autorité de santé à réviser ses recommandations pour prendre en compte les évolutions scientifiques récentes. Tout en relevant que « l’augmentation et le meilleur ciblage du dépistage sont bien réels », il souligne l’impact de la mobilisation associative pour la mise en œuvre de cet axe du plan. Si le dépistage « mobile » a fait la preuve de son efficacité, le dépistage répété dans les populations les plus exposées n’a pas été évalué. Pour le Haut Conseil de la santé publique, l’offre et la pratique de dépistage du VIH doivent donc être substantiellement augmentées dans les populations exposées grâce à une politique adaptée aux contextes régionaux, en particulier dans les départements d’outre-mer. Il faut ainsi renforcer le financement du dépistage communautaire, assortir la réforme des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic(3) d’une « réelle ambition de santé publique » en y attribuant les moyens correspondants, concevoir et déployer « effectivement » une stratégie globale de dépistage pour les IST, plaide l’institution.
Du côté de la prise en charge sociale des personnes vivant avec le VIH et de la lutte contre les discriminations, le HCSP souligne les difficultés croissantes que rencontrent les étrangers malades pour la délivrance des autorisations de séjour pour soins. Si le transfert de l’instruction des dossiers à l’Office français de l’immigration et de l’intégration laisse espérer une réduction des disparités de traitement, il suscite également une « forte inquiétude » des acteurs, constate-t-il. Globalement, le Haut Conseil appelle à poursuivre les efforts d’inclusion sociale des personnes vivant avec le VIH et à inclure des travailleurs sociaux au sein des équipes spécialisées qui les prennent en charge. D’autres recommandations portent sur la prise en charge médicale et la recherche.
Document « figé », « rédigé une fois pour toutes », le plan n’a pas intégré les évolutions des connaissances et des pratiques intervenues pendant ses quatre années de mise en œuvre, regrette enfin le Haut Conseil de la santé publique. Il pointe notamment un manque de transparence au sein de son comité de suivi national et les conséquences importantes de la mise en place des agences régionales de santé (ARS) en 2010. Celles-ci définissent en effet leurs propres priorités de santé publique dans un projet régional de santé, ce qui « pose la question de l’efficacité d’un plan national entrant dans le détail des actions et de leur réalisation, alors même qu’il n’en maîtrise pas la mise en œuvre ». Aussi le Haut Conseil recommande-t-il qu’une « stratégie nationale de santé sexuelle », en lien avec la politique de prise en charge des maladies chroniques, propose une « politique à moyen terme conforme à l’état des connaissances », « décrivant les grandes orientations à suivre », « évolutive » et ayant vocation à être adaptée par les ARS aux contextes locaux. Enfin, il juge « essentiel » de conserver une spécificité des outils de dépistage et de traitement du VIH au sein de cette stratégie globale.
(1) Disponible sur