Eviter qu’un écart se creuse entre l’esprit de la loi et son application. C’est le sens de la démarche d’ATD quart monde qui a, le 30 mars à l’Assemblée nationale, à l’occasion d’une journée de mobilisation et de sensibilisation autour de la loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée(1), créé un « comité de vigilance citoyen ».
A partir du 1er juillet prochain, date d’entrée en vigueur de la loi, dix territoires vont pouvoir, durant cinq ans, expérimenter le dispositif qui consiste à proposer à des personnes au chômage depuis plus de un an des contrats à durée indéterminée, en partie financés par la « réallocation » des dépenses publiques liées à la privation durable d’emploi. Parce qu’il s’agit d’un « projet ambitieux qui va à l’encontre de la doctrine habituelle, nous voulons rester en lien avec ceux qui ont cru en cette loi et ont fait en sorte qu’elle existe », explique Patrick Valentin, responsable chez ATD quart monde du projet expérimental « Territoires zéro chômeur de longue durée », qui a inspiré le texte législatif. L’idée est que tous ces acteurs – ATD, le Secours catholique, Emmaüs, le Pacte civique, le député Laurent Grandguillaume, qui a porté la proposition de loi au Parlement, les premiers territoires engagés ainsi que d’autres mouvements associatifs – puissent rester en alerte sur la mise en œuvre concrète de la loi. A commencer par la rédaction de ses textes d’application, à laquelle le mouvement ATD quart monde est largement associé. Intervenue lors de la journée, Myriam El Khomri, la ministre du Travail, a, selon l’association, indiqué qu’ils seraient publiés courant juin. Le fonds d’expérimentation territoriale, chargé notamment du financement du dispositif, devrait quant à lui être créé en avril.
Au cours des débats, qui ont réuni des représentants des premiers territoires « expérimentateurs » et de ceux qui sont prêts à se mobiliser, des syndicats ou des militants associatifs, plusieurs points de vigilance ont d’ores et déjà été identifiés. Ils portent à la fois sur les missions des entreprises de l’économie sociale et solidaire entrant dans le dispositif et sur la conduite nationale de l’expérimentation, y compris dans sa phase d’évaluation, et son animation territoriale. Au-delà de la création et de la gouvernance de l’association chargée de la gestion du fonds d’expérimentation, la mise en œuvre de la loi « va reposer sur un certain nombre d’accords entre institutions », rappelle Patrick Valentin, puisqu’une convention devra être passée entre l’Etat, les organismes privés et publics participant à l’expérimentation et le fonds, et entre ce dernier et les territoires, d’une part, et les entreprises concernées, d’autre part. Autre sujet, « qui va faire partie des missions les plus lourdes » : la définition du mode de calcul des aides aux employeurs conventionnés. « Le dispositif démarre avec un forfait correspondant à une hypothèse probable, mais les premiers calculs pourront être faits un an après les premières embauches. C’est à partir des chiffrages précis que nous serons en mesure de démontrer ce que coûte et rapporte l’expérimentation. »
Les membres du comité de vigilance sont également très attentifs à la notion de « besoin » qui sera appréhendée dans les territoires. L’objectif « n’est pas de mettre un emploi en face d’un besoin économique ou d’un marché identifié, souligne Patrick Valentin. Nous nous battons pour dire qu’il faut construire une offre à partir des besoins exprimés par la totalité des demandeurs d’emploi, et non par rapport à ce qui rapporte de l’argent. Contrairement à ce que l’on peut entendre, il ne s’agit pas de saisir un gisement d’emplois, mais d’une volonté collective pour faire en sorte que chacun ait sa place. C’est un projet de société ! »
Insistant sur ce renversement de logique, les membres du « comité de vigilance citoyen » ont, le 30 mars, appelé à signer un manifeste(2) dans lequel ils affirment notamment que l’emploi « doit être repensé comme une composante essentielle de la cohésion sociale » et doit à ce titre « être produit volontairement à proportion des besoins d’emploi de la population ». L’expérimentation vise à prouver que « ce n’est ni le travail qui manque, ni les personnes capables de travailler et que l’argent pour financer ces travaux utiles à la collectivité ne manque pas non plus », font-ils valoir.
(2) Prochainement en ligne sur